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Femme, vie, liberté !

Islamisme: l'Europe est une terre de compromission.


Femme, vie, liberté !
Manifestation à propos de la mort de Mahsa Amini devant le consultat iranien à Istanboul, le 17 octobre 2022 SOPA Images/SIPA 01091532_000023

La révolte courageuse des femmes iraniennes sert aussi à rappeler combien des intellectuels et des gouvernements occidentaux sont complices du mouvement islamiste, et non seulement en Iran.


Toutes les informations qui nous parviennent d’Iran nous disent que cette nouvelle révolte est totalement inédite. Elle se distingue de toutes les précédentes parce que ce sont les femmes qui en ont pris l’initiative et, plus encore, parce que ce qui est ciblé n’est pas seulement le pouvoir, mais le symbole même sur lequel se fonde sa légitimité : l’islam, que ce régime dit incarner depuis 1979.

Une révolte sans précédent

Tout avait commencé avec Mahsa Amini une jeune femme kurde de 22 ans battue par la « police des mœurs » à Téhéran le 13 septembre, puis arrêtée pour « port de vêtements inappropriés » et non-respect du strict code vestimentaire pour les femmes en République islamique d’Iran. Après trois jours dans le coma, elle mourrait… d’une tumeur, précise l’expertise médicale.

Et la réponse fusa dans presque toutes les provinces d’Iran, de Téhéran à l’Alborz, du Kurdistan au Baloutchistan, du Mazandéran au Golestan, dans la capitale comme dans des dizaines de villes petites et grandes, de Saqqez à Karaj, de Racht à Yazd, de Qods à d’Isfahan, de Hashtgerd à Ghazvin, de Marivan à Boukan, de Ghaleh Assan à Zahedan et à Mamassani, etc… y compris dans des villes « saintes » comme Machhad, d’où est originaire l’actuel président Ebrahim Raïssi.

Bravant la loi de 1983 obligeant les femmes à porter le voile, étudiantes, lycéennes, écolières, et citoyennes, sur l’ensemble du territoire, sortent dans la rue, crient des slogans – surtout « Femme, vie, liberté ! » – enlèvent démonstrativement foulard et tchador, voire les brûlent, et affrontent à mains nues les forces de la répression qui ont reçu l’ordre de tirer à balles réelles et qui sans état d’âme s’exécutent.

Ces héroïnes s’appellent Hadis Najafi, 22 ans, Sarina Esmailzadeh, 16 ans, Nika Shakarami, 17 ans, et bien d’autres dont les noms nous parviendront, parmi déjà plus d’une centaine de femmes et d’hommes assassinés par balles ou matraqués à mort…

Une telle révolte ne s’est jamais vue dans un pays d’islam.

En Algérie, dans les années 90, les femmes furent aussi à la tête de la résistance anti-islamiste. Pour avoir refusé pareillement de porter le hijab, la lycéenne de 17 ans, Katia Bengana, fut assassinée par les islamistes en 1993 tout à fait au début de la guerre civile, et elle devint un symbole de la lutte des femmes algériennes. Mais quand les islamistes furent vaincus militairement, paradoxalement le hijab se généralisa à la quasi-totalité des femmes, et ce jusqu’à aujourd’hui, preuve du deal passé entre eux et l’armée, preuve aussi que la bête régnait et règne toujours dans la profondeur de la société.

Et même si pour l’instant ce tsunami féminin iranien n’a pas de plate-forme ni d’encadrement politiques, son existence même – qui aujourd’hui, demain ou après-demain pourrait se généraliser à d’autres pays d’islam – ne postule-t-il pas, à terme, la fin de l’instrumentalisation de l’islam par les pouvoirs politiques, et une révolution à venir séparant l’Etat de la religion d’Etat, qui mettrait fin en même temps au mouvement politico-armé islamique dans l’ensemble du monde arabe et à l’autoritarisme d’Etat ?

Car, il ne fait aucun doute que ceux qui propagèrent la peste périront par cette peste qui pour eux se nomme Femme, vie, liberté !

L’incohérence occidentale

On pouvait donc bien s’imaginer que cette nouvelle donne, d’une ampleur et d’une signification universelles, n’allait pas affoler que les islamistes de par le monde.

Mais tous ceux qui dans cet « Occident » se réclament des valeurs de la démocratie et de la liberté, et n’ont jamais voulu comprendre que le système islamique fondé sur la charia est le pire de tous les totalitarismes, car il ne prétend pas seulement imposer son idéologie, mais d’abord régir la vie la plus intime de chaque homme et plus encore de chaque femme, la pendaison publique pour les récalcitrants.

