Accueil Politique Monsieur le président, les beaux discours n’empêchent pas le réel d’exister

Monsieur le président, les beaux discours n’empêchent pas le réel d’exister

Le réel, c’est quand on se cogne


Monsieur le président, les beaux discours n’empêchent pas le réel d’exister
Discours d'ouverture du Forum des mondes méditerranéens. D.R.

En ouvrant le Forum des Mondes méditerranéens, le président Macron a vanté les apports de l’immigration, une chance pour la France, selon lui. À Nantes, dans le même temps, la majorité de gauche s’écharpait sur la présence d’une nouvelle population indésirable qui fait grimper l’insécurité.


Lacan disait, le réel c’est quand on se cogne.

C’est après avoir lu le discours d’ouverture par le président Macron du Forum des Mondes méditerranéens, tenu tout récemment, que je me suis cogné.

La France « en plus grand » d’Emmanuel Macron

Les paroles étaient pourtant évocatrices du traditionnel rêve de fraternité entre tous les Méditerranéens. Et la France, dans ce monde idéal, s’affirmait une fois de plus comme une patrie maternelle et bienveillante :

« Je sais tout ce que mon pays doit à ces enfants venus du Levant, du Maghreb, de l’Europe du sud. Je sais aussi qu’ils ont énormément à faire pour la France (…) je le dis parce que (…)  tant et tant d’entre nous, parce qu’ils ont des origines, parfois des prénoms même dit-on, cette richesse plurielle, mais qui sont résolument totalement Français, aimant la France, en aimant les valeurs, en aimant sa laïcité, son histoire, ses projets, la défendant avec force, devraient oublier la richesse de leur famille, de leur culture, parfois des liens qui existent de l’autre côté (…) J’attends de nos compatriotes qu’ils soient totalement Français et Européens, qu’ils respectent tous les règles de la République, qu’ils aiment leur pays, oui, mais je veux dire à tous les enfants de la République, quelle que soit leur histoire, que quand ils viennent de ces autres rives, ils ont des choses formidables à apporter à la France et à la République, et que c’est une chance. Celle de faire la France en plus grand, de porter nos valeurs, nos ambitions et que nous devons les aider à le faire. Nos diasporas, nos binationaux sont une chance formidable pour la France et nous devons les aider à réussir, y compris de l’autre côté de la Méditerranée. »

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Je me disais, après tout c’est formidable tous ces Français issus de l’immigration qui défendent la France et ses valeurs avec force. Et puis, si Macron a raison, tous ces néo-Français vont nous permettre de « faire la France en plus grand », je ne sais pas trop ce que ça veut dire, mais ça sonne drôlement bien.

Et bing ! Je me cogne sur un papier terrible du Figaro qui parle de l’insécurité grandissante à Nantes. Et sur des propos tenus par l’adjoint au maire, socialiste, chargé de la sécurité, Pascal Bolo, qui donne une vision un peu moins idyllique de l’apport des migrations à notre cher pays – ce que j’appelle « le réel » : 

« Cette nouvelle délinquance est le fruit d’une cascade de dysfonctionnements mondiaux qui amènent sur nos villes des gens qui, désespérés de pouvoir vivre chez eux ou alors qui fuient des guerres, viennent chez nous. On se retrouve avec des individus qui ont des parcours de violence importants, qui n’ont pas de moyen de subsistance, qui ne sont pas régularisables et qui ne sont pas expulsables car mineurs ou incertains quant à leur nationalité. Notons encore que bien souvent leur pays d’origine n’est pas pressé de les retrouver. Et à cet égard la crise n’a pas arrangé les choses. Cela étant dit, on se retrouve, nous, au bout de la chaîne, confrontés à des gens qui sont enrôlés pas des vrais trafiquants en échange du gîte et du couvert. Et qui se livrent, pour certains, à des agressions plus violentes. Une violence qui pourrit la vie des gens et qui représente un degré d’insécurité très important, notamment pour les jeunes noctambules ».

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Loin du discours lyrique d’un président qui, comme tous ses prédécesseurs, possède l’art des belles paroles creuses, Monsieur Bolo me parlait du réel, c’est-à-dire de ce qui échappe à tout discours, et qui fait mal.

À Nantes, une population indésirable

Mais en suivant le fil Bolo je me suis piqué à une nouvelle aiguille douloureuse. Cet adjoint  à la sécurité, apparemment très consciencieux, a passé sa soirée du 31 décembre dans un des quartiers très chaud de Nantes. Il s’est alors fendu d’un tweet : « Passage à la croisée des trams à Commerce. Les indésirables sont là. Mais aussi les équipes de @reseau_tan et les patrouilles de la Police municipale mobilisées jusqu’à 2h et 4h cette nuit. Échanges avec tous ces professionnels passionnés par leur mission. Merci à toutes et tous. »

Cette vision réconfortante de la lutte contre la délinquance m’ayant quelque peu rasséréné, je retombai illico sur le réel, c’est-à-dire l’incompréhensible, un communiqué de deux autres adjoints au maire de Nantes, du groupe « écologiste et citoyen »,  Julie Laernoes et Christophe Jouin : 

« Le 31 décembre dernier, l’adjoint socialiste à la sécurité, utilisait le terme « indésirables » pour qualifier des individus présents sur l’espace public. Nous nous désolidarisons de ces propos et condamnons ce glissement sémantique vers des termes qui, employés à l’encontre de personnes, sont contraires à l’histoire et aux valeurs de notre famille politique et ne peuvent pas faire partie du vocabulaire de la gauche. Nous avons vocation à faire société avec toutes les personnes présentes sur notre territoire, et nous devons pour cela construire une ville ouverte et protectrice de toutes et tous, conformément aux valeurs sociales et écologistes qui animent notre engagement. »

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Pour ces gens-là, qualifier d’« indésirables » des voyous violents qui pourrissent la vie des Nantais, c’est déjà une atteinte insupportable aux « personnes ». Pour ces belles âmes, il faut « faire société » avec les voyous, voire les protéger puisqu’il faut protéger toutes et tous. Qu’il puisse exister une pensée politique permettant d’élaborer de tels discours, il n’y a ni mots, ni concepts, rien qui permette de le concevoir. C’est aussi à ranger du côté du réel lacanien, c’est-à-dire ce qui est strictement impensable, de l’ordre du délire.



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Réalisateur de films d'entreprises et institutionnels. Organisateur de spectacles.

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