Dans Libération, le sociologue Florian Vörös déplore que «beaucoup d’hommes aient du mal à fantasmer en dehors des schémas de domination masculine…»
Franchement, sociologue, ce doit être un boulot éreintant. Voici qu’un certain Florian Vörös, enseignant-chercheur à l’université de Lille (bref, il a déposé un sujet de thèse — une recherche forcément indispensable au bonheur de l’humanité) expose ses découvertes sur l’univers du fantasme pornographique. C’est Libé, toujours à la pointe en ce domaine, qui nous expose ses découvertes.
Tenez-vous bien: pour analyser les représentations pornographiques des Français, notre vaillant sociologue, ne reculant devant aucune dépense, en a interviewé une trentaine. Sur 40 millions en âge de passer à l’acte. Et de cet échantillon statistique impressionnant (marge d’erreur 100%), il déduit quelques conclusions épastrouillantes.
« Domination masculine, soumission féminine : ils sont nombreux à citer ces deux grands totems de l’ordre sexuel pour atteindre l’excitation et la jouissance. » Bref, il semble bien que la pornographie soit « genrée », comme disent les érudits qui parlent le Libé dans le texte. On ne s’en serait pas douté. Il faudra que j’en parle à Jacquie et Michel, qui sans Florian Vörös risqueraient de sélectionner des scénarios impropres à la psyché masculine…
À noter que notre défricheur d’hémisphères sud ne connaît pas grand-chose au fond à la pornographie, qui fait grand cas de bi et de transsexuels. On ne peut pas tout savoir quand on est sociologue. Ou alors, épuisé par sa (qué)quête, n’a-t-il pas plongé au delà de la superficialité de l’offre, qui suit rigoureusement le potentiel économique des clients : faut-il rappeler que, même gratuit, un site pornographique est toujours marchand ? Que faire, sinon conseiller à cet homme de gauche (forcément de gauche, sinon Libé n’en parlerait pas, il doit être copain avec Geoffroy de Lagasnerie, autre sociologue de hasard) de lire enfin le chapitre du Capital consacré au fétichisme de la marchandise… Mais il semble bien que les gens de gauche oublient, ces temps-ci, de lire Marx. Trop bourgeois, et pas assez bohème…
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Non content de vivre dans un monde où rien n’existe que le masculin et le féminin (il y avait au XVIIIe des ouvrages libertins qu’on ne lisait que d’une main, notre sociologue a dû écrire sa thèse de la main gauche, l’autre étant occupée à s’imprégner de sites ad hoc, comme on dit chez les aiglefins), Florian Vörös, au prix d’un effort intellectuel inouï, a réalisé que nombres de consommateurs de pornographie apprécient encore « l’érotisation des stéréotypes sociaux » : « Jeunes Arabes à la virilité exacerbée, jeunes femmes asiatiques forcément soumises et disponibles, le genre véhicule de nombreuses idées reçues concernant le genre et la race qui viennent alimenter les machines fantasmagoriques masculines. » Nous sommes époustouflés devant tant de sagacité.
À noter qu’il a oublié les Noirs, toujours dotés dans les films de virilités étonnantes, qui régulièrement violent des femmes à la peau la plus claire possible dans des gangbangs spectaculaires. Voir le site pas du tout raciste Blacksonblondes. Mais évoquer la question pendante, si je puis dire, du sexe surdimensionné des Noirs (désolé, c’est une fable, Serge Bilé a fait un sort il y a bien des années à cette légende), a pu lui paraître politiquement incorrect. Stigmatisant, presque. Entre évoquer la « virilité exacerbée » des Noirs (celle des Maghrébins est beaucoup plus rare, je signale à notre athlète de l’intellect que la pornographie évoque surtout les dispositions anales des Maghrébines, dont il ne parle pas) en prononçant ce mot, « Noir », et plaisanter sur la masochisme supposé des Asiatiques, Florian Vörös a choisi. Sauf que les sites BDSM — les Hongrois en sont les maîtres incontestés — utilisent fort peu d’Asiatiques, ils préfèrent les Blanches pâles, les traces de fouet ou de canne s’y lisent mieux… Les Japonaises ne sont explicitement sollicitées que pour le shibari (lire absolument Hôtel Iris de Yōko Ogawa) et le groping — le tripatouillage de sphères dans les transports en commun. À chacun son champ d’expertise.
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Pour écrire, il y a dix ans, la Société pornographique, je me suis documenté, et parfois in vivo. Il n’y a que sur les tournages que l’on constate qu’en France au moins, les réalisateurs chevronnés sont aux petits soins pour leurs actrices. Mais surtout, parce que j’ai lu dans ma vie quelques livres de bons auteurs, ce à quoi n’a pu se résoudre Florian Vörös, j’avais eu à cœur de séparer pornographie et érotisme, fantasme et désir — une distinction qu’ignore Florian Vörös, dont je préfère ne pas imaginer la sexualité personnelle.
Un sociologue sérieux devrait analyser (avec un y, hé, imbéciles !) ce qu’il en est vraiment du radada hexagonal. Ce qu’ont fait Natahalie Bajos et Michel Bozon en 2008 dans leur monumentale Enquête sur la sexualité en France, qui leur fit contacter plus de 100 000 personnes (taux d’erreur proche de 0) de tous âges et toutes classes sociales. Mais tous deux sont des sociologues sérieux, pas des chercheurs de poils de cul à couper en quatre.
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