Et soudain, le coup de téléphone. C’est la patronne, trois jours avant le bouclage.
« Dis donc, il nous faudrait un papier pour défendre France Inter.
— Euh…
— Bah oui, tu comprends, il faut quand même un point de vue alternatif dans le dossier. Et chez eux, personne veut nous causer…
— Mais…
— Il n’y a pas de mais… T’es de gauche, non ?
— Oui, mais…
— J’ai dit pas de mais. T’es de gauche ?
— Oui. De plus en plus, d’ailleurs.
— Alors, défends France Inter. Pas le temps de discuter. » [access capability= »lire_inedits »]
Et la patronne raccroche. Bon, comment lui expliquer que l’homme de gauche n’aime pas forcément France Inter. Ce n’est pas qu’il préfère Europe ou RTL, mais il n’est pas obligé de souscrire à tous les accessoires de la panoplie. Par exemple, quoique de gauche, j’aime les écrivains de droite, de la droite d’avant. On ne parle pas souvent des écrivains de la droite d’avant sur France Inter. D’ailleurs, je n’en sais rien, parce que, pour être honnête, je n’écoute pas France Inter. Va expliquer ça à la patronne. Je ne sais pas de quand ça date, que je n’écoute plus France Inter. Bien avant, en tout cas, que mes amis de Causeur m’expliquent à quel point, France Inter, c’est une radio de gauche.
Mes derniers souvenirs de France Inter, ce sont mes soirées de lycéen studieux. En fond sonore, j’écoutais Jean-Louis Foulquier défendre la chanson française, Patrice Blanc-Francard et Loup-Garou, Bernard Lenoir et Feedback. Le midi, quand l’occasion se présentait, hélas rarement – on était avant les podcasts –, j’écoutais Le Tribunal des flagrants délires. Pierre Desproges était celui qui me faisait le plus rire. Rétrospectivement, il avait plutôt un humour de droite, Desproges, disons « anar de droite ». Cette appellation commode permettra de ne fâcher ni ses fans de gauche ni ses fans de droite. Ou alors les deux.
Alors quoi ? Expliquer à la patronne que j’écoute plutôt France Culture, en fait. Beaucoup, même. Y compris la matinale dont Brice Couturier explique maintenant à quel point elle est de gauche. Si elle est de gauche, ce n’est pas de la mienne, alors.
Je dois être encore plus à gauche, en fait. Du coup, ce serait peut-être mieux, si j’en crois la patronne, que j’écoute France Inter. J’avais une radio de gauche à ma disposition et je ne le savais même pas. C’est ballot. [/access]
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