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Le tour du monde en un festival

Le Festival de l’Imaginaire, du 31 mai au 6 juin, à la Maison des Cultures du Monde


Le tour du monde en un festival
Danseurs indiens. DR.

Le Festival de l’Imaginaire est l’un des événements du printemps les plus poétiques. Danses, chants, contes et musiques du monde se retrouvent à Paris pour célébrer la gloire de la culture, de toutes les cultures…


Sous ce titre extrêmement poétique est apparu en 1997, à Paris, un festival qui ressemblait à un rêve éveillé et au cours duquel étaient conviées les manifestations de cultures traditionnelles du monde entier, portées par la bien nommée Maison des Cultures du Monde.  C’était, c’est encore, une aventure parmi les plus généreuses de l’univers culturel, voulue par ses fondateurs, Cherif Khaznadar et Françoise Gründ, dans un esprit d’ouverture et d’échange entre les continents tout autre que mercantile. Pour les Français, ce sera une formidable occasion de faire dix fois le tour du monde sans avoir à quitter Paris.

Demandez le programme !

Ballet de cour des rois du Cambodge ; danses sacrées ou profanes de l’Inde ; théâtre « tchiloli » de l’île de Sao Tomé (inspiré de la geste de Charlemagne !) ; opéra du Jardin des Poiriers droit issu de la Chine impériale, éradiqué par les maoïstes mais conservé en République de Taïwan ; conteurs bretons ou chants et danses masquées de Paucartambo, au Pérou ; confréries de soufis albanais ; chants les « llaneros » de Colombie ; « rythmings spirituals » des Bahamas ; théâtre masqué du Kerala, aux Indes ; hymnes de l’Église copte d’Égypte ; théâtre de marionnettes taïwanais ; « son » de Vera Cruz au Mexique ; « hat tchéo », théâtre musical du Tonkin ; « canzuna a la carritera » chantée en Sicile ; « maquâm » de la Perse ; théâtre d’ombres de Java ou des provinces du nord de la Malaisie ; danses et chants  des pygmées Aka, au Congo ; flamenco andalou ou « jota » aragonaise ; musiques berbères ; sorties de masques du Dogon ; « candomblé » du Brésil ; danses de masques Makishi du Zimbabwe ; danses et musique de la cour royale de Corée ; derviches tourneurs d’Istanbul ; marionnettes sur l’eau du Vietnam ; théâtre populaire de Bali ou ballet de cour des princes de Java… la liste est précieuse et infinie, et elle ne représente que le dixième de ce que le Festival de l’Imaginaire a fait venir en France.

Egypte. DR.

Cultures prostituées par le tourisme

Un tel programme traduit la foisonnante, l’inépuisable diversité des cultures traditionnelles et du génie humain. Mais aussi tous les dangers que le fanatisme musulman ou celui des évangélistes américains, que les dictatures communistes ou d’extrême-droite, la vie moderne, le matérialisme et l’abandon des traditions qui l’accompagnent, le tourisme de masse encore, font courir aux cultures traditionnelles. Méprisées, bafouées, oubliées ou dénaturées, parfois frappées d’anathèmes, beaucoup de ces manifestations artistiques, souvent liées à des cultes religieux, dépérissent désormais bien souvent ou sont récupérées, prostituées par une sous-culture du divertissement commercial fréquemment liée au tourisme. Et l’on redoute d’être parmi les dernières générations à pouvoir encore les admirer.

Des danseuses massacrées

Pour accueillir dignement la fine fleur des cultures du monde, il eut fallu un théâtre digne de recevoir, dans Paris, une manifestation de portée internationale. Un lieu flattant la légitime fierté des artistes invités et honorant l’esprit qui s’est longtemps voulu universaliste de la France. C’eut été une façon de montrer aux artistes les plus renommés dans leurs pays, ou aux simples villageois porteurs de traditions antiques, le cas que l’on faisait de leurs cultures et le respect qu’on leur témoignait. Une façon aussi de s’assurer de leurs sympathies et de celles de leurs nations respectives. Quelques années durant, le Théâtre du Rond-Point, alors dévolu à la Maison des Cultures du Monde, aura rempli dignement cet office. Ce fut là, par exemple, en présence d’une avalanche d’altesses européennes, qu’eut lieu la renaissance du Ballet royal de Cambodge, anéanti par les Khmers rouges qui en massacrèrent des centaines de danseuses, mais ressuscité par la demi-sœur du roi actuel, la princesse Bopha Devi. C’était là un cadre digne de recevoir les vestiges et l’extrême raffinement d’une civilisation millénaire que la France, par ailleurs, avait contribué à sauver.

