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Séisme républicain à Villeneuve-sur-Lot


Séisme républicain à Villeneuve-sur-Lot

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Le candidat UMP a donc battu le jeune frontiste Etienne Bousquet-Cassagne avec 53 % des voix à l’issue du second tour de l’élection législative partielle de la troisième circonscription du Lot-et-Garonne. Plusieurs leçons peuvent être tirées de ce scrutin.
Tout d’abord, on peut définitivement tirer un trait sur la stratégie de « barrage au FN ». Comme dans l’Oise, les communiqués de Solférino n’ont pas empêché une grande partie des électeurs de gauche de voter pour le candidat mariniste. Si on habitait en aval d’un barrage construit par l’ingénieur de travaux publics Harlem Désir, on déménagerait sur le champ tant ses ouvrages ont du mal à supporter les aléas climatiques, en Picardie comme dans le Sud-Ouest. Les électeurs n’écoutent plus les consignes des instances nationales des partis. Et on peut même imaginer que certains d’entre eux se font un plaisir de faire le contraire de ce qu’on leur demande.
Certaines personnalités socialistes ont pointé des coupables autres que Nicolas Sarkozy, Jérôme Cahuzac ou les candidats EELV et Front de gauche, fauteurs de dispersion des voix. Arnaud Montebourg a ainsi, avant même l’annonce du résultat de la partielle, désigné José Manuel Barroso comme « carburant du vote FN ». Au-delà de l’attaque ad hominem – sans doute liée à la philippique du président de la commission sur la « France réactionnaire » – le ministre du Redressement productif insinue que des électeurs socialistes peuvent préférer voter pour un candidat réclamant davantage de souveraineté et surtout moins d’Europe que pour celui de l’UMP, fût-il soutenu par le PS au nom du « front républicain ». En taclant Barroso, Montebourg ne vise-t-il pas aussi ceux qui ingèrent – en rechignant pour la forme – les potions de la Commission européenne, président de la République en tête ?
Quoi qu’il en soit, cette victoire de l’UMP est un trompe-l’œil. Entre les deux tours, alors qu’aucun des seize candidats du premier tour n’avait appelé à voter pour lui, Bousquet-Cassagne a gagné vingt points. On est loin, très loin, du temps où Jacques Chirac écrasait Jean-Marie Le Pen avec 82 % des voix, scotchant le chef frontiste à son score de premier tour. Le scrutin majoritaire à deux tours et l’absence d’allié semblaient condamner le FN à ne viser autre chose que des scores estimables au premier tour, jamais au second. Décrit comme un parti protestataire et extrémiste, il ne pouvait être un choix de « moindre mal ». Or, la règle du scrutin législatif, « au premier tour, je choisis, au second, j’élimine », exige d’un parti aspirant à la victoire qu’une part importante de l’électorat y voie un second choix acceptable. C’est ce palier-là que le FN de Marine Le Pen est en train de franchir. Et qu’on ne nous fasse pas le coup de « l’élection partielle, pas représentative ». D’abord, les élections partielles sont traditionnellement défavorables au Front national. Soit elles ne le sont plus, et cela démontre qu’il pallie une nouvelle insuffisance. Soit elles l’ont encore été et cela présage de scores encore plus forts lors d’élections générales.
Mais la leçon principale des scrutins de l’Oise et du Lot-et-Garonne, c’est au FN lui-même de la tirer. La stratégie qui a permis à des candidats de gagner vingt points entre les deux tours, c’est bien celle de Florian Philippot. Le Nouvel Obs a publié récemment un dossier sur les bisbilles frontistes et mettait même dans la bouche de Marion Maréchal-Le Pen des dires peu amènes sur la priorité donnée à l’économie et le social : « on fait du sous-Chevènement ou du sous-Mélenchon ». Bien entendu, l’entourage de Marine Le Pen ne confirme pas ces propos. Mais lorsque Philippot salue la mémoire du général de Gaulle le 18 juin, la députée du Vaucluse déclare quelques jours plus tard « qu’elle n’irait pas fleurir la tombe de De Gaulle ». On sait aussi que MMLP, avec son collègue sudiste Collard, prend beaucoup de plaisir à jeter des petits ponts de bois dans l’hémicycle entre les petits fossés qui la séparent de certains députés UMP. Elle rêve de débauchages d’élus UMP lors des élections municipales. Marion Maréchal, comme son grand-père – et sans doute Louis Aliot, le compagnon de sa tante – se considère comme de droite. Si elle ne peut pas faire autrement que d’approuver publiquement le positionnement de sa tante, elle s’efforce malgré tout de contrebalancer l’influence de Florian Philippot. Pendant la présidentielle, il a été reproché à ce dernier d’affaiblir la candidate frontiste en impulsant une ligne moins identitaire et plus souverainiste, davantage axée sur les thèmes économiques. À grand renfort de sondages, on expliquait que face à Nicolas Sarkozy qui appliquait la ligne Buisson, Philippot avait été un des vaincus de cette campagne. C’était sans doute vrai à court terme. Mais c’est la stratégie de Philippot, ainsi que la droitisation concomitante de l’UMP, qui permet aujourd’hui au FN de se rêver en un parti de second tour, bénéficiant de reports de gauche en cas de duel avec la droite, et – n’en doutons pas – de reports encore meilleurs de la droite en cas de duel avec la gauche. Si Marine Le Pen arrive à faire respecter le silence dans les rangs, les prochains rendez-vous électoraux pourraient bien aboutir à de meilleurs résultats que les très honorables défaites de ces derniers mois.
Et même Marion Maréchal Le Pen devrait y trouver son compte. À l’avenir, le Sud-Est droitisé pourrait bien accoucher de nombreux duels entre l’UMP et le FN, donnant aux voix de gauche une importance particulière, comme dans le Lot-et-Garonne et l’Oise. Peut-être alors fréquentera-t-elle davantage le bureau de Philippot afin d’y recueillir ses conseils, plutôt que la buvette de l’Assemblée avec des députés de la Droite populaire, qui seront sans doute les adversaires[1. Elle a d’ailleurs déjà piqué le siège de l’un d’entre eux !] de ses amis en Provence !

*Photo : BFM.



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