Le football étant d’actualité, l’idée me vient d’imaginer un match France-Hongrie. En l’état actuel, je crois bien que même les Hongrois pourraient nous battre, ce qui n’est pas peu dire…
Qu’en serait-il, si nous organisions une compétition entre les équipes entraînées par les couples Hollande-Ayrault et Orbán-Matolcsy[1. György Matolcsy est le ministre de l’économie hongrois.] ?
J’apprends que le pouvoir d’achat des Francais a baissé de 1,2% en un an, un record depuis 1984 (1,9%). Voilà qui n’est certes pas brillant. Et en Hongrie ? Il a fléchi de près de 4% cette année (pour un salaire net moyen de 520 euros). Alors que le taux inférieur de TVA est passé en France, sous un flot de protestations, de 5,5% à 7% (sauf gaz et électricité), il est en Hongrie d’au moins 18% sur les produits alimentaires de base et le chauffage urbain… mais de 27% sur le gaz, l’électricité, l’eau et le téléphone !
Ce taux de 27% est le plus élevé d’Europe. Pour un salaire brut minimum de 1 400 euros en France contre 300 euros en Hongrie. Sans parler des indemnités chômage limitées à 3 mois, des pensions d’invalidité sucrées par dizaines de milliers (ramenées en moyenne de 80 000 à 28 000 forints, autrement dit de 280 à 100 euros par mois).
Nous pourrions continuer longtemps ce petit jeu. Si j’insiste un peu lourdement, c’est que le ministre de l’Economie nationale György Matolcsy répète que la Hongrie est à la pointe de l’Europe et se sort de la crise alors que les autres pays y resteraient empêtrés.
Au-delà de ces chiffres, sur lesquels on pourrait débattre à l’infini, ce qui m’interpelle est ce dogme sans cesse martelé par Viktor Orbán selon lequel ce n’est pas sur les revenus, mais sur la consommation (produits et services) qu’il convient de taxer la population. Ceci au nom d’un principe d’égalité et de justice.
Un contresens. Qui va d’ailleurs contre la tendance générale en Europe. Je sais que le gouvernement Ayraut prépare une série de nouvelles taxes qui risque d’être douloureuse. Malgré tout, l’impôt français sur le revenu reste réparti sur une série de tranches et de taux bien affinés.
Alors que le Premier ministre français annonce la création d’une tranche supplémentaire à 45%, son homologue hongrois défend le principe d’une seule tranche pour tous: 16%, point à la ligne !
Résultat : le budget de la Hongrie perd chaque année 500 milliards de forints, au profit de 20% de privilégiés (revenus supérieurs qui voient leur impôt diminuer de moitié), de 20% aux revenus moyens-supérieurs inchangés, les 60% restants de couches moyennes et basses étant davantage imposés. Tout cela alors que 37% des Hongrois vivent en dessous du minimum vital !
D’un autre côté, le gouvernement hongrois multiplie à l’infini les taxes sur les produits et services les plus divers. 28 en deux ans! Les deux dernières trouvailles : un impôt « sur les transactions » et une taxe sur les communications téléphoniques. Prétendument inspirée de la taxe Tobin, la taxe sur les transactions en trahit l’esprit, car au lieu de s’attaquer à spéculation, elle s’en prend directement aux ménages et aux entreprises: 0,1% sur tous les mouvements de fonds : virements bancaires, retraits en billetterie, voire réglement des factures à la Poste. Inutile de vous faire un dessin, vous en mesurez certainement les conséquences (renforcement de l’économie souterraine, surcoût de gestion pour les banques. Rentrée prévue: entre 50 et 100 millards de forints, soit une cagnotte de cinq à dix fois inférieure à la perte générée par l’introduction du taux unique sur les revenus. Un autre impôt sera prélevé sur l’ensemble des communications téléphoniques (fixes et mobiles, SMS inclus) qui devrait rapporter entre 30 et 50 milliards de forints. Pour des communications déjà frappées d’une TVA de 27%. Et ainsi de suite. Nous pourrions prolonger la liste, avec certaines taxes des plus saugrenues.
A la décharge du gouvernement Orbán, il envisage de scinder la TVA en cinq taux au lieu de deux, s’échelonnant de 5% à 30%, ce qui assurerait un partage de l’impôt plus affiné donc plus juste. Seul hic : Bruxelles l’interdit.
Il n’empêche, Orbán s’acharne à défendre le taux d’imposition unique sur les revenus. Plus qu’une question idéologique, j’y vois le signe d’un entêtement intraitable. Les grands hommes d’Etat savent reconnaître certaines de leurs erreurs. Orbán est assurément un politicien habile… mais un grand homme d’Etat ? Cela reste à prouver.
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