Aussi ces gens-là, politiques, journalistes et intellectuels (tels Michel Foucault), ne combattirent-ils ni le régime sanguinaire de Khomeini et de ses émules, ni les islamistes tout aussi sanguinaires du FIS-GIA en Algérie.

A commencer par les USA qui n’ont jamais exigé le retrait de la condamnation à mort de Salman Rushdie en 1989, obligé de se cacher depuis près de trois décennies, alors que la récente tentative d’assassinat a prouvé que la sentence des mollahs n’avait jamais été annulée.

Ces USA du clan Biden-Obama qui, contrairement à Trump, font tout ce qu’ils peuvent pour renouer avec un Iran nucléaire, et alors même que ce dernier n’a jamais caché sa volonté de faire disparaitre Israël.

Ces USA-là qui ont commencé à soutenir les djihadistes d’Afghanistan (contre l’URSS), puis, dans les années 90 les islamistes algériens, allant jusqu’à offrir l’asile au chef du GIA, Anouar Haddam, qui de Rome avait revendiqué l’assassinat en 1993 de deux grands intellectuels, l’écrivain Tahar Djaout et le psychiatre Mahfoud Boucebci, en tête d’une impressionnante liste de plusieurs centaines d’intellectuels, d’artistes et de scientifiques qui allaient être assassinés dans les mois qui suivirent.

Et enfin en 2011, Obama qui, soutenant ouvertement les Frères musulmans, voulut faire en Egypte le même type de « révolution orange » que la CIA réussira à Kiev par un double coup d’Etat en 2004 puis en 2014[1].

Mais contrairement à ce que voudrait nous faire croire Valérie Toranian dans le dernier numéro de La Revue des deux mondes qu’elle dirige, le soutien européen à l’islamisme ne vient pas que des « islamo-gauchistes », mais bien de sa représentation la plus élevée, l’Union européenne elle-même !

Il faut absolument écouter le courageux historien Pierre Vermeren : « L’Europe fait preuve de bêtise face au lobbying des Frères musulmans. »[2]

Comment fermer les yeux face à sa stratégie immigrationniste qui fait désormais de l’Europe des Lumières une grande terre islamique et islamiste[3] où se conjuguent assassinats, terreur, antiféminisme, antichristianisme et antisémitisme, recul de la laïcité, refus de s’intégrer et tentative de subvertir les cultures indigènes des pays d’accueil…

Que je sache, le président français du Conseil européen, E. Macron, n’a jamais protesté contre le fait que l’Union européenne fasse du hijab l’un de ses marqueurs politiques. Ni son prédécesseur ni son successeur. Ne parlons même pas de l’Allemande, Von der Leyen si prolixe sur le front ukrainien comme si elle était la présidente de l’Europe, et si muette devant la répression en Iran. Bien au contraire, il y a peu, afin de promouvoir le Prix européen de l’enseignement innovant, la Commission européenne a récemment illustré l’une de ses affiches avec un enfant portant le hijab !

Et alors que les femmes iraniennes veulent se débarrasser du voile, le Conseil de l’Europe vient de publier un document « sur la prévention et la lutte contre le racisme et la discrimination envers les musulmans » qui vise surtout à favoriser le développement de l’islam, du voile islamique et du burkini en Europe, sans tenir compte du fait que ce sont les Frères musulmans qui aujourd’hui, dans tous les pays d’Europe, poussent dans ce sens et tirent les ficelles des mouvements associatifs cache-sexe, et ce alors que dans les pays arabes, à l’exception du Qatar, ils y sont interdits.

La secte la plus dangereuse du monde

Justement vient à point le livre de l’Egyptienne, Cynthia Farahat, L’appareil secret: l’industrie de mort des Frères musulmans[4]. Avant de conclure que les Frères musulmans, fondés le 22 mars 1928, sont « l’incubateur mondial du terrorisme islamique moderne » et « la secte militante la plus dangereuse au monde », elle nous apprend notamment que, malgré le conflit sunnites/chiites, l’ayatollah Khomeini rendit visite au chef des Frères, Hassan al-Banna, au Caire en 1938, alors que ce dernier faisait allégeance à Hitler et au nazisme.

On y apprend aussi qu’au milieu des années 1960, Ali Khamenei traduisit (de prison) deux livres phares des Frères musulmans, écrits par leur théoricien Sayyid Qutb, qui plus tard, sous son règne, seront inclus dans le programme des écoles du Corps des gardiens de la révolution islamique. Retour de l’ascenseur, les dirigeants des Frères musulmans incluront Khomeiny parmi leurs plus importants penseurs aux côtés de Hassan al-Banna, de Sayyid Qutb et du pakistanais Abul A’la Maududi.

Mais revenons à cette autre terre de compromission, l’Europe.

