La France éliminée de l’Euro dès les huitièmes de finale!
Ce n’est pas la première fois que je m’interroge sur la coexistence, dans différents domaines, artistique, politique ou sportif, du regard des professionnels et de celui du profane, de l’amateur. Sur la compatibilité entre la perception du spécialiste et celle du quidam. J’ai à plusieurs reprises pris l’exemple du Festival de Cannes où les jurys sont composés à l’évidence de telle manière que le plaisir, la limpidité et le refus de l’ennui ne soient jamais des critères pour apprécier les films en compétition, mais la technique et, sans ironie, la capacité à produire de la gravité et de la lourdeur en les faisant passer pour du génie. Comment ne pas revenir sur ce thème après l’élimination de l’équipe de France par une talentueuse et vaillante équipe de Suisse dans la soirée du 28 juin ?
J’ai entendu de remarquables analyses, un concert unanime fustigeant les choix et les errements de Didier Deschamps et aussi le manque de réussite de Kylian Mbappé – qui n’a pas manqué son tir au but puisque le goal helvète l’a brillamment détourné comme Hugo Lloris avait su le faire avec celui de Ricardo Rodriguez durant le match. En particulier, sur la chaîne L’Équipe que j’ai découverte et qui offre de loin les meilleurs débats et commentaires.
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Les spécialistes, après cette élimination surprenante, ont abondé en considérations sur les systèmes de jeu, sur les changements de ceux-ci et l’instabilité qui en résultait pour l’équipe, sur les mauvais choix de Didier Deschamps qui semblait avoir perdu, durant ce championnat, sa lucidité, son intuition et son sens de la stratégie. Je ne doute pas une seconde de la pertinence de ces critiques d’autant plus qu’elles ont été peu ou prou consensuelles et que, de fait, il fallait qu’il y ait eu un gros couac, de vrais dysfonctionnements pour que l’équipe de France abusivement et trop vite qualifiée de favorite soit exclue dès les huitièmes de finale. Pourtant, je ne crois pas qu’on soit tombé dans le péché national de sous-estimation de l’adversaire ou alors si subtilement que l’incidence sur le jeu a eu un effet peu visible.
Il y a les spécialistes et il y a le beauf
Après un premier match remporté avec une faible marge contre l’Allemagne avec un jeu si ennuyeux, la France a été, comme souvent, trop vantée comme si ce début impliquait nécessairement la victoire finale. Pourtant, ensuite, deux matchs nuls avec une équipe plus ballottée que maîtresse, désordonnée, brillante par foucades, avec un Karim Benzema ayant retrouvé le chemin des filets. Mais rien d’éblouissant. Une qualification à la peine.
Enfin la Suisse. Un match palpitant au scénario improbable. Lloris qui n’arrête jamais les penaltys en détourne un. La France menée, alors, a un quart d’heure de grâce, jouant et poussant haut et marquant deux buts. Puis elle est retombée dans un jeu frileux qui a permis à l’adversaire, avec l’absurde sortie de Griezmann, de revenir de 3-1 à 3-3. Les 30 minutes de prolongation, avec des joueurs épuisés de part et d’autre, n’ont rien donné et j’ai été étonné que Didier Deschamps accepte le désir de Kylian Mbappé de tirer, et en dernier, alors qu’il avait tout manqué durant le match et que psychologiquement il n’était pas à ce moment dans de bonnes dispositions.
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Depuis le début de ce championnat d’Europe, on ne regardait pas jouer une grande équipe de France. Le beauf le constatait quand les spécialistes l’analysaient. Mais, désolation, l’un et les autres avaient raison. Il y a évidemment une réalité infiniment plus grave que cette défaite sportive mais quand le pays va mal, les jeux prennent une importance capitale. Avec les inévitables et scandaleuses violences qui accompagnent en France les fêtes et les déboires, notamment à Lyon et à Lille.
On a perdu mais la France ne gagne pas vraiment ailleurs. Les tirs au but se dérouleront en avril 2022.
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