Après les mauvais chiffres du chômage et notre classement déplorable sur l’échelle de Pisa, on se serait passé de cette triste nouvelle : il paraît que les Françaises sont des peine-à-jouir. Bonnes dernières au palmarès de l’orgasme. Selon un très sérieux sondage IFOP mené auprès de 8 000 femmes dans huit pays, 49 % d’entre elles admettent avoir « assez régulièrement » des difficultés à atteindre l’orgasme, contre seulement 28 % des Néerlandaises, les sa… euh, les chipies. Il faut croire que nous, on ment à nos mecs mais qu’on dit la vérité aux sondeurs. Pardon, ça m’a échappé.
Ce n’est pas que je sois coincée, ou prude, mais autant l’avouer : au début, l’annonce de cette nouvelle contre-performance nationale m’a un peu embarrassée. Pas seulement à cause de nos piètres résultats, mais parce que je trouvais ça gênant de parler de ces choses en public, c’est un peu intime, non ? Qu’un enquêteur puisse appeler des femmes inconnues pour leur demander à quelle fréquence elles jouissent et dans quelles positions, et que celles-ci trouvent parfaitement normal de répondre, cela m’a semblé, l’espace d’un instant, témoigner d’un monde totalitaire. C’est mon côté vieux jeu, j’aime les secrets. Et puis, une copine m’a dit que nos mères s’étaient battues pour qu’on ait des orgasmes quand on veut – si on veut, et tout autant pour qu’on puisse les raconter à la télé. Ça m’a fait réfléchir. En plus, si on veut se cacher, ça veut dire qu’on fait des trucs cochons alors que pas du tout.
Pour toutes celles qui souhaitent optimiser leur recherche du plaisir, l’enquête de l’IFOP fourmille d’informations précieuses.[access capability= »lire_inedits »] On y apprend par exemple que la position de la levrette, pratiquée par 71 % des sondées, ne les amène à un orgasme que dans 56 % des cas. Un tel gaspillage d’énergie érotique est intolérable. Il faut donc espérer qu’à la prise de conscience succédera le sursaut. En effet, seule une mobilisation de toutes les énergies, publiques et privées, permettra de rattraper le retard français. Il serait étrange que l’État se souciât de ce que nous mangeons, de l’exercice physique que nous pratiquons et qu’il se désintéressât de la façon dont nous forniquons. Il faut, sans tarder, combler les vides juridiques, répondre aux nouveaux besoins, inventer l’orgasme de demain. Déjà l’ONU a décidé de faire du 21 décembre « La journée internationale de l’orgasme » – en réalité, cette initiative n’émane pas de l’ONU mais de deux plaisantins américains –, cela prouve bien que désormais, en matière d’orgasme, on ne laissera rien au hasard.
En attendant, il est surprenant que nos féministes, qui viennent de remporter une éclatante victoire avec l’abrogation de la taxe tampon, ne se soient pas encore emparées de cette grande cause. Car enfin, l’inégalité d’accès à l’orgasme est un scandale. Il faut que cela cesse ! Je pense, bien sûr, à l’inégalité entre les femmes révélées par l’IFOP. Mais, ce qui est plus grave encore, c’est l’inégalité entre les hommes et les femmes. Accepterons-nous longtemps que les uns jouissent presque sur commande quand, comme disait Brassens, « quatre-vingt-quinze fois sur cent, la femme s’emmerde en baisant » ? Orgasme pour tous !
Bien sûr, des esprits tordus pourraient se demander s’il n’existe pas un lien entre la faiblesse française en matière d’orgasme et la vigueur du féminisme français. Mais ce serait atrocement vulgaire.[/access]
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