Accueil Culture « Fille de fer »: le guide d’Isabelle Grégoire pour découvrir le Canada contemporain

« Fille de fer »: le guide d’Isabelle Grégoire pour découvrir le Canada contemporain


« Fille de fer »: le guide d’Isabelle Grégoire pour découvrir le Canada contemporain
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Pour visiter le Canada, on peut lire à profit Fille de fer, le dernier roman policer de la québécoise Isabelle Grégoire.


Pour appréhender la réalité d’un pays qui nous est encore étranger, il y a plusieurs écoles. L’une d’entre elles, par exemple, consiste à s’y rendre et à le visiter, accompagné d’un Cicéron du cru. Parfois, par chauvinisme ou en raison de motifs plus politiques, ce dernier pourra être tenté de nous raconter un conte de fées, de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. S’il est particulièrement roué, à tout le moins habile, peut-être tomberons-nous d’ailleurs dans le panneau. Mais il n’y a en la matière aucune fatalité. Pensons ici à André Gide et Louis-Ferdinand Céline qui, initialement bien disposés à l’égard de « la patrie du socialisme », sont revenus plus que circonspects d’URSS et, la même année (1936), ont fait savoir – l’un dans Retour de l’URSS, l’autre dans Mea culpa –, qu’ils n’étaient nullement dupes du voyage qu’on leur avait organisé.

Parmi les autres écoles, il en est une qui, elle, est particulièrement prisée des sédentaires à la Philippe Muray, qui ne confondait pas voyage et tourisme. Elle consiste à lire les écrivains du pays considéré et, plus précisément, puisqu’ils sont souvent ceux qui nous disent sans ambages l’envers du village Potemkine en raison de la matière qu’ils travaillent (crimes, châtiments, marges de la société), les auteurs de polars. C’est ainsi que pour découvrir un peu de la lointaine Islande, d’aucuns lisent l’écrivain Arnaldur Indridason et ses « Enquêtes du commissaire Erlendur Sveinsson ». Et que pour se faire une idée de ce que peut être la vie en Suède et certains pays scandinaves ou de la mer baltique, d’autres se plongent volontiers dans les « aventures » de l’inspecteur Kurt Wallander, la série policière qui a rendu célèbre Henning Mankell, romancier mort en 2015.

En route pour le Canada et le Québec

D’une manière analogue, que lire pour cerner au mieux la réalité d’un pays tel que le Canada, complexe puisque fédéral, multi-ethnique et a minima bilingue, même si la pratique du français s’y réduit comme peau de chagrin ? Les réponses à cette question ne manquent à vrai dire pas. Mais parmi tous ceux qui (d)écrivent ce grand pays nord-américain et plus particulièrement cette province que Charles de Gaulle aurait voulu « libre », deux femmes, qui le font d’une façon suffisamment originale pour être signalée, méritent peut-être un coup de projecteur : Louise Penny et Isabelle Grégoire.

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La première, qui vient du journalisme, se consacre désormais à l’écriture. Elle s’est surtout fait connaître par ses romans policiers, plus exactement les enquêtes de l’inspecteur-chef Armand Gamache. Et parmi ces dernières, Le beau mystère (2012), traduit de l’anglais et disponible en poche chez Babel noir, aussi sombre que palpitant, décrivant un Québec assez inédit sous nos latitudes, mérite une attention toute particulière.

La seconde, journaliste et finaliste du Prix Saint-Pacôme du roman policier, attribué chaque année pour récompenser au Québec le roman policier francophone sortant du lot, ne manque pas non plus d’intérêt. Et d’autant moins que ses romans, notamment Fille de fer, paru chez nous au printemps (Le mot et le reste, 2022), font écho à des problématiques très contemporaines : la dévastation d’écosystèmes perpétrée par des entrepreneurs cupides ; les ravages de la Société du Spectacle au pays du sirop d’érable et de l’orignal bramant ; les rapports plus que houleux entre hommes et femmes dans un pays qui a vu naître le mouvement « incel » (contraction du terme anglais « involuntary celibate »), le métissage, les revendications des « Premières nations », etc.

S’inspirant d’une authentique « femme forte », travaillant dans un monde d’hommes et sillonnant un territoire immense et souvent hostile, Isabelle Grégoire a imaginé le personnage de Marie Guilbaud, une conductrice de trains, décrite dès les premières pages comme une « pomme » : « rouge [comprendre « indienne »] à l’extérieur, blanche [comprendre : « européenne »] à l’intérieur », parce qu’issue d’une union mixte. Puis elle l’a confrontée à d’autres personnages, issus eux aussi de son imagination, selon une histoire qu’elle a bâtie de toutes pièces. Tout n’est donc que fiction. Pour ce faire, elle s’est néanmoins imprégnée, comme tout romancier digne de ce nom, de ses observations et sensations. Si bien que son roman dit peut-être mieux que de nombreux discours ou essais le pays où se déroule son intrigue policière.

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est juriste de formation. Il tient depuis bientôt une année une rubrique consacrée au cinéma sur un site bourguignon d’information en ligne .

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