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Affaire Fillon: la justice contre l’élection


Affaire Fillon: la justice contre l’élection
François Fillon en meeting à Orléans, mars 2017. SIPA. AP22024106_000022
François Fillon en meeting à Orléans, mars 2017. SIPA. AP22024106_000022

Depuis le déclenchement de l’affaire Fillon, le caractère monté de toutes pièces de l’opération saute aux yeux tous les jours. Dans le but de favoriser la candidature Hollandienne d’Emmanuel Macron, une manipulation montée de longue main a déclenché ce qu’il est désormais commun d’appeler un véritable coup d’État. L’objectif étant bien évidemment de priver la droite républicaine d’un candidat crédible. Que François Fillon ait donné des verges pour se faire battre est une évidence. Mais j’ai dit en son temps ce qu’il fallait en penser tant sur la nature politique de l’opération que sur la vulnérabilité de la cible. Et la dimension judiciaire qui saute désormais aux yeux, n’en est qu’une facette dont il est déplorable que certains acceptent d’en être les instruments.

Détruire le candidat de la droite

François Hollande qui aura tenu à avilir la fonction de président de la République française vient de montrer qu’il le ferait jusqu’aux dernier jours. À l’occasion d’une conférence de presse, il a osé déclarer à propos des critiques qui fusaient de toutes parts contre le comportement du parquet financier et du juge d’instruction : « En tant que garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, je tiens à m’élever solennellement contre toute mise en cause des magistrats dans les enquêtes et les instructions qu’ils mènent dans le respect de l’État de droit. » Est-il nécessaire de lui rappeler ce qu’il a dit dans un livre: « Cette institution, qui est une institution de lâcheté… Parce que c’est quand même ça, tous ces procureurs, tous ces hauts magistrats, on se planque, on joue les vertueux… On n’aime pas le politique ». Est-il nécessaire également de rappeler la façon dont il a bravé la justice, foulé aux pieds une instruction, deux décisions de cour d’assises et deux décisions de juridictions d’application des peines en accordant une grâce scandaleuse à une personne condamnée pour meurtre. On notera d’ailleurs à cette occasion que les braillards à qui il a voulu donner satisfaction, vilipendent sans crainte de la contradiction, ceux qui critiquent le comportement de la justice dans l’affaire Fillon.

Oui, la façon dont s’est déroulée la procédure, tant dans sa célérité tout à fait inhabituelle que dans la nature des mesures prises, témoigne de la volonté de détruire la candidature de la droite à l’élection présidentielle. Depuis le premier jour de cette affaire, j’ai toujours annoncé avec au moins une semaine d’avance ce qui allait se produire sur le plan judiciaire. J’ai pu le faire, non pas pour avoir pris l’option arts divinatoires pendant mes études de droit, mais parce que je connais le fonctionnement de la boutique.

C’est pourquoi ce que nous avons entendu la semaine dernière émanant du monde de la justice est préoccupant.

Il y a tout d’abord le communiqué commun (!) du premier président de la Cour de cassation et de l’avocat général auprès de celle-ci. Certes ils l’ont fait au titre de coprésidents du Conseil supérieur de la magistrature, mais mélanger à cette occasion parquet et magistrature du siège n’était peut-être pas une excellente idée. Au-delà de ce qui est quand même question de fond, on y trouve deux jolies choses. À propos du travail de la justice : « Les uns prétendent qu’elle est instrumentalisée par l’Exécutif. Celui-ci réplique qu’il soutient la liberté d’action des magistrats. En réalité, la justice n’encourt pas plus les reproches outranciers qui lui sont faits qu’elle n’a besoin de soutiens d’où qu’ils viennent. » Prends ça dans les dents Pépère ! Tu te croyais président de la République et par conséquent garant du fonctionnement des institutions, eh bien retourne dans ta niche. Et puis: «Les magistrats suivent leur rythme en toute indépendance sous le seul contrôle des juridictions supérieures. » Répétons pour la énième fois que l’indépendance n’est pas un objectif mais seulement le moyen de l’impartialité. Or c’est justement de ce rythme tout à fait inhabituel que se déduit l’absence criante d’impartialité. L’indépendance n’est pas là pour permettre d’être partial, voyons !

«Ni la Constitution ni aucune loi ne prévoit – heureusement – ce que d’aucuns nomment une « trêve judiciaire ». »

Il y a eu ensuite la tribune signée par la présidente de l’Union syndicale des Magistrats. La violence et l’arrogance du ton, les imprécations lancées à l’égard de la représentation nationale, le choix des mots témoignent non seulement d’une certaine perte de sang-froid, mais également d’une conception inquiétante de la place de la justice dans la cité. On laissera chacun prendre connaissance de ce brûlot, en soulignant que l’on est peut-être encore plus loin que le fameux « mur des cons ». Pour ceux qui auraient la flemme, je précise qu’il n’y a aucune mention du rythme des magistrats qui ont été saisis de la plainte de François Fillon pour violation du secret de l’enquête : la transmission d’urgence aux journalistes du Monde des premiers PV, accomplie sur la base d’une très grave illégalité. Les mauvaises langues prétendent que seuls les magistrats du parquet national financier (PNF) ou les policiers chargés de l’enquête le pouvaient. Là, ce sera un rythme lent, très lent, genre slow langoureux. Et d’ailleurs, probablement pas de rythme du tout, comme d’habitude.

