La crise des gilets jaunes aura été la convergence des faillites françaises. Antiparlementarisme, chômage, très bas salaires, violences et services publics déplorables sont le quotidien du champion du monde des impôts.
Avec sa hausse avortée des taxes sur le carburant, le tandem Macron-Philippe aura réussi à surclasser la gestion calamiteuse de l’écotaxe du duo Hollande-Ayrault en 2013. Le président normal avait calé devant les bonnets rouges et Jean-Marc Ayrault avait ensuite lâché un petit milliard pour parachever le démontage des portiques entamé par des Bretons irascibles. Le « nouveau monde » de Macron, et c’est bien normal compte tenu de la classe de ses dirigeants, n’a pas fait dans la demi-mesure : lui aussi il aura renoncé à ses 4 milliards de taxes, mais au prix d’a minima 10 milliards tous les ans. Epargnons-nous les calculs d’actualisation financière, mais pour faire court, les gilets Jaunes auront coûté à la France cent fois plus chers que les bonnets rouges. C’est à ces petits riens que l’on voit que l’on est gouverné par des champions (du monde de la dépense publique).
Nos policiers devraient rouler en Rolls
Il est vrai qu’il en faut du talent aux gestionnaires (!) d’un pays déclaré en faillite par son Premier ministre dès 2007 – 11 ans déjà – pour continuer à emprunter à tour de bras afin de financer une croissance qui ne vient pas, et pour cause.
Cette faillite constitue au demeurant le fil rouge des gilets jaunes, puisque loin d’être la convergence des luttes rêvées par la gauche, ce mouvement est le révélateur de la convergence des faillites françaises et d’une forme d’obstination à parfaire ces banqueroutes.
On sait que sur les ronds-points, on se lamente de la disparition des services publics. Dans les rangs des policiers chargés de maintenir l’ordre, on attend également le règlement de quelque 23 millions d’heures supplémentaires impayées. Les blessés des deux camps finiront dans des hôpitaux surchargés où le personnel médical est au bout du rouleau. Comment le pays champion du monde des impôts (ex-aequo avec la Finlande) peut-il avoir des services publics aussi miséreux ? C’est une question a priori légitime, mais dont ni la majorité ni les oppositions ni aucun des quelconques corps intermédiaires ne semblent vouloir s’emparer. Un Etat qui dépense 280 milliards de plus que l’Allemagne devrait pourtant voir ses policiers circuler en Rolls et des bureaux de poste high-tech sur chaque rond-point.
L’impôt sur l’infortune
Cette faillite du système, on peut concrètement la lire sur son bulletin de paie. Pour qu’un salarié touche 1 688 € net d’impôts (salaire médian), il en coûte 3 220 € à son employeur – la différence, 1 532 € étant constituée des prélèvements obligatoires. Alors certes, l’essence se trouve taxée à hauteur de 60%, mais les 46% de charges sur les salaires devraient nous révolter plus encore. Si elles n’étaient que de 30%, voilà près de 570 € qu’employeur et salarié pourraient se répartir. Pour Macron et l’ensemble des dirigeants depuis trente ans, cela semble plus simple d’augmenter les aides, subventions et autres niches que de se pencher sur ces chiffres affolants.
Notre président n’a en effet pas eu un mot, lors de sa dernière allocution, sur le caractère insoutenable du modèle social français, de sa dépense publique, de sa dette et du chômage de masse qui en découle. Il s’est contenté de remettre deux thunes dans le bastringue, pour laisser passer l’orage et se calfeutrer dans les institutions démocratiques de la Ve République.
Ces représentants qui ne représentent rien
Une démocratie en faillite, elle aussi, puisque la France des gilets jaunes ne se sent représentée par personne. On constatera avec elle que les 11 millions de voix de Marine Le Pen sont représentées par… sept députés à l’Assemblée, ou que le choix d’une société multiculturelle et ouverte à l’immigration n’a jamais été soumis à la volonté du peuple. A peine esquissé d’ailleurs par Macron, sa volonté d’inclure l’immigration dans le futur « Grand débat national » a vivement été critiquée par ses soutiens – à commencer par Laurent Berger, patron de la CFDT. Ce syndicaliste professionnel fut au demeurant totalement dépassé par les jaunes qui dénient toute légitimité au trio CGT, FO, CFDT. Berger, Martinez et consorts s’accommodent en effet fort bien du chômage de masse et de la hausse infinie des prélèvements. Ce sont eux les aveugles qui ne voient pas les 280 milliards sur lesquels ils sont assis confortablement, notamment les 32 milliards alloués à la formation professionnelle – qui ne forme personne. Ces cannes blanches ne peuvent définitivement rien pour les gilets jaunes, si ce n’est continuer à exciter leur jalousie en bêlant pour rétablir les 4 milliards de l’ISF. Aimer l’idée de taxer les riches au point de ne pas voir que cet impôt a détruit des centaines de milliers d’emplois constitue d’ailleurs un moteur puissant de la faillite.
Haine du capitalisme et tolérance de la violence
Cette haine du capitalisme, de l’argent et de l’entreprise, c’est bien sûr la faillite de l’Education nationale – là aussi, avec de tels prélèvements obligatoires, pourquoi diable ne sommes-nous pas premiers au classement PISA ? Gangréné par l’alter-mondialisme, notre enseignement présente le monde de l’entreprise comme celui de l’Antéchrist. Il n’est pas le seul, la justice française n’a pas de tendresse particulière pour l’employeur qui figure en haut du « mur des cons », alors qu’elle libère les casseurs le plus rapidement possible – sans doute les juges souhaitent-ils ne pas les exposer au prosélytisme islamiste en prison (délabrées elles aussi, mais enfin, où va l’argent ?).
Car les gilets jaunes auront également démontré la faillite de l’ordre public et la puissance dévastatrice des bandes de pillards venues des banlieues associées à des activistes chevronnés galvanisant du « plouc » enhardi. Mais dans les beaux quartiers de Paris, on paraissait peu au courant. A Nantes par exemple, en revanche, on savait : les zadistes et leurs amis black blocks, ont dévasté le centre-ville tous les six mois pendant dix ans avec une régularité métronomique. Il aura fallu que l’Arc de Triomphe soit profané pour qu’enfin la police soit autorisée à muscler (légèrement) son dispositif – et qu’à Paris on s’alarme.
Macron, c’est le vieux monde
Emmanuel Macron ne représente en aucune façon le renouveau qu’il prétendait incarner – quelqu’un qui poserait des questions simples du type : comment font les autres pour avoir 3% de chômeurs ? Il symbolise au contraire la faillite ultime, la sécession des élites européistes qui n’ont pas senti monter la colère de « la France des ronds-points » puis qui l’ont immédiatement méprisée. Au bout de dix-huit mois, ceux qui ont enfilé des gilets fluos obligent le pimpant marcheur Macron à revêtir le costume élimé de ses prédécesseurs, celui de syndic de faillite. Sous l’œil consterné des Européens, sous celui révolté des Italiens à qui Macron faisait la morale sur leur budget irresponsable il y a quinze jours encore, notre président s’apprête à faire comme Chirac, Sarkozy et Hollande – globalement plus rien, en attendant de refiler la grenade dégoupillée au prochain marcheur immobile.
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