Une tribune de Florian Philippot
L’épidémie de coronavirus agit comme un révélateur cruel du déclassement français. Déjà largement sur la voie du déclin, notre pays est aujourd’hui à terre. D’un point de vue sanitaire, nous dépassons la plupart des pays en nombre de morts par habitant. D’un point de vue moral, nous avons été obligés de trier les malades dans les hôpitaux, d’abandonner nos vieux dans les Ehpad, et de nier ainsi des valeurs centrales de notre civilisation. D’un point de vue économique et social enfin, nous entamons une crise d’une violence inouïe, qui décrochera encore davantage la France des pays riches. Tout cela est vertigineux.
Éberlués, les Français regardent nos gouvernants qui n’en sont pas. Ce sont plutôt des pantins irresponsables, incapables de tenir la barre pendant la tempête. Ils se dérobent, mentent pour cacher leur inconséquence, obsédés qu’ils sont par les comptes qu’ils devront rendre devant la Justice. Comme stratégie contre l’épidémie, ils n’ont qu’un confinement moyenâgeux à nous offrir, et choisissent pour le faire respecter leur méthode préférée, celle de l’infantilisation ; le Premier ministre nous a encore répété hier que nous avions intérêt à être sages si nous voulions pouvoir déconfiner le 11 mai. Tout repose sur nos pauvres épaules, la culpabilisation est immense.
L’ampleur de la crise que nous traversons est telle qu’elle peut être salutaire, comme tout accident qui met en jeu le pronostic vital
Ce moment peut faire peur : nous nous apercevons que le déclin de la France est bien plus grave qu’il n’y paraissait, et surtout qu’il va s’accélérer désormais très rapidement. Nous avions déjà le sentiment d’être tombés bien bas, nous nous rendons désormais compte que nous sommes sur le toboggan d’une déchéance infernale.
En réalité, l’ampleur de la crise que nous traversons est telle qu’elle peut être salutaire, comme tout accident qui met en jeu le pronostic vital. Elle peut nous faire comprendre que des mesures drastiques sont aujourd’hui indispensables. Nous aurions dû les prendre depuis longtemps, nous n’avons désormais plus le choix, il en va de notre survie. Nous sommes à un moment de vérité.
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Nous sommes allés si loin dans la destruction de notre pays qu’il va falloir de toute urgence adopter un véritable programme de salut public, sursaut vital d’un pays au bord de l’effondrement.
Nous devrons d’abord avoir les mains libres et suffisamment fortes pour ne pas nous écraser sur le mur de la dette. Soyons clairs, nous devrons sortir de l’Union européenne et de son rejeton le plus pervers, l’euro, pour pouvoir faire face. Il n’y aura pas d’autre solution que de suivre Keynes et son « euthanasie des rentiers » ; il nous faut accepter un peu d’inflation et un financement direct du Trésor par la banque centrale, pour échapper à l’appauvrissement inédit que produirait une politique intégralement tournée vers le remboursement d’une dette devenue gargantuesque après la crise. C’est seulement en dehors de l’UE et de l’euro que cet élan de vie sera possible. Nous devons nous mettre à l’abri d’une Allemagne qui, plus que jamais, va utiliser la monnaie unique et l’orthodoxie monétaire, pour finir de mettre au pas les nations affaiblies du continent.
Ce n’est d’ailleurs qu’en dehors de l’Union européenne et d’un euro qui n’a jamais été autre chose que le mark qu’on pourra enfin stopper net le mouvement mortel de désindustrialisation de la France, celui qui explique pourquoi tous les regards se sont tournés des semaines durant vers d’hypothétiques et miraculeuses importations chinoises de masques alors que notre appareil industriel national n’a jamais vraiment réussi à se mettre en route pour assembler quelques bouts de tissu à des élastiques…
Bâtir un État stratège, nationaliser des fleurons nationaux, avantager ses entreprises nationales dans les marchés publics, rompre avec des décennies de libre-échange et d’empilement de traités européens de commerce (les derniers en date concernent respectivement le Vietnam et le Mexique et ont tous deux été conclus pendant la crise sanitaire…), oser même clamer une défense inconditionnelle du « Made in France », de nos créateurs, de nos PME et du pavillon tricolore, interdire les délocalisations : rien de tout cela n’est possible, ni même envisageable dans l’Union européenne et l’euro. Seul un pays souverain peut mener une telle bataille.
