(Ce texte est dédié aux deux flics au carrefour proche de chez moi qui laissaient faire, d’un air débonnaire, les hurlements divers, les cornes de brume, les pétards et klaxons jusque deux-trois heures du mat’ sans intervenir…)
Je n’ai aucune animosité contre le sport, encore moins contre le football en tant que tel y ayant joué avec plaisir en UNSS (comme arrière gauche) pendant ma scolarité dans le secondaire. En revanche, j’ai toujours été complètement indifférent à toute l’hystérie, l’adulation excessive, autour des joueurs. Enfant, ou adolescent, je ne comprenais pas ce qui poussait mes camarades à s’échanger des images Panini de types jouant avec plus ou moins de talent au ballon. Je me contentais de boire du Fruité pomme-cassis avec Platini en photo sur l’étiquette parce que Fruité c’était « plus musclé ». J’étais sans hostilité, je faisais même des efforts pour m’intéresser, mais c’était peine perdue. Je n’y arrivais pas c’est tout sans que cela par ailleurs ne me traumatise.
Ce n’était pas par vanité, je ne me suis jamais en outre prétendu plus intelligent ou moins conformiste que les « footeux ». Je ne me sentais pas et ne me sens toujours pas supérieur à eux, c’était simplement que je m’en foutais du foot à la télé comme spectacle pénible car pour moi ennuyeux à mourir… Et surtout, comme encore aujourd’hui, l’obligation de me réjouir de la façon la plus primaire possible — car le reste du troupeau se réjouissait et se réjouit avec fracas — m’emm…bêtait et m’embête toujours prodigieusement…
Heysel et Furiani, Roland et Larqué…
De temps en temps, l’on arrivait à me convaincre non sans peine de regarder un match à la télévision, ce que j’acceptais pour montrer ma bonne volonté, mais dans ce cas où je tombais sur le désastre du Heysel, ou sur celui de Furiani. Cela ne m’encourageait pas vraiment à me passionner même si j’avais un peu de sympathie pour des petits clubs encore « bon esprit » tel celui de Lens, préservés de l’omniprésence de la pub et de la sottise grégaire des meutes de supporteurs lourds à supporter qui trouvent dans leur soutien à tel ou tel équipe de foûtebôle surtout un moyen de prouver à tout prix leur défaillante virilité, de montrer selon une de leurs expressions favorites « qu’ils ne sont pas des pédés ». Un non-supporteur étant obligatoirement soupçonné d’homosexualité refoulée ou honteuse…
Je me souviens bien également de Thierry Roland et de Jean-Michel Larqué se demandant sur un ton impatient et courroucé, de manière parfaitement et je l’espère inconsciemment indécente, alors qu’il y avait déjà des morts dans les tribunes, si la rencontre allait bientôt commencer parce que leur attente commençait à être bien longue, les pôôvres…
Placer son patriotisme dans le foot ?
Je me rappelle aussi de l’hystérie autour du fameux France-Allemagne de 1982 que même Zemmour a évoqué avant la demi-finale de l’Euro 2016 avec des trémolos dans la voix. C’était « l’ennemi héréditaire » qui recommençait à montrer toute sa fourberie, toute sa brutalité avec l’agression de Battiston sur le terrain. Le foot redevenait excitant comme un ersatz de guerre, la France allait devoir prendre sa revanche sur l’humiliation de juin 40 en jouant à la baballe mieux que les « sales Boches ». Placer son patriotisme dans le foûte me paraît encore en 2016 légèrement ridicule…
De plus, tout ce « storytelling » soigneusement débité autour du foot ça permet encore maintenant de faire passer la pilule de mesures iniques, comme celle-ci par exemple dont on parlera peu avant, pendant et après la finale de l’Euro de dimanche. Je ne mettrais pas ma main à couper non plus que quel que soit le résultat, les scores des « bleus » feront remonter Hollande et Valls dans les sondages. « Panem et circenses », cela fonctionne de toute éternité afin de mener les peuples là où bon semble à l’oligarchie.
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Alors ? après avoir lu le papier d'Amaury Grandgil, on s’en fout du foot ?https://t.co/ED6gA9E4U0#EURO2016 #FRAPOR
— Causeur (@causeur) 8 juillet 2016
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