La presse nous apprend la mise en examen par les juges d’instruction du pôle financier, du trésorier du FN Wallerand de Saint-Just, pour « recel d’abus de biens sociaux et complicité d’escroquerie ». Pierre Laurent, montrant le saint respect qu’il a de la présomption d’innocence, oubliant opportunément le Gifco, et autre « espace collectivité » de la Fête de l’Huma, nous dit qu’avec cette mise en examen « les Français découvre le vrai visage du FN ». Relayé par un PS tout aussi amnésique sur ses propres turpitudes, qui prétend que : « c’est tout un système qui est mis en examen ».
Malheureusement, si on se penche sur le déroulement des procédures, dont on ne connaît certes que des bribes orientées publiées par la presse, on ressent rapidement un certain malaise. Le FN, à l’instar de Nicolas Sarkozy, serait-il l’objet d’un traitement particulier à objectifs politiques ? Et l’on a beau tenter d’écarter cette vilaine pensée, difficile de s’en défaire. Sur le fond, le reproche principal qu’on lui adressait était d’avoir accordé l’investiture aux élections législatives de 2012 sous la condition pour les candidats d’acquérir le « kit de campagne » réalisé par une société à la demande du parti. Escroquerie nous dit-on. Bigre, on aurait plutôt tendance à trouver ça tout à fait normal. Outre que la fabrication du matériel de campagne a un coût, c’est quand même le moyen de maîtriser un peu la communication de ceux qui vont vous représenter. Et l’expérience montre à quel point c’est nécessaire… Ah oui, mais non vous répond-on : « les kits étaient trop chers, les candidats ont été escroqués ». Aucun de ceux-ci ne s’est plaint, et l’on peut légitimement penser qu’au moment du règlement de, ils avaient toute leur tête. Ah oui, mais non vous répond-on encore, il y a détournement de fonds publics : « ces dépenses ont été portées au compte de campagne ce qui a permis aux candidats ayant fait plus de 5 % d’être remboursés d’une partie de leurs frais par l’État ». Raisonnement plutôt bizarre. L’inscription de ces dépenses est obligatoire sur comptes de campagne, déposés à la Commission Nationale de Contrôle. Qui les vérifie minutieusement et les valide, ou pas. La validation étant la condition du remboursement. A priori, la commission n’a rien trouvé à redire.
La chronologie de la procédure peut justifier aussi quelques interrogations. Wallerand de Saint Just a été convoqué par les magistrats du pôle financier au mois de juin pour être mis en examen. Manque de chance, il a fait savoir aux juges d’instruction qu’il y avait peut-être un petit problème. Détail un peu humiliant pour les magistrats, l’infraction visée dans la convocation pour justifier sa mise en examen n’existait plus dans le Code Pénal… Monsieur de Saint Just est donc ressorti comme simple témoin assisté.
Avec une célérité digne d’éloges, et assez rare en période estivale, certains actes d’instruction ont dû être accomplis puisque le trésorier s’est de nouveau rendu au pôle financier le 9 septembre dernier pour y être mis en examen mais sous une autre qualification cette fois-ci : « recel d’abus de biens sociaux et complicité d’escroquerie ». En l’absence d’informations complètes, on se contentera d’émettre de sérieuses réserves sur la régularité de cette méthode qui nécessitait pour le moins réquisitoire supplétif du parquet, et faits nouveaux intervenus depuis l’audition de juin. À nouveau, pénible impression d’une volonté de médiatisation à l’approche des élections régionales. Tout comme l’opportune publication dans l’Obs, d’éléments tronqués de l’audition de Nicolas Sarkozy dans l’affaire Bygmalion. Avec au passage et comme d’habitude désormais, la révélation d’actes de procédure qui n’ont pas encore été notifiés aux avocats de la défense.
Le fonctionnement du parquet financier, et du pôle du même nom continue à entretenir un réel malaise nourrissant l’idée d’instrumentalisation de la Justice à des fins politiques. Isolant ces deux structures par rapport au reste de l’appareil judiciaire. D’où d’autres signaux indiquent plutôt un ressaisissement face aux pressions médiatiques et politiques. Quelques exemples très récents pourraient justifier cet optimisme.
