« La vague macronienne fait exploser les familles politiques », ai-je entendu. L’expression « famille politique » s’est installée de longue date dans le vocabulaire des hommes politiques et des commentateurs. Elle est totalement impropre et comme telle, forcément intéressante. Et comme toujours avec les faux amis, il faut se poser la question : si « parti » se dit « famille », comment dit-on « famille » ?
Allégeance obligée
On convoque la notion de « famille politique » quand on veut lancer un appel à l’unité ou suggérer que cette unité existe par-delà les désaccords. C’est le vocabulaire du sang et du cœur. Ainsi, rompre avec sa « famille » serait une véritable trahison : le mot condamne par avance les défections et les aventures personnelles. Famille sonne alors comme « mafia », avec une idée d’allégeance obligée. Et tant que chacun entend demeurer au sein de la famille alors que tout le monde se bouffe le nez, on dit : nous sommes une famille, il est normal d’avoir des divergences au sein d’une famille.
Oui mais.
Nous ne sommes plus au temps des Romains, où l’on mêlait allègrement filiation et politique: au temps où Claudius, de famille noble, demandait à un roturier de l’adopter afin d’obtenir le droit de se faire élire tribun de la plèbe (et se rebaptisait Clodius pour faire plus peuple) ; au temps où Octave qui se proclamait « fils du divin », était en réalité le fils de la nièce de Jules César, son grand-oncle donc, qui l’avait adopté. Dans l’élite républicaine de la Rome antique, il n’y avait de famille que politique. La famille politique devenait la famille.
Laissant de côté le cas spécifique de la transmission dynastique du pouvoir royal, on peut constater, dans notre propre système républicain, une situation qui est exactement l’inverse de la pratique romaine : le problème des Le Pen et, par extension du FN, réside précisément dans cette imbrication du biologique et du politique, qui transforme toute divergence idéologique en enjeu affectif. La famille devient la famille politique…
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