Le premier parti de France n’a aucune région. La nouvelle fut difficile à accepter pour les quelque six millions de Français qui ont donné leur voix au parti le plus polémique de France. Ils avaient été 3,5 millions lors des législatives de 2012, et n’avaient finalement obtenu qu’un seul député. Face à ces anomalies démocratiques, la question est double : il y a d’abord une remise en cause du mode de scrutin mais aussi la recherche d’une alternative au fameux « plafond de verre ». Il n’est de toute façon pas du pouvoir immédiat des électeurs de changer le système, alors quelle alternative trouver ?
Le Front national a toujours fait peur, il a aussi toujours été une plaie de la République que la droite comme le gauche s’est interdit de soigner, préférant miser sur la douleur à des fins électorales. Mais depuis 2011, et la prise de pouvoir de Marine le Pen au sein du parti – suivie par l’émergence de Florian Philippot – la bête immonde s’est résolue à ne plus « perdre sur ses idées au lieu de gagner sur celles des autres » (selon les mots du Menhir déchu) pour adopter une stratégie conquérante jusqu’à devenir aujourd’hui le « premier parti de France ».
Mais la nouvelle Moïse, maintenant à la tête de 6 millions d’esclaves libérés du joug bien-pensant, ne semble pas en mesure de mener son peuple à destination. Le Front national et ses électeurs errent dans le désert et regardent les sondages qui promettent déjà la défaite, tous scénarios confondus, de Marine Le Pen au second tour de 2017. De fait, un candidat venu de l’extrême est condamné à voir se lever contre lui tout le ventre mou du paysage politique, et à se retrouver incapable de rassembler pendant entre les deux tours. Ainsi, et malgré toute sa capacité de rassemblement, le nouveau FN condamne ses électeurs au silence. La soupe électoraliste, concoctée par Marine Le Pen et Florian Philippot, entraine sous la fatwa républicaine prononcée contre le FN, des mouvances jusque-là tolérées dans le paysage politique.
De fait, la paroi est poreuse en de nombreux endroits entre le FN et ses cousins de la droite « des valeurs ». Déjà, à la fin des années 1980, Patrick Buisson faisait cette analyse : « les électeurs du FN sont pour l’essentiel d’anciens électeurs du RPR déçus par le recentrage et l’évolution pro-européenne de Chirac, pour le reste d’anciens communistes nostalgiques du temps où le PC était conservateur, autoritaire et nationaliste. » Aujourd’hui le point d’accroche qu’était l’Europe est devenu le conflit principal qui oppose la droite au FN ; et les déviances de Jacques Chirac, les fondamentaux d’une droite devenue fédéraliste. En revanche rien n’a changé du coté du Front national qui gonfle maintenant ses rangs des souverainistes que l’UMP d’antan a créés par dépit.
Geoffroy Lejeune en a rêvé, Patrick Buisson l’a théorisé, Aymeric Chauprade y travaille, Philipe de Villiers s’y refuse… Il faut aujourd’hui trouver une place à ce vote souverainiste capable de peser bien plus lourd dans la balance électorale s’il se libère de ses libérateurs – à l’image de Chauprade qui a quitté le front début novembre.
L’Europe, l’identité, la préférence nationale, ne sont plus les chevaux de batailles de vieux poujadistes aigris, qui faisaient la guerre aux « chevelus » pendant Mai 68, qui distribuaient l’AF pendant leur jeunesse, qui lisaient Maurras et ont suivi, de leur cœur, l’évolution et l’acharnement de Jean-Marie Le Pen. Maintenant, 6 millions de votants ont choisi le Front national, et cela inclut forcément une part de toutes les catégories socio-professionnelles. Certes, ce sont les premiers qui ont maintenu dans un paysage relativement consensuel, la proposition d’une alternative à la convergence mondialiste et bruxello-atlantiste. Mais le peuple semble hériter aujourd’hui de ces suspicions, sans adhérer à la personnalité de Jean-Marie Le Pen, sans connaître l’AF ni cultiver la haine du gauchiste. Les électeurs FN votent maintenant par adhésion aux idées du parti et non à son image, ou à ces personnalités (controversées).
Marion Maréchal-Le Pen représente aujourd’hui au FN le fer de lance de ce mouvement des « valeurs » qui se développe chez Les Républicains aussi sûrement qu’il est refoulé du Front national. La député, moquée pour le contraste entre son âge et celui de ses idées – même au sein de son propre camp – sera un thermomètre important de l’avenir électoral du FN. Si elle devait être contrainte de partir – ou simplement réduite au silence par ses cadres -, elle entrainerait avec elle tout ce qui fait encore du FN un parti de droite, laissant, dans leur désert, des Pilippot qui ne pourront que pleurer la mort d’un parti de gauche parasite qu’ils avaient voulu greffer sur le Front historique.
Aujourd’hui, Les Républicains ne veulent plus de NKM en tête d’affiche et lui préfèrent Laurent Wauquiez. Les rêves de Sens Commun se réalisent – eux qui avaient conseillé à NKM d’aller se faire voir à gauche il y a deux mois, et qui recommandaient lundi de se tourner vers une droite de « valeurs », avec Laurent Wauquiez. Mais le miracle est un mirage.
Une alliance de la droite des valeurs n’est pas plus réalisable qu’elle n’est souhaitable. Les manœuvres post-scrutin de quelque parti que ce soit ne sont en rien suffisantes pour les déserteurs d’un Front dénaturé, ou les abstentionnistes en plein mythe du sauveur. Si la droite veut draguer les électeurs souverainistes, elle doit le faire tant sur les idées que sur la méthode politique. Les magouilles et autres faux choix – encore mises en lumières par un UMPS toujours prompt à résoudre en coulisse le cauchemar des triangulaires – doivent laisser place à la seule alternative possible à un clivage gauche-droite faussement arbitré par le FN : les souverainistes face aux fédéralistes. Les électeurs veulent savoir quelle vision de la France ont les candidats. L’État-nation face à l’État-membre : au second tour c’est ainsi que seront différenciés les candidats, car c’est sur ce débat que la France s’anime ! Et si le souverainisme est représenté par le FN, alors il perdra.
*Photo: wikicommons.
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