Ce n’est un secret pour personne, Alain Finkielkraut nourrit un penchant coupable pour les humanités classiques et les langues réputées mortes qui vont avec. Est-ce seulement pour cette raison qu’il s’est enthousiasmé quand un certain mercredi de février, place Saint-Pierre de Rome, Benoît XVI a déclaré en latin dans le texte : « Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, à diverses reprises, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer adéquatement le ministère pétrinien (…) Dans le monde d’aujourd’hui, sujet à de rapides changements et agité par des questions de grande importance pour la vie de la foi, pour gouverner la barque de saint Pierre et annoncer l’Evangile, la vigueur du corps et de l’esprit est aussi nécessaire, vigueur qui, ces derniers mois, s’est amoindrie en moi d’une telle manière que je dois reconnaître mon incapacité à bien administrer le ministère qui m’a été confié. » ?
Eh bien non, ce n’est pas seulement le style peu courant de cette prose si classique qui a enthousiasmé et ému Alain Finkielkraut, mais la majesté intrinsèque du discours. À une Elisabeth taquine qui le titille pour savoir si cette « démission » ne fait pas « sortir l’Eglise du Droit divin pour entrer dans l’ère du pragmatisme démocratique », le philosophe répond sans ambages : « Ces paroles admirables ne ressemblent pas à celles que pourrait dire un cadre dirigeant atteint par la limite d’âge ».
À l’appui de cette vision de la renonciation papale, il réquisitionne sans hésiter Montaigne, qui lui-même avait été ébloui par l’abdication de Charles Quint : « La plus belle des actions de l’empereur Charles cinquième fut celle-là, à l’imitation d’aucuns anciens de son calibre, d’avoir su reconnaître que la raison nous commande assez de nous dépouiller, quand nos robes nous chargent et empêchent; et de nous coucher quand les jambes nous faillent ».
Vous trouvez que ces considérations sur le Pape ne ressemblent guère à ce que vous avez entendu ailleurs ces jours-ci ? Vous n’avez peut-être pas tout à fait tort. Vous en entendrez l’intégralité ici.
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