Accueil Médias Sur France culture, le rapatriement des Afghanes est problématique. Mais pas pour les raisons auxquelles vous pensiez…

Sur France culture, le rapatriement des Afghanes est problématique. Mais pas pour les raisons auxquelles vous pensiez…

Séquence surréaliste dans le journal de la radio publique


Sur France culture, le rapatriement des Afghanes est problématique. Mais pas pour les raisons auxquelles vous pensiez…
D.R.

L’arrivée des cinq réfugiées afghanes à l’aéroport Charles de Gaulle, dans le cadre d’une opération d’évacuation, était très attendue. En revanche, beaucoup moins attendu était le curieux mécontentement exprimé à ce sujet sur les ondes de France Culture


Mardi 5 septembre, le « Journal de 12h30 » de France-Culture bat son plein. Thomas Cluzel passe en revue les actus chaudes : Emmanuel Macron à Orthez, visite de Kim Jong-Un en Russie, ouverture du procès de Rédoine Faïd… Puis, il évoque un sujet apparemment assez consensuel : l’accueil en France, lundi 4 septembre, de cinq femmes afghanes, réfugiées depuis des mois au Pakistan. Le transfert de ces femmes s’étant déroulé avec succès, on aurait pu croire que cet épisode était de nature à susciter l’approbation générale. C’était sans compter sur l’intervention d’une « spécialiste », Julie Billaud, professeur associé en anthropologie et sociologie au Geneva Graduate Institute.

Julie Billaud se présente comme une spécialiste des violences de genre en Afghanistan. Image : DR.

Fémonationalisme

« L’arrivée de ces femmes revêt une puissance symbolique particulière », lance le journaliste intello à l’invitée du jour [1], laquelle répond : « C’est une action qui est problématique, car elle renforce des stéréotypes ancrés dans l’imaginaire selon lesquels les femmes afghanes, et musulmanes de manière générale, auraient besoin d’être sauvées par l’Occident, sauvées des forces talibanes qui seraient la principale cause de leur vulnérabilité. » Pour notre spécialiste des violences de genre, le simple fait qu’une femme afghane soit condamnée à des « restrictions inimaginables » dans son pays (c’est l’ONU qui le dit) relèverait-il donc de l’imaginaire ? L’accueil de ces demandeuses d’asile en France serait « problématique », parce qu’elles sont des musulmanes ? Selon cette logique absurde, pourquoi ne pas carrément être discriminant dans notre politique d’asile, en privilégiant l’accueil des hommes pour abattre les stéréotypes de genre ?

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L’anthropologue ne s’arrête pas là, car elle utilise ensuite un néologisme des plus savoureux pour décrire l’attitude néfaste derrière notre accueil de ces réfugiées : « Ce qui est à l’œuvre, dans cette opération, c’est une forme de fémonationalisme, c’est-à-dire une instrumentalisation du féminisme et de l’émancipation des femmes à des fins racistes. On alimente ces stéréotypes de femmes musulmanes qui ont besoin d’être sauvées par l’Occident ».

Salauds d’Occidentaux !

Et tenez-vous bien : la situation précaire des femmes en Afghanistan n’est pas seulement le fait des Talibans, mais est évidemment en grande partie due… à la France. « On passe sous silence la souffrance des femmes afghanes, qui n’est pas seulement la conséquence de leur genre ou des Talibans, mais le résultat d’une guerre à répétition, d’une occupation qui a été brutale, de la pauvreté généralisée, de la militarisation de la société », assène la flagellante universitaire, avant de formuler son diagnostic final de la situation : « Tous ces processus ont été engendrés en grosse partie à cause de cette occupation à laquelle la France a participé ».

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En effet, l’armée française fut mobilisée, dès 2002 suite aux évènements du 11 septembre 2001, pour neutraliser Al-Qaïda et Ben Laden, et chasser les Talibans de Kaboul. « Ce qui est horrible dans cette bataille, c’est que le corps de femmes est devenu le terrain d’affrontement idéologique entre les islamistes afghans et l’Occident impérialiste… » Alors qu’elle entend poursuivre son développement, la spécialiste n’a pas le temps de finir son analyse; Thomas Cluzel (lui-même sans doute consterné) l’interrompt et la remercie. Au revoir, il y a d’autres sujets à aborder dans l’actualité, on n’a plus le temps… Mais l’auditeur a bien eu le temps de constater que pour certains grands penseurs, il n’y a donc aucune différence entre les islamistes et cet Occident odieux et « impérialiste », lequel paie tout de même des salaires permettant de vivre dans la très chic Genève.

[1] https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/journal-de-12h30/journal-de-12h30-du-mardi-05-septembre-2023-4021600 à partir de la 8e minute


Après avoir reçu de nombreux messages d’auditeurs scandalisés, la médiatrice de la radio a été contrainte d’apporter la réponse suivante, blâmant le présentateur de l’émission polémique plutôt que la fameuse experte:
« Julie Billaud est une anthropologue et professeure à l’Institut des hautes études internationales et du développement de Genève. Elle est spécialiste de l’islam, de la gouvernance internationale, de l’action humanitaire et du genre. Au lendemain de l’accueil par la France de 5 afghanes réfugiées au Pakistan car menacées par les talibans au pouvoir à Kaboul, il nous paraissait intéressant d’avoir son expertise. Nous aurions sans doute dû prendre le temps en début d’entretien de contextualiser plus avant. Ce rendez-vous dans le journal dure 5 minutes et ne permet pas toujours de prendre suffisamment de recul avant de dérouler une réflexion. Nous allons retravailler avec le présentateur de ce rendez-vous pour être plus attentifs à ne pas heurter nos auditeurs. Par ailleurs nous avons indiqué à Julie Billaud que ses propos avaient créé la polémique. Elle nous a proposé un texte en réponse. Pour tout auditeur qui souhaiterait en prendre connaissance, il suffit d’en faire la demande par message sur le site de la médiatrice de Radio France  •



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