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France et Italie, gagnantes de la mondialisation du luxe


France et Italie, gagnantes de la mondialisation du luxe
Bernard Arnault, accompagnée de son épouse, arrive à l'Elysée pour un dîner officiel avec Emmanuel Macron et le président italien, Sergio Mattarella, le 5/7/2021 Lewis Joly/AP/SIPA

S’il y a un secteur où la France domine toujours le reste du monde, c’est celui du luxe. Mais elle a besoin de son alter ego, l’Italie, l’autre référence dans ce domaine. Les deux attirent à la fois stylistes, créateurs et consommateurs, et leur poids économique est tel que les sœurs latines valent deux tiers du marché global du luxe. Analyse d’un modèle d’intégration économique qui traverse les frontières.


Le secteur du luxe représente un parfait exemple d’osmose culturelle, artistique et économique entre la France et l’Italie. En plus de son importance économique, l’industrie du luxe incarne le « soft power » capable de fasciner, d’attirer, d’influencer un public en quête d’affirmation et de prestige. Si la France et l’Italie ont réussi à faire rêver le monde entier, c’est parce qu’elles ont été capables de promouvoir avec succès l’image de leurs pays en imposant leur conception de l’art de vivre comme un modèle universel.

Qu’est-ce qui lie inéluctablement ces deux grandes nations du luxe ? Pratiquement tout. Elles représentent les deux faces de la même médaille. Bien que chaque pays se développe à son propre rythme, leur interdépendance est si importante qu’aucun ne peut enregistrer séparément de telles performances, tant sur le plan de la création que sur le plan économique.

Si la France est moins présente que l’Italie au palmarès des 100 groupes de luxe mondial, elle représente un chiffre d’affaires plus important, notamment grâce à des champions tels que LVHM, Kering, Hermès et Chanel. Autre aspect fondamental : les groupes de luxe français ont une plus grande dimension et une rentabilité plus importante que les groupes italiens. De son côté, l’Italie représente le plus important producteur de luxe au monde, concentrant à elle seule presque 80% de toute la production. En outre, elle possède un plus grand nombre de marques authentiques avec un chiffre d’affaires supérieur d’un milliard d’euros. La concentration des métiers et des compétences a permis à la Botte de se positionner comme un gigantesque atelier de création et de fabrication.

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La France et l’Italie ont réussi à accaparer les deux tiers du marché mondial du luxe. En 2023, le secteur a atteint un chiffre d’affaires de 347 milliards de dollars, soit 42 de plus qu’en 2022. Selon les estimations, le luxe atteindra les 600 milliards de dollars d’ici 2030, notamment grâce à la forte demande en provenance de la Chine et de l’Asie. C’est bien cette croissance mondiale que les deux pays visent à exploiter.

Des stratégies complémentaires

Étant conscients du potentiel extraordinaire que l’Italie peut leur apporter, les géants du luxe français ont adopté une vision à long terme en appliquant une stratégie en plusieurs étapes. La première a consisté en l’acquisition des fleurons du luxe italien dans le but d’augmenter non seulement la valorisation de leur portefeuille de marques mais aussi une clientèle mondiale conséquente, et le chiffre d’affaires que ces entreprises génèrent. Le nombre de marques italiennes rachetées par LVMH et Kering est important : Bulgari, Fendi, Loro Piana, Acqua di Parma, Gucci, Bottega Veneta, Pomellato, Brioni.

La seconde étape, aussi fondamentale que la première, fut celle se doter, à travers de nombreux investissements et rachats, des usines de fabrication. Les métiers de l’art et de l’artisanat de luxe sont très demandés, très recherchés et presque impossibles à reproduire à court terme. Aussi, les marques françaises ont embauché des stylistes et des développeurs de talents. Cette approche a permis à ces groupes d’internaliser une production et une compétence unique qui a fortement contribué au développement de leurs marques.

A l’inverse de la France où l’industrie de luxe appartient essentiellement à cinq grands groupes, l’industrie italienne est constituée d’une myriade d’entreprises indépendantes de taille moyenne. Il n’existe d’ailleurs aucun conglomérat sur le modèle de LVMH ou Kering. Les points de force de l’industrie du luxe italienne dérivent de trois principaux facteurs. En premier lieu, le pays a un héritage historique sans précédent. L’Italie est le seul pays au monde qui compte des entreprises familiales historiques leaders dans la production des tissus, des vêtements, des sacs, des chaussures, des bijoux, de la maroquinerie, d’ameublement ou encore des voitures.

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Deuxième facteur, l’Italie possède un modèle industriel décentralisé basé sur des districts productifs et sur des chaînes d’approvisionnement spécialisés dans les métiers de l’excellence présentes au nord comme au sud du pays. Ce modèle donne aux entreprises la flexibilité nécessaire pour concevoir et produire en optimisant sur la variété des chaînes d’approvisionnement. Enfin, le troisième facteur repose tout simplement sur le « Made in Italy », synonyme d’excellence, de créativité et d’originalité. Dans un secteur où le désir et le prestige donnent un sens au concept du luxe, cette image de marque nationale est un coefficient multiplicateur de ventes et de marges. 

Dans l’avenir, le défi qui attend les « jumelles » du luxe mondial est de rester leaders du marché. Pour cela elles devront continuer à innover, générer des nouvelles idées, investir dans la production pour faire face à une demande globale de plus en plus importante et aussi former les nouveaux talents. Si le secteur agricole illustre bien les illusions perdues de la « mondialisation heureuse » vantée autrefois par ses nombreux thuriféraires, le luxe reste pour le moment un contre-exemple.



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Edoardo Secchi est entrepreneur et conseiller économique France-Italie

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