Alors que de nombreux Français étaient dans la rue pour protester contre sa réforme des retraites, Emmanuel Macron était… en Espagne ! Peu commenté en France, le traité d’amitié signé à Barcelone fait pourtant la Une de tous les journaux Outre-Pyrénées. Pour Madrid, l’enjeu est d’importance car les points de friction et de désaccord sont nombreux avec Paris. Mais quels étaient les points de friction, exactement ? Nicolas Klein fait le point dans la revue de géopolitique Conflits.
19 janvier 2023, Barcelone (Espagne). Préparé depuis des mois, le Sommet franco-espagnol qui se tient dans la capitale catalane mobilise une dizaine de ministres et secrétaires d’État de chaque côté ainsi qu’une foule de journalistes. Il faut dire que l’enjeu est immense puisque Paris et Madrid s’apprêtent à signer une série d’accords, dont un traité d’amitié et de coopération couvrant de nombreux domaines.
Le président du gouvernement espagnol, le socialiste Pedro Sánchez, fait office d’hôte pour le président de la République française, Emmanuel Macron. Les deux hommes se connaissent et s’apprécient visiblement. Le chef de l’exécutif de notre voisin ibérique jouit d’une réputation de social-démocrate modéré à l’échelle européenne et entretient de nombreux points d’accord avec la France. C’est ce qu’ont déjà pu constater tous les observateurs lors du précédent Sommet franco-espagnol, qui s’était tenu en 2021 à Montauban.
Barcelone, ville d’art et d’histoire
Pedro Sánchez a d’ailleurs l’habitude de recevoir en grande pompe des responsables politiques étrangers. En juin 2022, il avait concocté un programme de choix à l’occasion du sommet de l’OTAN, qui avait lieu à Madrid : musée du Prado, palais royal de La Granja, palais royal d’Orient, etc. Cette fois-ci, à Barcelone, il conduit Emmanuel Macron au Musée national d’Art de Catalogne (situé sur la colline de Montjuic, en surplomb de la place d’Espagne), où se déroulent la cérémonie de signature et la conférence de presse. Il lui fait également visiter le musée Picasso de la cité catalane, alors que les deux pays commémorent conjointement cette année le cinquantième anniversaire du décès du célèbre peintre.
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Le choix de Barcelone par les autorités espagnoles ne tient pas du hasard. Le président du gouvernement cherche à montrer que la situation s’est normalisée sur place après des années de bras de fer séparatiste. Les formations indépendantistes de gauche, indispensables à la stabilité de son cabinet, sont désormais ses interlocutrices dans le cadre d’une « table de dialogue » visant à résoudre les différends entre exécutif central et Généralité de Catalogne.
Malgré tout, il doit faire face à une manifestation sécessionniste sur la place d’Espagne en ce 19 janvier – même si le succès n’est guère au rendez-vous avec quelques milliers de participants seulement. De son côté, Emmanuel Macron est contraint de répondre aux questions des journalistes français dépêchés outre-Pyrénées concernant la journée de grève contre sa réforme des retraites. Il se défend de mépriser les partenaires sociaux, expliquant que le Sommet franco-espagnol était prévu de longue date et que c’est l’Espagne qui en gère l’agenda.
Des points de friction
Le président de la République française n’a probablement pas envie de provoquer une nouvelle brouille diplomatique entre Paris et Madrid, à la suite de nombreux mois de tensions. Ces querelles font peu la une des médias chez nous, mais sont en revanche omniprésentes dans les journaux, à la radio et à la télévision en Espagne.
Notre voisin pyrénéen, désireux d’exporter son surplus de gaz (il en achète massivement à de nombreux pays), veut mettre en œuvre le gazoduc MidCat, qui doit relier Hostalrich (Catalogne) à la France et prolonger ainsi le réseau gazier qui débute à Almería (Andalousie). L’Allemagne, qui a besoin de nouveaux fournisseurs dans le cadre du conflit entre Russie et Ukraine, soutient l’idée. Pourtant, Emmanuel Macron n’en veut pas et obtient d’ailleurs une annulation pure et simple de l’infrastructure. En échange, il négocie avec Pedro Sánchez et le Premier ministre portugais, António Costa, la construction d’un hydrogénoduc « vert » entre Barcelone et Marseille, le H2Med (d’abord nommé BarMar).
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La crise énergétique en Europe et les problèmes rencontrés par les centrales nucléaires françaises ont, de fait, placé l’Espagne dans une situation d’exportatrice nette d’électricité et de gaz vis-à-vis de la France. Ces débats sont donc plus que jamais d’actualité.
Néanmoins, les disputes bilatérales ne s’arrêtent pas là. Le refus de SNCF Réseau de laisser circuler sur nos voies de chemin de fer les TGV espagnols suscite de nombreuses critiques chez nos amis ibériques. De même, la fermeture de huit points de passage transfrontaliers secondaires dans les Pyrénées (décidée par Paris sans l’aval de Madrid au nom de la lutte contre les trafics, le terrorisme et l’immigration illégale) heurte beaucoup.
Deux dirigeants sur l’échiquier européen
Le traité d’amitié franco-espagnole doit donc être l’occasion d’une réconciliation et, pour la France, d’une diversification de ses alliés au sein de l’Union européenne. Emmanuel Macron a pris ses distances avec …
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