Le président Macron a récemment émis l’idée d’un nouveau traité franco-allemand qui renforcerait les liens entre les deux pays, noués en 1963 par De Gaulle et Adenauer. Il est vrai qu’on cherche en vain un sujet sur lequel la France aurait, depuis l’élection du nouveau président, seulement envisagé de se démarquer du « grand frère » d’outre-Rhin. Il est clair que pour Macron, plus que le partenariat, c’est l’union franco-allemande qui est l’objectif.
Vade retro Poutinas !
A l’inverse, on ne voit guère de rapprochement avec les Etats-Unis et la Russie. Le président avait pourtant paru faire un beau coup en invitant successivement Vladimir Poutine et Donald Trump à Paris peu de temps après son élection. Mais il n’y a pas eu de suite. Avec le recul on se demande d’ailleurs si le but de ces invitations n’était pas d’éviter au nouveau président d’aller leur faire une visite, l’un et l’autre étant tenus pour des interlocuteurs politiquement incorrects dans les milieux qui l’ont porté au pouvoir.
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Vis-à-vis de Trump, les relations demeurent froides : c’est le parti clintonien et son aile européenne qui ont porté la candidature de Macron, y cherchant une revanche de sa défaite d’outre-Atlantique. Les relations ne se sont pas davantage réchauffées avec la Russie, bien au contraire : la France n’envisage nullement de revenir sur les sanctions qui frappent ce pays, désastreuses pour notre économie. Sur la scène syrienne, elle intervient pour contrer la Russie et, par-là, retarder le retour de la paix. Seule consolation pour Moscou et Damas : la France ne compte plus guère au Proche-Orient ! Notre pays, qui apparaissait sous Hollande et Fabius comme un utile supplétif de l’OTAN, continue de s’agiter alors que la guerre se termine, sans être désormais pris au sérieux par qui que ce soit.
Pas de changement majeur non plus vis-à-vis de la Grande-Bretagne, toujours coupable du Brexit pour les dirigeants français.
L’Europe, l’Europe, l’Europe…
Emmanuel Macron ne veut pas seulement renforcer les liens avec l’Allemagne, il veut, comme il l’a dit dans son discours d’Athènes, faire progresser l’Union européenne dans le sens d’une supranationalité renforcée. Quoique ce projet intéresse peu nos partenaires, il s’inscrit dans la perspective d’un bloc continental organisé autour de l’Allemagne, acceptée comme le pays leader, et de plus en plus intégré. Il est facile de comprendre comment une intégration croissante de ceux qui sont dans ce bloc a pour corollaire un fossé croissant avec ceux qui n’y sont pas : Russie, Royaume-Uni, Turquie. D’un côté les « in », de l’autre les « out », sans ces nuances qui avaient toujours fait le charme d’une diplomatie européenne épousant les complexités d’un continent chargé d’histoire.
La géopolitique de Macron, telle qu’elle se dessine depuis le début du quinquennat oppose d’un côté le bloc continental de l’Union européenne sous commandement allemand et de l’autre côté les Etats-Unis (version Trump), la Russie et le Royaume-Uni. Jusqu’où va le bloc continental ainsi dessiné ? Nous serions tentés de dire « jusqu’à Stalingrad » mais nous ne sommes pas en 1943 ! Il reste que la silhouette sur la carte est la même. Il est clair qu’en maintenant les sanctions vis-à-vis de la Russie et en jouant le jeu du renforcement de l’OTAN dans les pays baltes, Macron s’inscrit à plein parmi ceux qui considèrent que l’Ukraine a vocation à faire partie de l’Union européenne, sous une étroite surveillance allemande évidemment, et à tourner le dos à la Russie.
La carte de l’Europe n’est donc pas sans rappeler celle de l’Europe occupée de la dernière guerre mondiale.
Macron n’est pas gaulliste
Si l’on omet toute comparaison idéologique entre les deux époques, l’euro a un effet mécanique sur l’économie française analogue à celui de l’Occupation : le transfert progressif, pour des raisons de compétitivité, d’une part croissante du potentiel industriel français chez nos concurrents d’outre-Rhin. La coopération militaire accrue souhaitée par le président Macron, au nom d’une Europe de la défense à laquelle nos partenaires ne croient pas mais dont ils tirent parti à nos dépens, conduit déjà au transfert progressif vers l’Allemagne des fleurons de ce qui constituait un des grands atouts de la France : une industrie militaire puissante. Déjà Nexter (l’ancien GIAT), qui a fabriqué le char Leclerc, est à 50% allemand. Un sort analogue semble promis à Naval Group issu de la DCN qui a fait le porte-avions Charles de Gaulle, convoité par les Italiens. Bien que formé au départ de 70% d’apports techniques français, Airbus est perçu aujourd’hui dans le monde comme une entreprise allemande. Rappelons que, forte de ses excédents, l’Allemagne envisage de remonter ses crédits militaires jusqu’au niveau requis par l’OTAN : 2% de PIB, ce qui la placera très en avant du niveau français, érodé année après année par les contraintes budgétaires liées à l’euro, et encore par Macron récemment. Le même Macron qui, dans son discours de Versailles, exhortait l’Allemagne à se réarmer !
Ce qu’il faut bien appeler une inféodation n’a rien à voir, quoi qu’on prétende, avec l’héritage du gaullisme. C’est à tort que certains voient dans cette orientation l’inspiration du général lequel aurait, lui aussi, fait le choix de l’Allemagne contre les Anglo-Saxons. Qui peut imaginer qu’il aurait jamais signé le traité de l’Elysée si la France avait été en position de faiblesse comme elle l’est, de son propre fait, aujourd’hui ?
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Cette diplomatie à la fois servile et idéologique ne se contente pas de nous aliéner Washington et Moscou ; elle nous fait perdre aussi un des bénéfices que nous aurions pu tirer de l’élection de Donald Trump. En prenant à partie Angela Merkel, ce dernier ne faisait que suivre la politique traditionnelle du monde anglo-saxon : l’équilibre sur le continent. Devant une Allemagne devenue hégémonique, il est clair que le président américain était prêt à nous aider à rééquilibrer le rapport de forces. Ce n’est pas l’actuel président qui saisira cette perche. Encore une occasion de perdue.
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