Philippe Lacoche, républicain old school, est déjà l’auteur de plusieurs romans et recueils de nouvelles, élégants et nostalgiques, qui font de lui un héritier aussi direct que modeste d’auteurs comme Henri Calet ou Roger Vailland. Cité Roosevelt, Le Pêcheur de nuages ou encore De Petits bals sans importance ont montré son art délicat, presque minimaliste, pour rendre compte des enfances dans la Baie de Somme pendant les années soixante, de la vie quotidienne dans les premiers HLM de Picardie et la création picaresque de groupes de rock improbables qui « font la route » entre Abbeville et Chaugny-Tergnier ou Verberie et Attigny.
Egalement journaliste au Courrier picard et ancien critique à Best, quand il suivait les groupes français en concert, Lacoche n’avait à priori rien dans son ADN politique pour écrire ce Pour la Picardie, qu’il sous-titre d’un bel oxymore : Pamphlet sentimental. Lacoche est en effet un archéo-jacobin qui a fait partie de la belle aventure du Chevènement de 2002 en participant au recueil Contes de campagnes (Mille et une nuits) qui rassemblait l’essentiel de ses soutiens dans le monde littéraire.
[access capability= »lire_inedits »]Alors, Lacoche, dans une défense girondine des régions en général et de la sienne en particulier ? Que s’est-il passé ? Il s’est passé, comme nous le dit lui-même l’auteur, la commission Balladur que l’on a chargée de redessiner technocratiquement le territoire français et qui a proposé, outre la suppression de l’échelon départemental, le démantèlement de certaines régions. Tout cela, évidemment, dans un souci de rationalisation européenne, histoire de présenter devant les nouveaux maîtres de Bruxelles non plus une encombrante nation avec des régions trop petites et des départements minuscules mais des unités administratives de consommation viables de 8 à 10 millions d’habitants. Parmi les régions promises au néant géographique, la Picardie, donc. L’Oise avec l’Ile-de-France, la Somme avec le Nord-Pas-de-Calais et l’Aisne avec Champagne-Ardenne.
Alors, parce que ce projet rappelle les délires d’un Colot d’Herbois voulant découper la France en carrés au moment de la Révolution française, Lacoche réagit. La Picardie, c’est évidemment une identité, une plaine au bord de la mer avec ces bibles de pierre que sont les cathédrales, sur le parvis desquelles se jouèrent les Mystères, ces premières pièces de théâtres de notre littérature, dans une langue qui allait permettre au français de trouver son assise définitive. La Picardie, c’est aussi cette province du carnage, parsemée de cimetières militaires, où pendant la première guerre mondiale, une bonne partie de toutes les nationalités existantes est venue s’étriper, se gazer, se canonner à bout portant pendant quatre ans.
Mais Lacoche sait entremêler à sa Picardie historique sa Picardie intime. Il célèbre le chevalier de la Barre, jeune aristocrate brûlé vif à Abbeville pour avoir refusé de saluer une procession, tout en se souvenant du bar près de son lycée à Saint-Quentin, quand il montait un groupe de rock. Et il se rappelle que c’est à l’ombre fortifiée des églises de Thiérache qu’il a donné ses premiers baisers pluvieux.
Alors vous comprendrez pourquoi Lacoche ne veut laisser à personne le droit de rayer d’un trait de plume la Picardie. Et qui sait, grâce à lui, vous visiterez peut-être enfin cette région qui vaut bien la Provence, avec son livre à la main, en guise de guide ?
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