L’Afrique est un large continent de l’hémisphère sud, dont les sous-sols regorgent de pétrole et d’uranium, et que les hommes ont recouvert de sable et de savane pour cette raison. Le guépard y côtoie le fourmilier, les singes arboricoles jouent à la belote avec les tigres à l’heure où les grands fauves vont boire, et la hyène tachetée vit en bonne harmonie avec l’autruche altière. Les hommes vont et viennent, portés par les dunes, sous l’accablant soleil de plomb. Ils baladent des chameaux dans le désert ou promènent des touristes hollandais en surpoids, à bord de jeeps fatiguées, pour des safaris-photos qui susciteront de mortelles soirées diapositives quelque part au sud d’Amsterdam.
L’homme occidental, terne, à chapeau mou, s’est longtemps cru chez lui dans ces contrées luxuriantes. C’est pour cette raison que le français, aux commencements de la conquête spatiale, dans les années 60, a choisi de faire décoller son immortelle fusée Véronique aux confins du Sahara[1. Qui lui appartenait contractuellement] afin de projeter dans l’espace son tout premier satellite Astérix, dont l’histoire a oublié le nom, mais dont on peut observer des vestiges curieux au Musée de l’air du Bourget. Si les Français ont ensuite dû se résoudre à faire décoller la fusée Ariane du sol guyanais, le démon du spatial ne semble pas avoir déserté le continent africain…
L’AFP nous apprend en effet qu’un certain Chris Nsamba, doux dingue et rêveur, construit sans relâche une navette spatiale dans le jardin de sa mère, avec pour objectif « d’envoyer le premier ougandais dans l’espace ». Car oui, Chris est Ougandais… l’Ouganda, pays mal connu indépendant depuis 1962 et ayant eu à souffrir, dans les années 70, de la dictature d’Idi Amin Dada, de triste mémoire. « Au début, les gens du coin venaient pour voir et disaient qu’il était fou, mais ils sont impressionnés à présent, quand ils reviennent », assure la mère de Chris, Sarah Lugwama, désignant un groupe de huit bénévoles en train de poncer une aile de l’imposante navette entreposée dans son jardin de Ntinda, dans la banlieue de la capitale Kampala.
L’engin spatial, d’une envergure de 10 mètres environ, a été baptisé Faucon africain. Avec une inébranlable confiance de capitaine d’industrie, le Von Braun africain déclare : « D’ici cinq ans, nous aurons procédé à un essai dans l’espace et d’ici une décennie, nous aurons envoyé un homme dans l’espace ». L’aventureux visionnaire a su émouvoir bien des amoureux de l’espace, dont il a obtenu le soutien moral, matériel et financier. Un certain Nixon Lukenge, 25 ans, imprimeur ougandais « à son compte », explique à l’AFP : « …dès que j’ai un peu de temps libre, je viens ici travailler sur le projet ». Même le président du pays, Yoweri Museveni, a promis à Chris Nsamba une aide financière gouvernementale afin qu’il fasse de l’Ouganda une puissance spatiale de premier plan, avec la Russie, les Etats-Unis, l’Europe et depuis peu la Chine et l’Inde…
Nous tairons pudiquement les principales données socio-économiques accablantes indiquant que vivre en Ouganda – malgré la grâce quotidienne du fourmilier et le rire sonore du singe arboricole – ce n’est pas si évident au jour le jour. Nous ne dirons rien non plus – charitablement – des finances du pays, qui devraient– raisonnablement – interdire tout investissement aussi exotique qu’un « programme spatial ». Pâmons-nous plutôt devant ce pays amusant qui, au fond du gouffre, peaufine son rêve, conquérir non pas l’Occident, ni le monde, mais…l’espace intersidéral… « Flash Gordon Chris Nsamba », quoi…
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