Pour l’élection qui vient, le mal est fait, et il est trop tard pour y remédier.
On y a au moins gagné la conscience du mal : l’ingérence des médias et des juges à l’encontre du candidat désigné par la primaire de la droite et du centre a gravement perturbé le débat démocratique. À l’avenir il faudra remédier à l’ingérence de ce que Jean-Pierre Chevènement appelle «l’étroit concubinage de la justice et des médias. »
Il faudra y mettre fin, car, comme le dit encore Chevènement, « la République c’est d’abord le suffrage universel et la sérénité avec laquelle les citoyens doivent pouvoir s’exprimer ».
Comment clouer le bec du Canard le temps du débat électoral sans priver les électeurs des informations auxquelles ils ont droit?
Mais comment s’y prendre ? Il semble a priori impossible d’empêcher l’ingérence calamiteuse des médias et de la justice dans le débat électoral, qui est l’un des piliers de la démocratie, sans porter atteinte aux deux autres piliers de la même démocratie que sont la liberté de la presse et l’indépendance de la justice.
Comment clouer le bec du Canard le temps du débat électoral sans priver les électeurs des informations auxquelles ils ont droit, dans la mesure où ces informations dévoilées peuvent éclairer leurs choix ?
Comment suspendre le cours de la justice à l’égard des candidats, sans paraître accorder l’intolérable privilège de l’impunité à celui ou à celle qui devrait au contraire être le moins soupçonnable de tous les citoyens parce que le plus transparent?
La solution est dans le timing.
Imaginons simplement que les révélations du Canard enchaîné et leur saisie par la justice soient intervenues avant les primaires de la droite et du centre.
Celles-ci se seraient déroulées en toute connaissance de cause, et, une fois l’affaire entendue et la page tournée, le débat électoral aurait pu commencer dans la sérénité, et porter sur l’avenir de la France et de l‘Europe.
On m’objectera que le Canard n’avait aucune envie et aucun intérêt à lancer ses boules puantes avant la primaire. Il tenait ses informations sous son aile, et il a délibérément choisi de ne les publier qu’au moment et au rythme où elles pouvaient le plus nuire, parce que le Canard est un acteur politique partisan, et pas un informateur neutre au service de la seule vérité. Ce qui est son droit.
Avant un mariage, il y a publication des bans
N’empêche que la solution est là : elle consiste à faire en sorte que tout ce qu’on peut révéler et objecter à un candidat soit publié et connu de la justice et des électeurs AVANT le début du débat électoral, et cela afin qu’il ne puisse plus légalement en être question pendant sa durée.
L’idée n’a rien d’inédit.
N’est-ce pas dans cet esprit qu’on publie les bans avant un mariage ?
« La publication des bans est une procédure ayant pour utilité de rendre publique l’imminence d’un mariage, et ainsi de veiller à ce que toute personne soit à même de s’y opposer, en démontrant d’éventuels empêchements. »
N’est-ce pas également le sens de la fameuse formule prononcée par un prêtre ou un pasteur anglican avant un mariage religieux : « si quelqu’un a quelque raison que ce soit de s’opposer à ce mariage, qu’il parle maintenant, ou se taise à jamais ! »
Remplaçons le « à jamais » par « tant que dure le débat. »
Un temps de digestion
N’est-ce pas dans le même esprit qu’on déclenche les avalanches avant qu’elles risquent d’engloutir des malheureux qui se risquent sur des sols menaçants?
Imposer la trêve médiatique et judiciaire en faveur des candidats à l’élection présidentielle devient concevable à la condition qu’un temps suffisant ait été préalablement donné pour un grand déballage public.
Cette trêve ne serait d’ailleurs que l’extension aux candidats du principe de l’immunité parlementaire, que personne ne conteste, et qui est accordée aux élus dans le but de les protéger dans le cadre de leurs fonctions.
La trêve devra être imposée avec sanctions à l’appui pour celui qui la briserait en lançant des boules puantes ou en tapant sur des casseroles pendant les débats sur l’agora.
Cette extension de l’immunité parlementaire des élus en immunité provisoire des candidats serait ainsi bornée dans le temps en amont et en aval. En amont, elle serait précédée d’un déballage public et systématique de tout ce que les citoyens sont en droit de connaître. En aval, au sortir des élections ou de l’exercice du mandat électif, elle serait suivie d’un retour au statut commun de tous les justiciables.
Si quelqu’un a quelque chose à objecter à cette proposition, qu’il parle maintenant.
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