L’affaire dite de la Fondation Hamon, qui durait depuis treize ans (!) vient de trouver son épilogue judiciaire. Relaxe générale par la cour d’appel de Versailles de tous les prévenus à l’exception de l’un d’entre eux sur une petite infraction connexe. Étaient poursuivis entre autres, André Santini et Charles Pasqua. Condamnés en première instance sur un dossier creux à des peines exorbitantes de 2 ans d’emprisonnement avec sursis, 200 000 euros d’amende et 5 ans d’inéligibilité ! Les médias ont annoncé la relaxe. Discrètement et c’est dommage. Les attendus de l’arrêt valaient pourtant le détour. Et les oreilles de certains ayant dû siffler.
Le juge d’instruction d’abord habillé pour l’hiver « s’est contenté d’une vague hypothèse jamais confirmée ». La collégialité de première instance ensuite, qui « s’est satisfait quant à elle d’une supposition encore plus sommaire« . Au procureur enfin qui avait demandé la confirmation des condamnations la Cour répond : « l’hypothèse d’une collusion frauduleuse est loin d’être apparente, et encore moins d’être avérée. Il n’y a aucun élément objectivement suspect ». Le président a ajouté, en ce qui concerne Charles Pasqua récemment décédé, qu’il aurait lui aussi été relaxé. Treize ans de procédure, de lynchage médiatique, de réputation et d’honneur détruits. Tout cela pour constater une évidence.
Le lendemain, ce fut au tour de François Pérol d’être relaxé par le tribunal correctionnel de Paris et de retrouver lui aussi son honneur. Traîné dans la boue par la presse et poursuivi par le parquet financier parce que, crime majeur, il fut secrétaire général adjoint de l’Élysée sous Sarkozy. Les faits qui lui étaient reprochés n’impliquaient aucun enrichissement personnel. Simplement d’avoir pantouflé dans une entreprise privée après son départ de l’Élysée. Personnellement, je n’aime pas trop le pantouflage et les allers-retours pratiqués par la haute fonction publique d’État dont Monsieur Macron constitue un joli exemple et François Pérol un pratiquant régulier. Mais là il s’agit de droit pénal, de l’honneur d’un homme, et pas d’une appréciation des choix d’un Président de la République en exercice. La qualification retenue par le parquet financier était particulièrement tirée par les cheveux. Ce qui n’a pas empêché le procureur à l’audience de prononcer des réquisitions exorbitantes : 2 ans de prison avec sursis, 30 000 euros d’amende et une interdiction définitive d’exercer toute fonction publique !
Troisième exemple qui nous éloigne des affaires politico-judiciaires, le dossier Orsoni. La cour d’assises d’Aix-en-Provence après une audience interminable de plus d’un mois avait prononcé une série d’acquittements dans une affaire de règlement de comptes entre anciens militants nationalistes. Le parquet décida de faire appel. La formalité fut effectuée à la va comme je te pousse et les avocats de la défense relevèrent qu’elle était formellement irrégulière et l’appel par conséquent irrecevable. Confirmation par la Cour de Cassation. Les acquittements sont désormais définitifs. En d’autres temps, la Cour Suprême aurait trouvé une astuce pour rattraper la bourde du parquet. Elle s’est contentée, cette fois-ci, d’appliquer le droit et c’est une très bonne nouvelle.
Ainsi, après le jugement de Bordeaux dans l’affaire Woerth, celui de Lille dans l’affaire DSK, l’arrêt de la cour de Rennes dans Outreau II, il semble que les juges du siège réalisent aujourd’hui le danger qu’il y a à céder à la clameur politico-médiatique ou à la dictature de l’émotion. Certaines mauvaises langues diront que la perspective de l’arrivée de la droite au pouvoir en 2017 provoque le retour de la sagesse. Ce n’est pas mon avis. Je crois simplement que beaucoup de magistrats mesurent qu’assigner à la justice d’autres objectifs que les siens implique l’abandon des principes qui nous protègent tous. Et dont ils sont les gardiens.
*Photo: Pixabay.
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