Le programme de salut public ne s’arrêtera pas là, il reconnectera la vie économique au réel, en nationalisant les banques et les assurances pour qu’elles redeviennent des outils au service de la production nationale et des vraies gens, et non des machines à sous qui font jackpot à tous les coups : pile mes actionnaires empochent les dividendes, face les contribuables me renflouent quand la crise arrive…
Point de salut sans frontières, sans capacité de dire enfin stop à une immigration massive utilisée cyniquement depuis des décennies comme armée de réserve du néolibéralisme et comme instrument de déstabilisation de la civilisation française
Notre énergie ne sera pas seulement mobilisée par des problèmes économiques. Le monde d’après Covid sera plus déséquilibré encore que le monde d’avant. Il sera donc encore plus incertain, plus dangereux.
La Chine va profiter d’être sortie la première du marasme pour accroître son emprise sur l’Asie, sur l’Afrique, et partir à la conquête de la première place mondiale. Des ressentiments vont s’exacerber, des alliances se redessiner.
La France ne pourra compter que sur elle-même pour survivre dans ce monde chamboulé.
Doublons notre budget militaire pour le porter à 3,5% du PIB et faisons d’une pierre deux coups : assurer notre protection et notre autonomie stratégique tout en investissant dans l’industrie la plus rentable qui soit en terme d’innovation et d’emplois créés, l’industrie de défense.
Sortons dans le même temps de l’OTAN, pour éviter d’avoir demain à devoir nous battre dans de nouvelles guerres illégales contraires à nos intérêts.
Redonnons dans un même mouvement des frontières nationales à la France, celles dont le président Macron a nié l’existence même jusqu’au bout en refusant de les fermer pendant la crise du coronavirus, comme s’il avouait presque explicitement qu’il déniait à la France le droit même d’exister comme nation. Point de salut sans frontières, sans capacité de dire enfin stop à une immigration massive utilisée cyniquement depuis des décennies comme armée de réserve du néolibéralisme et comme instrument de déstabilisation de la civilisation française.
Pas de salut public enfin si le peuple français ne retrouve pas confiance. Des procès devront avoir lieu après la crise pour clamer des culpabilités et prononcer des peines. Qui a dilapidé notre stock stratégique de masques ? Qui a décidé d’abandonner nos anciens à leur sort tragique ? Qui a menti et pour quelles raisons exactement ? Pourquoi avons-nous refusé mordicus de tester des traitements qui semblent marcher à Marseille et dans d’autres pays ? Il faudra que ce soit su et que les comptes soient soldés.
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La suite ne sera pas le retour en arrière : le peuple se sera manifesté et il aura raison de vouloir reprendre la barre qu’une oligarchie lui a volée, avec les conséquences que l’on voit aujourd’hui. Nous devrons très vite introduire le RIC, le vrai RIC, dans la Constitution. La souveraineté nationale reconquise par la sortie de l’UE pourra alors se superposer à une souveraineté populaire qui cessera d’être fictive.
Solide sur ces fondations, la France pourra partir à la conquête de son destin, et s’arracher à l’effroyable déclin qu’on lui avait réservé. Elle se souviendra qu’elle est un pays monde, bourré de talents qui ne demandent qu’à plancher sur les inventions et les technologies du siècle, un pays qui puise sa force dans deux mille ans d’une Histoire enviée, faite d’écroulements et de renaissances flamboyantes, à l’ombre toujours du combat pour la liberté.
Les gilets jaunes de l’après Covid, quelle que soit la forme qu’ils se choisiront dans le vaste soulèvement populaire qui viendra forcément, auront à cœur ces mesures de salut public s’ils souhaitent accomplir une révolution politique au sens vrai du terme, qui ne soit ni l’occupation sympathique mais dénuée de sens d’espaces verts sur les ronds-points de France, ni un effroyable bain de sang.
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