Relevons cependant deux phrases, expression d’un sentiment de toute-puissance qui montre où peuvent mener certaines dérives.

« En réalité, les prétendus arguments procéduraux des uns ou des autres, souvent infondés, ne visent qu’à troubler l’électorat, à des fins purement politiciennes. » Là on est carrément dans l’insulte des professeurs de droit, des avocats, et des praticiens spécialistes, qui se sont exprimés sur les lourds motifs d’illégalité qui semblent peser sur les procédures intentées en particulier par celles du parquet financier. Ensuite on peut s’inquiéter du caractère péremptoire de cette affirmation de la part d’une magistrate. Donc la messe serait dite, les décisions de la chambre d’instruction et de la Cour de cassation seraient-elles déjà prises ?

Et puis il y a ce sommet : «ni la Constitution ni aucune loi ne prévoit – heureusement – ce que d’aucuns nomment une « trêve judiciaire ». »

Pardon ? Lorsque l’on parle de la loi, en termes généraux, on fait référence à l’ordre juridique global dans lequel se déploie le fonctionnement de la République française. Et non pas à la loi votée par le Parlement par opposition aux décrets du gouvernement. C’est ce que l’on appelle là aussi d’un terme général le « Droit français ». Dont les sources, comme on l’apprend en première année de droit sont la loi, la jurisprudence, la doctrine, et la coutume. L’ordre juridique est l’articulation de tous ces éléments, parmi lesquels il existe des règles qui pourraient s’avérer littéralement incompatibles et que l’on s’efforce justement d’harmoniser. Et cette responsabilité incombe au juge. Or il est un principe fondamental, ce que les publicistes appellent un « principe général du droit », qui est celui de la sincérité du scrutin démocratique. Celle-ci est vérifiée par le juge administratif après chaque élection si nécessaire. Si des événements, des manœuvres, des initiatives ont pu altérer la sincérité du scrutin et modifier son résultat, la conséquence en est l’annulation par le juge. Force est de constater que d’ores et déjà l’élection présidentielle 2017 est faussée. Au premier tour la qualification pour le second derrière Marine Le Pen se jouera dans un mouchoir. Tout ce qui s’est passé depuis un mois, cette intervention de l’État en faveur d’un candidat, la conduite des procédures judiciaires, le comportement des médias de service public, seront autant de motifs d’annulation. Si le Conseil constitutionnel passait outre, le candidat élu alors au deuxième tour perdrait toute légitimité. Car celle-ci dépend fondamentalement du caractère régulier du scrutin.

Aucune des procédures ne présente la moindre urgence

Pour permettre un débat politique serein et l’expression régulière du suffrage universel,  surtout pour le scrutin le plus important de la Ve République, il appartient au juge d’adopter une mesure et un tempo prudent même en l’absence de texte express. Et surtout pour des procédures dont aucune ne présente la moindre urgence. Oui, l’exigence de régularité du scrutin est bien au-dessus de cette volonté compulsive d’intervenir sans contrôle dans un processus fondamental. Parce que rappeler que les magistrats n’agissent que sous le contrôle des juridictions supérieures, lorsque l’on sait que celles-ci n’interviendront que dans quelques années, une fois que le mal sera fait est d’une parfaite hypocrisie. Demandons à Éric Woerth ou à Gérard Longuet ce qu’ils en pensent. Et que l’on n’avance pas l’argument trivial : « il faut faire confiance à la justice », celui-ci n’a aucun sens. Tout le dispositif judiciaire repose sur la défiance vis-à-vis de l’homme juge. On ne lui fait aucune confiance, et c’est pour cela que l’on enferme sa décision dans des règles de procédure stricte pour assurer la loyauté du débat, qu’existent les avocats et leur secret professionnel, la collégialité, le double degré de juridiction, la Cour de cassation. Tout ce formalisme qui nous renvoie à la fameuse formule de Von Jhering : « adversaire acharnée de l’arbitraire la forme est la sœur jumelle de la liberté ». C’est l’honneur de ces magistrats français très majoritaires de s’astreindre à cette rigueur dans l’application de ces règles, sachant qu’elle construit le socle de la légitimité de leurs décisions qui sinon ne seraient que de guerre civile.

Je ne sais pas si François Fillon sera condamné définitif en 2023, mais même si je ne voterai pas pour lui à l’élection présidentielle prochaine, je souhaiterais que certains magistrats évitent de faire le tri entre les candidats. C’est à l’électeur que je suis qu’appartient cette compétence.



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