Parce que femme, je suis présumée féministe. Alors que cette cause m’indiffère…
Moi qui laissais autrefois la parole au silence, j’ai récemment ressenti le besoin d’exprimer mon désarroi face aux vagues de militantisme contemporain. Perdue dans le chaos de bras et de jambes féministes, je me retire et me retrouve à justifier ce qui est dans ma nature.
Les gens me confondent fréquemment avec une communiste fumeuse de chanvre, une imbécile heureuse, une Faf à béret tricolore, une snob sous ecstasy, une mauvaise tragédienne et parfois même… une féministe. Après m’être demandée durant dix ans si c’était la faute de mes envolées lyriques sur l’amour ou de ma garde-robe d’inspiration Dame Ginette, j’ai finalement compris, qu’en quelques années, « féministe » était devenu synonyme de « femme ».
Ni pour ni contre, bien au contraire
Certains étaient accusés d’être des sorcières ou des uranistes, moi je suis clouée au pilori, le front estampillé « réac » au fer rouge. Les pauvres bougres sont déçus, eux qui m’avaient imaginée comme un corbeau morne-gai voguant librement à travers les vents de la vie. Leur raisonnement binaire me catapulte tout droit dans la catégorie des vilains défenseurs velus du patriarcat. Bienvenue en contrée sophiste où ne pas promouvoir l’extension du domaine de la femme dans la société revient à lutter pour la pérennité de la phallocratie. Ils se trompent, je ne suis pas contre le féminisme et ses aficionados, je ne suis simplement pas des leurs. Je suis comme tout le monde, je peine à adhérer à une cause que je ne comprends pas. Je ne vais donc pas batailler pour obtenir l’octroi de nouveaux droits à une catégorie de personnes (de certaines nationalités) qui, selon moi, les a déjà tous en ses mains.
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Par-dessus le marché, je ne suis pas partisane de la généralisation et de l’étiquetage des gens. Je suis effectivement une femme, je ne suis pas non-binaire, mais je suis avant tout une somme de défauts, de qualités, d’obsessions et d’ambitions tout autant ridicules les unes que les autres. Je ne ressemble à aucune femme et vous non plus. J’aimerais que chacun fasse de soi-même sa propre cause. Et, si je devais défendre fiévreusement une certaine catégorie d’opprimés, je ne penserais pas aux femmes en premier mais plutôt aux clodos, enfants disparus et animaux maltraités. Je ne saurais m’émouvoir devant les pleurs d’une femme qui découvre le fossé entre son salaire et celui de son voisin de bureau masculin. Eh oui, on embrasse véritablement une cause que lorsque les vérités qu’elle dénonce nous remuent jusqu’aux tripes.
Je doute de moi, pas des femmes
Quand j’y pense, mon indifférence à la cause féministe était prévisible. Mon grand frère, ma grande sœur et moi avons reçu une éducation quasiment indemne de traces de différenciation sexuelle et mes géniteurs n’ont jamais tenté de réprimer mon individualisme que certains appellent égoïsme. Même si mes parents m’ont d’abord inscrite à des cours de danse classique, ils ont rapidement compris que ce n’était pas mon dada et ont assisté à toutes mes compétitions de Karaté. Du jogging noir porté une année entière aux refus de porter des robes mignonnettes, en passant par les cimetières dessinés sur la main, la courte expulsion du lycée et l’utilisation d’un vivier de mots grossiers sans cesse renouvelé, ils ne m’ont jamais interdit une pratique ou contesté l’un de mes opinions en raison de mon sexe. Pourtant derniers survivants du conservatisme, ils n’ont pas respecté les carcans du genre.
Peut-être ai-je été mal élevée ou suis-je mégalomane, mais je suis heureuse d’affirmer que je me sens légitime dans ce que j’entreprends, la plupart du temps. Et lorsque ce n’est pas le cas, je doute alors de mes capacités physiques, artistiques, intellectuelles mais je ne pointe jamais du doigt ma condition/état de femme.
Cessez donc de m’enquiquiner avec des questions de genre et d’égalité de droits qui n’éveillent ni ma curiosité ni mon empathie mais ne méprisez pas non plus ce qui se noie lorsque la vague passe.
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