Lundi 26 février 2024, Gérald Darmanin ouvrait la deuxième session du FORIF, et appelait à la création d’un «statut de l’imam» en France. Qu’est-ce que le FORIF, et quelles sont donc ces mesures promises par notre ministre de l’Intérieur la semaine dernière à cette occasion? Céline Pina fait le point. Propos recueillis par Martin Pimentel.
Causeur. Céline Pina, qu’est-ce que ce fameux FORIF ?
Céline Pina. Le FORIF, Forum pour l’Islam de France, c’est le clou du cercueil du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), un comité Théodule à l’état gazeux ! Autant le CFCM témoignait de l’hubris de Nicolas Sarkozy qui a cru qu’il pouvait créer ex-nihilo un islam français et a offert une rampe de lancement aux Frères musulmans en y installant l’UOIF (aujourd’hui Musulmans de France), autant le FORIF fait semblant de reprendre cette ambition mais signe surtout l’impuissance de l’Etat.
Défini comme un « espace de discussion » destiné à accoucher d’un islam de France, il a un seul mérite : l’échec prévisible de toute tentative de réforme pourra être attribué aux imams et leaders communautaires…
Drôle de truc… Et quelles sont les mesures annoncées par Gérald Darmanin, lundi dernier, lors du lancement de sa deuxième session ?
Je vais y venir.
Le problème, c’est que la première stupidité est d’avoir cru que des politiques laïques allaient pouvoir influer sur l’identité d’une religion gagnée par la radicalité et utilisée comme un facteur de déstabilisation des pouvoirs temporels. Le nouveau machin (au sens gaullien du terme) réussit l’exploit de poursuivre les mêmes buts impossibles que le CFCM, avec encore moins de moyens pour y parvenir. Mais Gérald Darmanin et Emmanuel Macron, après avoir liquidé le CFCM, avaient besoin de faire croire qu’un islam de France était possible, cela alors que cette religion pose aujourd’hui des problèmes dans le monde entier. En Europe, l’islam est à la fois de plus en plus revendicatif et agressif, mais aussi de plus en plus rejeté et considéré comme incompatible avec les principes de libertés fondamentales, d’égalité ou de laïcité de nos sociétés ouvertes. Ce fossé qui est en train de se creuser a abîmé la cohésion sociale, et le gouvernement, qui pense qu’une partie de l’édifice de la société est en train de s’écrouler, craint de ne pouvoir contenir ni l’offensive islamiste ni une réplique identitaire violente. Il essaie de donner des gages à tout le monde et finit par ne montrer qu’incohérence et faiblesse.
Le FORIF parle du rêve immature d’un président français qui croit qu’il va régler la mainmise de l’islam politique sur l’islam en multipliant les instances aussi inutiles que mal conçues. Le FORIF est donc né d’un double constat, l’un avoué, l’autre inavouable. Le tout est destiné à mettre les deux têtes de gondole de la République en posture de héros de la souveraineté, empêchant les ingérences des pays étrangers sous couvert de chasser les imams détachés.
Vous m’intriguez. Expliquez-vous.
Le constat avoué est celui qui conduit à la suppression de ces imams au nom des jeux d’influence entre l’Algérie, le Maroc et la Turquie. Ceux-ci ont paralysé l’institution CFCM et en ont fait un relais de l’islam consulaire. L’islam devenait le moyen par lequel les pays d’origine gardaient un œil sur leurs ressortissants et essayaient d’empêcher toute intégration réelle. Ça c’est ce qui est avouable, mais Gérald Darmanin se garde bien de rappeler le triste épisode du refus de signer la charte de l’islam de France qui a amené à la rupture entre le CFCM et les pouvoirs publics.
En effet, cette histoire a révélé que le CFCM était en partie gangrené par l’islamisme des Frères musulmans notamment – mais pas que. Ce qui était inévitable à partir du moment où Nicolas Sarkozy a laissé entrer l’UOIF (aujourd’hui rebaptisée « Musulmans de France ») dans le CFCM. Pour faire oublier notre grande capacité à produire de l’islamiste et du jihadiste en culture locale, Gérald Darmanin essaie donc d’ancrer l’idée que si l’islam pose
