La visioconférence du président Volodymyr Zelensky au parlement autrichien a provoqué la colère des députés du Parti de la Liberté (FPÖ). Considérés comme proches du Kremlin et issus des rangs du principal mouvement d’opposition, actuellement en tête des sondages, les élus ont dénoncé « la propagande provenant d’un État belligérant et une violation flagrante de la neutralité de l’Autriche ».
Le 30 mars, le président Volodymyr Zelensky s’est officiellement adressé aux parlementaires autrichiens, par le biais d’une visio-conférence, afin de les remercier d’avoir envoyé des démineurs nettoyer des espaces géographiques classés comme zones de guerre, « de deux fois la taille de l’Autriche », ou pour avoir organisé des missions humanitaires en faveur des populations sinistrées. Expliquant que la Russie menait une « guerre totale contre son peuple », il a appelé la patrie des Habsbourg à « ne pas être moralement neutre envers le mal ».
Diffusée en direct sur les antennes de l’ORF, la télévision autrichienne, Volodymyr Zelensky a été largement applaudi par les députés présents. Une intervention qui a toutefois mis en colère les députés du Parti de la Liberté (FPÖ). Les élus ont brusquement quitté leurs sièges afin de protester contre cette allocution qu’ils jugent contraire aux principes de « neutralité perpétuelle de l’Autriche », appliquée depuis 1955. Ils ont claqué la porte de la salle basse du parlement, laissant derrière eux des pancartes sur leurs strapontins indiquant « Places pour la paix » et « Places pour la neutralité » comme le rapporte dans ses colonnes le quotidien Standard.
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La chef du parti libéral qualifie les députés du FPÖ de « collabos »
En amont de cette allocution, Herbert Kickl, chef du FPÖ, avait déjà qualifié le discours à venir de Zelensky de « violation de la neutralité de l’Autriche » et déclaré qu’il était inacceptable de transformer le parlement autrichien en « une plateforme de propagande provenant de la part d’un État belligérant ». Fustigeant l’invitation faite par le président conservateur (ÖVP) de la chambre basse, Wolfgang Sobotka, à laisser Volodymyr Zelensky s’exprimer devant les élus, il s’était fermement opposé à ce que ce discours soit mis à l’ordre du jour. Ce dernier a donc été considéré comme un « acte indépendant », afin de permettre au dirigeant ukrainien de s’exprimer en toute légalité au sein du parlement. Selon la chaîne de télévision PULS 24, le discours du président Zelensky a également provoqué un important regroupement devant le bâtiment du parlement. Plusieurs dizaines de manifestants se sont rassemblés en agitant des drapeaux russes et autrichiens, brandissant des affiches et des pancartes ornés de slogans en faveur de la paix et de la neutralité du pays. Ils ont également déployé des banderoles sur les marches qui mènent au parlement, appelant à l’annulation des sanctions votées par l’Union européenne (UE) contre la Russie. Interrogés, certains participants ont expliqué qu’ils s’opposaient à toute tentative d’installation d’équipement militaire de l’OTAN sur le territoire national.
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En réponse à l’attitude du FPÖ, le porte-parole du Parti populaire autrichien (ÖVP), Reinhold Lopatka, s’est empressé d’exprimer son admiration pour l’Ukraine. Beate Meinl-Reisinger, chef du parti libéral Neos, a également rendu hommage à Zelensky, saluant le courage de l’Ukraine qui lutte contre la « destructivité aveugle », pointant du doigt une Russie qui « ne mène pas seulement une guerre contre l’Ukraine, mais contre l’Europe et tout l’Occident ». « Quiconque est du mauvais côté, se fait le collaborateur des régimes dictatoriaux » a déclaré sans ambages Mme Meinl-Reisinger aux députés du FPÖ. Il est vrai que le FPÖ ne cache pas sa proximité avec le Kremlin. En 2016, le parti avait signé un accord d’amitié avec Russie unie, le parti du président russe Vladimir Poutine. Une alliance qui n’a pas été sans conséquences pour le FPÖ, lequel avait vu son image ternie par un scandale mettant en scène une pseudo nièce d’un oligarque russe et qui avait fait éclater l’union des droites formée avec l’ÖVP (2017-2019).
Législatives l’année prochaine
Un mouvement qui pourrait pourtant revenir aux affaires de l’Etat. En filigrane de ces protestations, les futures élections législatives prévues en 2024. Selon les résultats d’un sondage publié par le magazine autrichien Profile le 11 mars, le Parti de la Liberté reste le mouvement politique qui est actuellement le plus populaire du pays (soutenu par 28 % des personnes interrogées). Actuellement au pouvoir, l’ÖVP ne recueille à peine que 22%, loin devant les Verts (leurs nouveaux alliés au sein d’une coalition formée en 2019) qui ne recueillent que 10%, talonnés de près par les sociaux-démocrates (SPÖ) qui totalisent à eux seuls 24% des sondés.