Las ! Le monde du théâtre, toujours si prompt à se poser en défenseur des cultures étrangères ou de celles des minorités vivant en France, ce monde du théâtre n’eut de cesse de trahir ses postures de façade en voulant récupérer cette scène du Rond-Point des Champs-Élysées qu’il disait lui appartenir. Et de renvoyer la Maison des Cultures du Monde dans son mesquin petit théâtre de l’Alliance française où elle était établie auparavant. C’est donc là, cette année encore, mais aussi sur d’autres sites parisiens, qu’aura lieu un Festival de l’Imaginaire, toujours vaillant mais quelque peu à l’étroit.

Maigres subventions

Alors que la misère intellectuelle de la république macronienne privilégie la vulgarité et la facilité plutôt que les arts et le savoir, les subventions publiques ont si drastiquement diminué (elles se résument à 420 000 euros venus du ministère de la Culture, somme avec laquelle il faut aussi régler les salaires des huit personnes attachées à la structure) que la Maison des Cultures du Monde a même dû abandonner depuis longtemps ses bureaux du boulevard Raspail. Elle s’est repliée à Vitré, en Bretagne, cité superbe certes, et qui met à sa disposition une belle bâtisse ancienne, mais qui n’est pas vraiment l’archétype d’une grande ville et d’une capitale culturelle. Pire encore, le choix erratique d’un conseil d’administration qui nomma naguère une direction sans envergure, sans ambition, sans grand esprit, a porté la Maison des Cultures du Monde et le Festival de l’Imaginaire à un état alarmant. Faute de moyens, les prospections à effectuer en pays étrangers pour y découvrir des formes d’art méconnues sont quasiment réduites à néant. À quand de nouvelles ambitions et de nouveaux moyens pour remettre en selle cette épopée de l’Imaginaire dont l’intérêt est plus que jamais criant dans un monde où se multiplient les guerres et les tensions entre l’Europe et le reste du monde ?

La fin d’une belle utopie ?

Est-ce aujourd’hui la fin d’une belle utopie ? Celle qui voulait que la France, et singulièrement Paris, soit le havre des cultures du monde entier comme jadis celui des exilés politiques de toutes les nations.  Plus que jamais, et avec bien peu d’argent, il serait indispensable de lutter contre le repli des nations sur elles-mêmes, la méconnaissance des cultures étrangères et leur incroyable diversité, l’inculture galopante et l’invasion des fanatismes, en faisant du Festival de l’Imaginaire une manifestation phare de fraternité artistique et d’intelligence.

Recevoir à Paris les manifestations authentiques de cultures venues de tous les continents apparaît tout aussi indispensable à leur défense et à leur reconnaissance qu’au maintien d’une image positive de la France à l’étranger.

Peut-on encore espérer aujourd’hui un sursaut bénéfique des pouvoirs publics français ?


À voir :

Musique classique persane et musique mystique kurde et persane (Alliance française), le 31 mai ; zar egyptien et zar soudanais (Alliance française), le 1er juin; tâlams et  râgams indiens (dans un parc parisien), et rumba catalane (Théâtre Berthelot à Montreuil), le 2 juin; trois poétesses d’Afghanistan, d’Iran et du Liban et chant soufi  quawwalî (Théâtre de la Ville), le 3 juin ; chants et musique du Badakhshan (Alliance française), le 4 juin ; danses de l’Inde du Sud, (Musée Guimet), le 5 juin ; chanteurs de fado (Théâtre Zingaro), le 6 juin.

Festival de l’Imaginaire : 01 45 44 72 30 / billeterie@maisondesculturesdumonde.org



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