J’ai trouvé intéressante l’émission Des paroles et des actes qui a mis en scène l’opposition entre François Fillon et Jean-François Copé pour la présidence de l’UMP. Je ne me prononcerai pas sur le fond, après tout ce n’est pas mon affaire, je ne suis pas militant de l’UMP. En même temps, ce qui est probable, si d’ici quelques années la droite décide de faire des primaires ouvertes à tous les électeurs pour désigner le candidat aux prochaines Présidentielles, j’irai voter. Je signerai même sans hésitation la déclaration, (sauf si elle comporte le mot pain au chocolat), indiquant que je suis en accord avec les grandes valeurs de la droite.
Après tout, j’ai souvent vécu dans un pays dirigé par la droite et ça n’a jamais été une dictature. La droite française n’a jamais attenté aux libertés fondamentales, au droit de réunion, à la liberté de la presse. Il n’y a donc pas de raison que je ne donne pas mon avis en tant qu’électeur de gauche sur celui qui représentera le camp d’en face et sera peut-être mon prochain président. Dans une démocratie, l’important n’est pas tant de gagner, c’est de voir triompher ses idées quitte à ce que ce soit d’autres qui les reprennent. Demandez au Front National, qui fait du gramcisme nationaliste depuis quarante ans et qui se voit aujourd’hui repris par à peu prêt tout le monde, l’idée qu’il y a un lien consubstantiel entre immigration et délinquance ou immigration et chômage. Donc, en cas de primaire de droite, j’irais voter pour le candidat le moins à droite comme à la primaire socialiste, alors que je ne suis pas socialiste non plus, je suis allé voter pour le candidat le plus à gauche. Qu’on se fasse avoir par la suite est un autre problème…
Dans l’émission, plusieurs choses m’ont amusé. D’abord, l’emploi du mot « droite ». Il y a encore quelques années, personne n’osait se dire de droite. Les gens de droite utilisaient des périphrases en disant qu’ils préféraient la liberté et la responsabilité, et sous-entendait ainsi que tous les gens de gauche étaient des totalitaires assistés. Jeudi soir, il n’y a eu d’hésitation ni de la part de Copé, ni de la part de Fillon. Pour Copé, ça n’a pas dû être trop dur mais pour Fillon, l’ancien gaulliste social, l’homme du non à Maastricht, le lieutenant fidèle de Philippe Seguin, je pense que ça a dû davantage lui brûler la gueule. Quand on a servi un homme qui a parlé de Munich social à propos de la politique de Balladur qui adaptait à coups de « noyaux durs » le modèle français aux normes européennes, se dire « de droite » doit sembler terriblement réducteur. Ce qui tombe mal, dans cette histoire d’une droite qui assume le mot droite, c’est que cela est concomitant d’une période où la gauche assume de plus en plus mal le mot gauche. Le déséquilibre s’inverse. C’est dommage : quitte à subir des Waterloo électoraux comme cela attend probablement les socialistes aux prochaines élections locales, il vaut mieux les perdre sur ses valeurs. Au moins, même si on se retrouve minoritaire, on a conforté son camp.
La seconde chose que j’ai trouvée assez drôle, c’est la rhétorique de Copé. Utilisation incessante, incantatoire de la première personne. Invocation permanente à son mandat d’élu local (Meaux, on sait…) pour légitimer une connaissance du terrain. Réaffirmation continue qu’il est « décomplexé ». Ca ne vous rappelle personne ? C’est pour ça que Fillon devrait se méfier, même s’il gagne la présidence de l’UMP. Ce fut exactement la tactique de Sarkozy contre Villepin…
Enfin, la dernière chose qui pouvait prêter à sourire, c’est l’attitude à adopter vis-à-vis du Front National. C’est bien la seule préoccupation commune, aujourd’hui, entre l’UMP et le Front de Gauche : reprendre ses électeurs à Marine Le Pen. Mais Fillon et Copé ne peuvent pas dire, comme le Front de gauche, qu’il s’agit de brebis égarées qui se trompent de colère. Alors, ils ont hésité entre la danse du ventre et le baiser sur la bouche. En fait, j’ai plutôt pensé à cette pièce de Ionesco, Amédée ou comment s’en débarrasser. Des gens sont dans un salon et il y a là un cadavre qui ne cesse de grandir, grandir, grandir. On fait semblant de rien, mais plus ça va, plus ça devient difficile de faire comme si rien ne se passait…
En même temps, chacun ses problèmes…
*Photo : UMP.
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