Nos concitoyens sont de plus en plus fâchés avec le travail car, dans un pays où l’égalitarisme a pris le pouvoir, l’effort leur inspire davantage de ressentiment que de fierté. Vouloir en finir avec cette ultime distinction qu’est la réussite par le talent et l’exigence, c’est promettre la société à la médiocrité et à l’assistanat.
Le large refus des Français de retarder leur départ en retraite, alors qu’ils la prennent beaucoup plus tôt que dans la plupart des autres pays européens, et la stagnation de la productivité du travail, affectant la richesse par habitant, étonnent. Quand on pense à l’époque des « Trente Glorieuses » avec le souvenir d’un grand engagement dans le travail, on s’interroge sur les sources de cette mutation. Elle trouve ses racines dans une évolution beaucoup plus large de la société française.
Un temps de fierté du travail dans une société restée aristocratique
Lors de la Révolution française, la hiérarchie du « sang » a été mise à bas, mais nullement la logique d’une société de « rangs », avec les devoirs que le travail impose à chacun de remplir sous peine de déchoir. Les sources légitimes de distinction sont devenues, dans les termes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, les « capacités » les « vertus » et les « talents »(Article VI : « Tous les citoyens sont admissibles à toutes les dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talent. ») Si cette vision exigeante n’a jamais fait l’unanimité, elle a été particulièrement mise à l’honneur après la Seconde Guerre mondiale, dans un rejet de l’esprit de défaite, des compromissions de la collaboration, du jeu des petits intérêts qui avaient marqué la période de l’Occupation. Il s’est alors agi de retrouver, individuellement et collectivement, la grandeur perdue.
Cette vision exigeante a marqué un système d’enseignement donnant une grande place à l’« élitisme républicain ». Encore, en 1944, le programme du Conseil national de la Résistance exigeait « la possibilité effective, pour les enfants français, de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance, mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires ». La réussite dans les études, couronnée par un succès au certificat d’études, au baccalauréat, comme aux diplômes du supérieur, était une grande source de fierté.
Cette référence à une société
