A force d’exporter ses bac+7 et d’importer des bac-5, notre pays connait un appauvrissement intellectuel inédit.
La grande misère de la recherche en France explique en partie une autre réalité tout aussi inquiétante : la fuite de ses cerveaux les plus brillants. Si la qualité de nos formations de haut niveau permet aux meilleurs étudiants et aux entrepreneurs les plus capables d’émigrer dans les pays les plus innovants et les plus créatifs, force est de constater que leur départ n’est pas compensé. En somme, nous laissons partir les potentiels les plus performants et importons essentiellement des populations sans qualification.
Les raisons de la fuite des cerveaux sont multiples, mais leur dénominateur commun est l’incapacité de notre pays à créer un environnement à la fois sécurisant et dynamique pour ces esprits créatifs. Ces hauts potentiels ne trouvent pas en France les conditions de travail et de rémunération qui leur paraissent acceptables et se plaignent souvent d’une bureaucratie étouffante et tatillonne. Symptôme d’une perte d’attractivité du territoire, la défection des premiers de cordée impacte le rayonnement de la France. Et ce d’autant plus qu’elle est à sens unique. L’émigration de chercheurs, d’ingénieurs ou de créateurs d’entreprises de haute technologie français, essentiellement aux États-Unis et en Grande-Bretagne ne s’accompagne pas d’un mouvement inverse en direction de la France de jeunes surdiplômés. En dix ans, entre 2009 et 2018, 1,3 million de Français souvent très diplômés sont partis ; 1,8 million d’étrangers sont arrivés, essentiellement de pays pauvres, hors OCDE. La plupart n’ont aucun diplôme (40 %) ou simplement un diplôme de l’enseignement secondaire (39 %).
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Ces premiers de corvée sont certes très utiles et soulagent souvent les secteurs en tension, mais ils ne constituent pas le vivier de créativité et d’excellence qui seul peut aider une grande nation à maîtriser son avenir. François Bayrou a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme en 2020. Le commissaire au Plan avait réagi très vivement à l’annonce de l’échec de l’Institut Pasteur dans sa tentative de fabrication d’un vaccin contre le Covid. Il notait alors avec amertume que le PDG de la société Moderna, Stéphane Bancel (prépa « Ginette » à Versailles, Centrale Paris, université du Minnesota, Harvard), qui avait mis au point le vaccin à ARN messager aux États-Unis, était français. Interviewé à l’époque sur France Inter, le commissaire au Plan déplorait que « nos chercheurs les plus brillants soient aspirés par le système américain ». Même son de cloche du côté du médaillé Fields et ancien député LREM, Cédric Villani. Il constatait au moment de remettre son rapport sur l’intelligence artificielle en 2018 « qu’en France, des disciplines telles que les mathématiques, l’informatique ou la physique théorique étaient plutôt jusqu’alors épargnées par la fuite des cerveaux. Ce n’est plus le cas. » Or ce type de départ est un signe fort de déclin. La puissance et l’influence d’un pays se mesurent à la capacité d’attirer les talents extérieurs, mais aussi de conserver les siens. Le départ des hauts potentiels et l’arrivée en masse de populations peu instruites augurent rarement de lendemains qui chantent.