Accueil Édition Abonné Finkielkraut: « On détourne le droit d’asile au nom des droits de l’homme pour effacer les différences essentielles à la survie d’une nation »

Finkielkraut: « On détourne le droit d’asile au nom des droits de l’homme pour effacer les différences essentielles à la survie d’une nation »

Alain Finkielkraut VS François Sureau 2/3


Finkielkraut: « On détourne le droit d’asile au nom des droits de l’homme pour effacer les différences essentielles à la survie d’une nation »
Alain Finkielkraut, 2020. Photo: Hannah Assouline.

Sale temps pour nos libertés. Si Alain Finkielkraut et François Sureau s’alarment tous deux de l’esprit du temps, ils n’ont pas les mêmes motifs d’inquiétude. Quand l’un perçoit dans les revendications individuelles et communautaires les ferments d’une régression antidémocratique, l’autre dénonce la menace que ferait peser l’État sur nos libertés individuelles. Des Gilets jaunes à l’immigration en passant par le confinement et la liberté d’expression, les deux hussards ferraillent dans la plus pure tradition française.



Suite de la première partie

Causeur. Cependant, François Sureau, Alain Finkielkraut défend la liberté des choses menacées, celle d’une certaine culture française. Pour vous, la liberté supérieure, c’est toujours celle de l’étranger, ou celle du crocodile qui veut vivre comme un crocodile au royaume des éléphants de Babar.

François Sureau. Alain Finkielkraut n’a nullement besoin d’avocat, et pas plus qu’il n’est sottement réactionnaire, je ne suis sottement progressiste. Nous divergeons sur l’appréciation intuitive de la situation de notre pays. Nous sommes à notre meilleur quand nous laissons librement s’exprimer nos passions, ce qui fait de moi un adversaire du politiquement correct, et même de toute limitation de la liberté d’expression. La chaudière du progrès, s’il existe, est alimentée par le choc des opinions contraires et non pas par une civilité factice imposée. Nous devons accepter un certain degré de blessure, de désordre, de dialogue violent le cas échéant : c’est cela notre génie propre. Pour autant, il ne s’agit pas de légitimer l’émeute. J’imagine bien qu’Alain Finkielkraut n’est pas le défenseur d’une identité nationale idéelle, figée dans l’éternité des siècles, et je ne suis pas davantage un droit-de-l’hommiste béat défendant le droit de tous les affreux à venir tout casser.

Alain Finkielkraut. Je n’aime guère l’expression « droit-de-l’hommiste », que je trouve lourde et peu conforme au génie de la langue, mais elle a du sens. On est en train de faire des droits de l’homme une idéologie, et au nom de cette idéologie, on criminalise toute distinction entre les personnes. Ainsi, on jette l’opprobre sur l’idée même de préférence nationale, d’autant plus que l’expression est utilisée par un parti d’extrême droite. Or nous formons des communautés politiques particulières. Il n’y a pas de nation sans préférence nationale et c’est le droit de toute nation, ou de l’État qui la représente, de choisir ceux des étrangers qu’elle veut accueillir. Quand François Héran, professeur au Collège de France et immigrationniste militant, reconnaît qu’il y a 400 000 nouveaux arrivants par an en France, cela veut dire qu’on ne choisit plus du tout. On détourne le droit d’asile au nom des droits de l’homme pour effacer les différences essentielles à la survie d’une nation. Toute différence est désormais perçue comme discriminatoire. Or, parmi les droits qu’il faut protéger, il y en a un, énoncé aussi bien par Simone Weil que par Ortega y Gasset, qui est le droit à la continuité historique. Ce droit fondamental est aujourd’hui bafoué. Dans les années 1930, « la France aux Français » était un slogan xénophobe. Le « On est chez nous » d’aujourd’hui n’a pas le même sens. Le sentiment qu’éprouvent un nombre grandissant de Français de ne plus être chez eux ne devrait pas être méprisé. Le véritable exil, disait en substance Edgar Quinet, ce n’est pas d’habiter loin de son pays, c’est d’y vivre et de ne rien retrouver de ce qui le faisait aimer.

Manifestations de travailleurs sans-papiers, Paris, 20 juin 2020. Alain Finkielkraut: "On détourne le droit d'asile au nom des droits de l'homme" © Photo: Adnan Farzat / NurPhoto / AFP
Manifestations de travailleurs


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Septembre 2020 – Causeur #82

Article extrait du Magazine Causeur




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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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