Les pays du tiers-monde se définissent par plusieurs critères : retards industriels, inégalités socio-économiques, culturelles… Les mauvais choix faits par nos politiques depuis 40 ans nous font aujourd’hui cocher pas mal de ces cases. Analyse du président du groupe de réflexion gaulliste, Le Millénaire…
Le déclassement de la France
Les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979 cumulés à la mondialisation et à de mauvais choix stratégiques ont conduit la France à perdre son rang de puissance industrielle. Face à l’inflation causée par l’augmentation des prix du carburant, le modèle keynésien n’avait alors plus de remèdes pour combattre la dégradation de notre compétitivité économique. La France a alors commis l’erreur de choisir François Mitterrand pour s’embarquer vers une nouvelle destinée dans les années 1980. C’est alors que nous avons changé d’ère, quittant les Trente Glorieuses pour les « Quarante Piteuses » que nous connaissons actuellement. Depuis, notre pays a tourné la page de l’exception française, marquée par l’épopée gaullienne, pour ne subir que des successions de crises économiques, la perte de notre industrie, la hausse du chômage et l’immigration de masse.
Si d’autres pays du Nord (pour les distinguer des pays du tiers-monde) sont également frappés par la désindustrialisation, ils n’ont pas tous suivi la même voie. Nous pouvons différencier trois catégories d’acteurs avec des choix stratégiques différents. Dans la première catégorie, les États-Unis, une nation de savants, ont développé les géants de la tech. Ainsi, ils maintiennent leur rang avec une industrie et une armée, développées par leur avance technologique. Dans la deuxième catégorie, l’Allemagne a privilégié l’industrie haut de gamme. Nos voisins germaniques ont choisi de ne pas lutter avec les pays émergents comme la Chine sur les produits à faible coût et ont maintenu leur tissu industriel d’excellence. Dans la troisième catégorie, nous avons ce que l’on appelle les pays du Club Med qui ont sacrifié leur industrie pour se concentrer sur les métiers du service, du tourisme, etc. Cela concerne la France et les pays d’Europe du Sud.
Les mauvais choix ont conduit à un déclassement de la France de son rang européen et mondial. Au niveau européen, la France est désormais dépassée par l’Allemagne qui domine le continent par sa puissance économique et démographique. Ainsi, au sein des institutions européennes, ce sont les Allemands qui imposent leurs choix en laissant aux Français le mirage du « couple franco-allemand ». Au niveau mondial, la France avait une voix singulière en étant le point d’équilibre au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, entre l’Occident des États-Unis et du Royaume-Uni d’un côté, la Russie et la Chine de l’autre. Cette singularité s’est manifestée par la diplomatie gaullienne jusqu’au « non » de Jacques Chirac contre la guerre en Irak. La France a perdu sur les deux tableaux. Elle n’est pas considérée par les États-Unis comme un allié privilégié, rôle dévolu au Royaume-Uni, et elle est vue comme trop atlantiste par les pays qui contestent l’hégémonie américaine.
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La France vers la tiers-mondisation
Si les années 1980 ont conduit la France à entamer un long déclassement, les années 2020 la mèneront-elles vers la tiers-mondisation ? Nous pouvons dresser un parallèle entre les années 1980 et 2020 sur plusieurs points. Nous subissons à chaque fois une crise énergétique qui plonge le monde dans une période inflationniste réduisant le niveau de vie des populations. Face à ces crises, les élites françaises n’arrivent pas à définir une orientation stratégique capable de désamorcer la pente du déclin. Pire, nous sommes en train de sacrifier nos atouts soit par mauvaise gestion soit par une gestion démagogique à des fins électoralistes, comme sur le nucléaire.
Le tiers-monde peut être défini de deux manières : soit comme la troisième partie du globe la moins avancée, ce qui est déjà le cas avec notre retard sur les États-Unis et l’Asie de l’Est menée par la Chine, soit comme un pays pauvre en retard sur les pays industrialisés. À ce titre, plusieurs signaux sont très inquiétants. Les pays du tiers-monde se caractérisent par une inégalité économique très importante entre une minorité et le reste de la population. Ils se distinguent également par des problèmes éducatifs. Or, les derniers résultats de l’étude PISA montrent que nous baissons classement après classement. De plus, les pays du tiers-monde n’ont pas vécu la révolution industrielle, ce qui a conduit à un retard économique et technologique important. Sur ce point, on ne peut que constater que la France est très en retard par rapport aux dragons asiatiques, à la Chine ou encore aux États-Unis. Et on peut ajouter les pénuries d’énergie alors que nous ne sommes pas en temps de guerre ! Enfin, les pays du tiers-monde sont également caractérisés par une classe dirigeante davantage préoccupée par ses intérêts que par ceux de la population. Or, le décalage entre les élites françaises et le peuple n’a jamais semblé aussi flagrant.
Notre rayonnement et notre mode de vie sont aussi atteints et menacés. Le délabrement de notre capitale devient un sujet de moquerie pour les touristes. L’art de vivre à la française est menacé par la loi des gangs et des grands frères dans les territoires perdus de la République. Notre patrimoine n’est pas entretenu, quand il n’est pas bradé, tandis que notre culture est attaquée par les adeptes de la cancel culture. Le fiasco du Stade de France a démontré que nous n’étions plus capables d’organiser les grands événements, ce qui n’augure rien de bon à l’aube des Jeux olympiques de 2024.
Ces différents signaux nous obligent à nous interroger : la France ne ressemble-t-elle pas plus à la description que l’on faisait des pays du tiers-monde il y a quelques décennies qu’à une grande puissance mondiale ? Faute de sursaut, elle pourrait effectivement apparaître comme un des pays du tiers-monde du XXIe siècle. Cependant, il reste un espoir. Notre histoire le montre : à chaque fois que notre pays s’est retrouvé dans les pires difficultés, s’est toujours levé un homme capable de nous redresser. Nous avons eu le cardinal de Richelieu, Louis XIV, Napoléon Bonaparte et dernièrement le général de Gaulle. Ainsi, il reste à espérer l’avènement d’un homme providentiel ou d’un sursaut collectif.