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Travailler plus pour vivre plus longtemps


« Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » : l’avertissement paulinien a toujours servi de chantage à la société bourgeoise pour plier le prolo aux lois du tripalium et conjurer l’apparition de chômeurs heureux, de paresseux parasites et autres « mendiants ingrats »[1. C’est ainsi que se définissait Léon Bloy]. Gagner sa vie à la sueur de son front et son pain à la force du poignet, siffler en travaillant, on connait la chanson. Dans le même bon esprit, le Figaro nous a dévoilé la semaine dernière une information exclusive : « La retraite tardive protégerait contre la maladie d’Alzheimer ». La santé mentale, nouvelle carotte de la performance !
Vous ne rêvez pas : une enquête de l’Inserm, à l’initiative du Centre international sur la longévité (sic), présentée lundi dernier lors de la Conférence internationale de l’Association Alzheimer à Boston révèle que « chaque année de travail en plus, après 60 ans, réduit de 3% le risque de souffrir un jour de la maladie d’Alzheimer ».
En voilà une étude qui tombe à pic ! Au moment où le vieil Etat-providence doit faire une cure d’austérité, on nous prouve scientifiquement  qu’en «  repoussant l’âge de la retraite de 60 à 65 ans, le risque de maladie d’Alzheimer diminue de 15%. »Puisqu’on vous dit que c’est pour votre bien ! Caroline Dufouil, l’auteur de l’étude, insiste : « nos données montrent avec de fortes preuves une baisse du risque de démence avec un âge tardif de retraite ». Mais attention, il faut lire entre les lignes, et, si le travail, c’est la santé (mentale), on aboutit à la conclusion logique que les chômeurs sont des déments potentiels qu’il faut donc s’empresser de soigner ou d’enfermer.
Là où la défaite de l’idéologie est la plus éclatante, il ne reste plus qu’à justifier les décisions politiques par la science, dernier mythe qui met tout le monde d’accord.
Paul Lafargue, gendre de Marx et pionnier du socialisme français, dans Le Droit à la paresse, proposait une interprétation contraire (et à mon sens plus pertinente ou du moins empiriquement vérifiable dans le métro aux heures de pointe) du travail, dans lequel il voyait « la cause de toute dégénérescence intellectuelle, de toute déformation organique ».
Contre l’impératif travailler plus pour gagner plus, il écrivait, avec une grande sagesse : « Pour qu’il parvienne à la conscience de sa force, il faut que le prolétariat[…]retourne à ses instincts naturels, qu’il proclame les Droits de la Paresse, mille et mille fois plus sacrés que les phtisiques Droits de l’Homme concoctés par les avocats métaphysiques de la révolution bourgeoise ; qu’il se contraigne à ne travailler que trois heures par jour [2. N’en déplaise à Maurice Taylor, PDG de Titan]à fainéanter et bombancer le reste de la journée et de la nuit. »
Traînards, oisifs, glandeurs et autres improductifs, n’ayez pas peur, faute de rendre sain la paresse rend libre. 



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Journaliste au Figaro, elle participe au lancement de la revue Limite et intervient régulièrement comme chroniqueuse éditorialiste sur CNews.

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