L’avez-vous remarqué ? On n’a jamais autant parlé de cul, dans tous les médias, que depuis le début de l’affaire Weinstein et de ses suites. Les femmes sont incitées à balancer leur porc, et les hommes sont sommés d’avouer leurs forfaits sexuels : quand Caroline De Haas affirme que deux sur trois sont des violeurs, cela fait saliver. Que de belles histoires en perspective ! Que de récits en cours et à venir ! « Il est passé par ici, il est repassé par là »…
Sans compter la demande insistante pour que toutes ces accusations finissent devant des tribunaux. Inutile d’être Lacan pour penser que cette frénétique envie de pénal dissimule (mal) une intense envie de pénis.
La libération de la parole du sexe
Ne nous moquons pas. Des « amours violés », comme disait jadis Yannick Bellon, il y en a — la moitié des sessions de Cours d’Assises sont aujourd’hui occupées par des affaires de viol. De là à suspecter que la quasi-totalité de nos rapports soient des viols plus ou moins déguisés… De là à prétendre qu’une remarque égrillarde articulée quinze ans auparavant soit un traumatisme majeur… De là à transformer des divorces en règlements de comptes au long cours, en affirmant que 5, 10, 15 ans de vie commune ne furent qu’un viol perpétuel…
Ce déballage général n’est pas seulement un retour du refoulé ou une permission de dire à voix haute ses obsessions ou ses fantasmes. Il témoigne d’un renversement significatif : la sphère intime descend dans la rue. Les femmes se sentent obligées de raconter leurs aventures — si possible les plus ratées, les plus traumatisantes, celles qu’a posteriori on transforme en aventures non désirées. Et les hommes sont sommés d’étaler leurs bistouquette sur la table, afin qu’elle soit autopsiée par des inquisitrices armées d’un bistouri social. C’est le renversement de quelques millions d’années d’évolution humaine. En adoptant la position debout, l’humanité a occulté le sexe féminin — que les guenons persistent à exhiber pour stimuler leurs partenaires potentiels. Il s’agit désormais de le faire parler, comme dans les Bijoux indiscrets.
Vive le porno libre (et public)
Qu’est-ce que Diderot aurait fait de #MeToo ? Les lèvres d’en haut clament désormais les petits secrets des lèvres d’en bas. « Nous sommes trop heureux que les bijoux veuillent bien parler notre langue, et faire la moitié des frais de la conversation. La société ne peut que gagner infiniment à cette duplication d’organes. Nous parlerons aussi peut-être, nous autres hommes, par ailleurs que par la bouche. » Le XVIIIe siècle avait tout prévu, tout pensé.
Mais voici que désormais « tout est perverti, et l’usage de la parole, que la bonté de Brama avait jusqu’à présent affecté à la langue, est, par un effet de sa vengeance, transporté à d’autres organes » (Diderot toujours). Étalage du tabou.
Contrairement à une croyance naïve, l’étalage des bons coups n’était pas une spécialité réservée à la parole mâle. Les femmes, entre elles, en ont toujours raconté pis que pendre sur leurs bonnes et mauvaises fortunes.
Je vois dans cette inversion des codes une irruption du pornographique dans…
>>> Lisez la suite de l’article sur le blog de Jean-Paul Brighelli <<<
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