La révolte des femmes iraniennes, que rejoignent de plus en plus d’hommes, frappe également de plein fouet le narratif de tous les médias mainstream.

Hier les Jacques de Barrin au Monde, Josée Garçon à Libération, René Backman au Nouvel Observateur, soutenaient les islamistes algériens, Catherine Gentile à TF1 allant même jusqu’à interviewer les chefs islamistes, à Alger, un foulard sur la tête !

Et aujourd’hui, après avoir soutenu du bout des lèvres ces femmes, mais un tantinet gênés aux entournures, ils font comme si l’enjeu pour ces femmes n’étaient pas ce foulard et ce tchador qu’elles brûlent comme un défi à l’ordre islamique, sachant que cela peut leur valoir la mort.

Ou alors on essaie de noyer le poisson : les femmes iraniennes se battraient contre… l’inflation, la pauvreté, voire la discrimination ethnique !

Ou alors, plus directement on préfère s’en prendre… aux « conservateurs islamophobes », c’est-à-dire à tous ceux qui n’entendent pas se soumettre à la dhimmitude d’une Europe qui deviendrait terre de charia et de djihad…

Ainsi Libération se lance dans une exégèse du slogan principal « Femme, vie, liberté » mais ne dit rien… du foulard !

Remportant la Palme de la stupidité, Slate : « Si ces gestes ont été largement interprétés en Occident comme une critique de la religion musulmane, il s’agit avant tout d’une protestation d’ordre politique, dirigée contre le régime (…)  En France, le hijab des femmes iraniennes est ainsi devenu tantôt un alibi pour brandir le spectre de la menace islamiste qui pèserait sur les sociétés occidentales, antienne désormais indémodable du débat politique français, tantôt un prétexte pour minorer voire nier la réalité des violences patriarcales qui ont lieu dans l’Hexagone ».[5] !!!

Même antienne avec les pétitionnaires emmenés par Alain Badiou et Etienne Balibar. En 2011 durant le printemps arabe cairote, le premier voyait sur la Place Tahrir du « du communisme en mouvement », alors qu’une journaliste française s’y faisait violer. Et aujourd’hui l’inénarrable tandem (anti-israélien), toujours aussi sentencieux, nous met en garde : « Tous les slogans qui sont lancés visent les fondements même du système, et si l’on imagine que la demande du peuple est de « retirer le hijab obligatoire », on se trompe »[6].

Face à tous ces hypocrites bien-pensants, ex-maoïstes et polpotistes, qui en Europe et ailleurs croient pouvoir s’en tirer à bon compte par des gestes « symboliques », alors qu’en Iran les jeunes femmes d’Iran meurent pour leur dignité et celle de toutes les femmes, écoutons le cri de la journaliste iranienne, Masih Alinejad[7] :

« Nous, les femmes d’Iran, n’avons pas besoin que les Occidentaux se coupent les cheveux. Nous voulons que les politiciens occidentaux coupent leurs liens avec la République islamique ! »

Que l’on me permette de finir avec les visages si beaux des jeunes filles martyres et de l’admirable Gandom, cette jeune iranienne qui a repris Bella Ciao en persan, chanson devenue par sa très belle voix si juste et si pleine d’émotion, un des hymnes de la résistance en cours du peuple iranien auquel je souhaite que les forces politiques de l’opposition s’unifient vite pour mettre fin à l’une des pires dictatures dans ce beau pays riche d’une très vieille civilisation dont témoignent les œuvres de ses artistes et de ses cinéastes.


[1] Viktor Ianoukovytch, président démocratiquement élu en 2004 et 2013 en Ukraine, est chassé en 2014… c’est ce que BHL appelle « l’aventure démocratique de Maidan ».

[2] https://fb.watch/g1L6QzRZ4P/

[3] En arabe ou en persan, il n’y a qu’un seul mot alors que les Européens préfèrent distinguer le méchant « islamiste » du bon « islamique »…

[4] En anglais : The Secret Apparatus: The Muslim Brotherhood’s Industry of Death (New York: Bombardier Books, 2022),

[5] https://www.slate.fr/story/234367/revolte-femmes-contestation-iran-hijab-voile-mahsa-amini-recuperation-ethnocentrisme-orientalisme

[6] https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/soutenez-le-peuple-iranien-soutenez-la-femme-la-vie-la-liberte-20221008_WGI5RMKRRRGITHC5KH3V4WCVUA/

[7] https://twitter.com/NicolasPichot6/status/1578734591010930688?s=20&t=2rY3X8WvLvjOz5Mb149H0A



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est cinéaste, essayiste, fils d’un communiste pied-noir du Parti communiste algérien.

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