FN en tête : les Français sont ingrats


FN en tête : les Français sont ingrats

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Chers citoyens-lecteurs, je ne vous félicite pas ! Il suffisait d’allumer sa télé hier soir, même sans le son : à la tête que faisaient les plus éminents représentants des partis qu’on appelle, sans rire, partis de gouvernement, on comprenait que vous aviez fait des bêtises. Les seuls qui avaient l’air contents, c’étaient la méchante et ses amis, ceux qui, paraît-il, veulent tout casser, la France, l’Europe et le reste.

Je devrais prendre un ton grave pour vous annoncer que plus rien ne sera comme avant. Mais justement, pas mal de gens trouvent qu’avant, c’était pas terrible, et c’est exactement ce qu’ils veulent, que rien ne soit plus comme avant. Et puis, comme on nous le dit deux ou trois fois par an, que rien ne sera plus comme avant, je demande à voir avant de m’affoler.

Pour aggraver mon cas, j’avoue avoir trouvé hilarant de voir l’ensemble de la classe politique et des commentateurs rivaliser dans la sidération devant un résultat parfaitement conforme à ce qu’ils annonçaient depuis trois semaines. « Ce scrutin est plus qu’une nouvelle alerte, c’est un choc, un séisme », a déclaré Manuel Valls. Je dirais même mieux, a renchéri Ségolène Royal sur le mode Dupont-Dupond, « c’est un séisme à l’échelle du monde ». Ah bon, ils vont organiser des festivités anti-FN à Pékin ?

Je vous vois venir. Le FN premier parti de France et ça vous fait rire ? D’abord, si le FN est arrivé en tête, c’est peut-être parce que, sur la question de l’Europe, il représente la seule véritable opposition, puisque tous les autres, au-delà de leurs différences, se disent favorables à la poursuite de l’intégration du Continent – à l’exception, il est vrai, de Nicolas Dupont-Aignan, dont le parti, sans vouloir lui faire offense, ne paraît pas en mesure de changer la donne. Attention, ils veulent tous une autre Europe. C’est que l’Europe, c’est comme l’islam et la gauche : quelque part, il y en a une belle, une bonne, vraie. Certes, il est fâcheux que ce ne soit pas celle qui existe dans le réel, mais puisqu’on vous dit que le messie viendra, bande de mécréants.

Quoi qu’il en soit, mes confrères devraient être heureux : leur storytelling, comme on dit chez les gens informés, a parfaitement fonctionné. D’un côté, il y avait les gens raisonnables et de l’autre les europhobes. Alors, c’est peut-être très mal de ne pas aimer l’Europe, mais, à ma connaissance, une élection c’est mieux quand il y a un véritable choix. L’ennui, c’est que quand les électeurs choisissent, ils peuvent faire le mauvais choix. En fait de séisme, un quart de la moitié des électeurs qui se sont déplacés ont donc voté pour le parti de Marine Le Pen. Et quoi qu’en pense Jean-Luc Mélenchon qui ne reconnaît plus sa France, ils ne sont pas tous fascistes, racistes ou réactionnaires, non, ils aimeraient que quelque chose qui s’appelle la France continue à exister et ils croient que pour ça, il faut des frontières, pas des barbelés ou des barrières infranchissables, non, juste des frontières comme ça se fait encore dans le reste du monde. Alors, peut-être qu’ils se trompent de bulletin, mais il faudrait peut-être se demander pourquoi ils ont choisi celui-là et pas un autre.

On comprend que les batailles de chiffonniers et le grand déballage qui s’annonce à l’UMP puissent décourager les meilleures volontés. Mais le PS à 15 %, c’est bien la preuve que les Français sont ingrats, non ? François Hollande leur offre un nouveau premier ministre, il entreprend de défaire ce qu’il avait fait durant les deux premières années de son mandat, notamment en réduisant la pression fiscale, soudainement décrétée insupportable par Manuel Valls, et ils ne sont pas contents ? Camouflet supplémentaire, alors que la gauche, c’est bien connu, est le camp des jeunes et des pauvres, c’est encore le FN qui arrive en tête chez les jeunes et les ouvriers, tiens on devrait les priver du droit de vote, ceux-là. En attendant, s’il y a quelque chose d’historique dans ces élections européennes, c’est bien le score misérable réalisé par le parti supposément majoritaire.

Notez que le sursaut ne s’est pas fait attendre. Dès dimanche soir, à l’UMP, on parlait d’un rapprochement avec les centristes de l’UDI, ça fait rêver, non ? En clair, puisque vous n’aimez pas l’Europe, il vous faut plus d’Europe. Logique. Du côté du PS, la drôle d’intervention de Manuel Valls, engoncé dans son costume pour prononcer un texte enregistré a certainement enthousiasmé les foules. Oui, croyez le ou pas, mais Valls est pour les valeurs de la République, ça dépote ! Surtout, il y a eu ce communiqué de l’Elysée. Il paraît que mon président de la République a dit qu’il fallait tirer les conclusions de cette élection. Alors vous voyez, moi, je suis rassurée.

*Photo : MAPA PHOTOGRAPHIE/SIPA. 00682404_0000053.



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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