A l’ère de la post-vérité, un récit commun unifié par la Raison n’est plus possible. Les réseaux sociaux devaient être les outils d’émancipation de l’individu connecté. Hélas, ce Far West virtuel est livré aux fabricants de bobards et aux minorités lyncheuses. Les Etats n’arrangent rien en tranquant la haine et les « fake news » au nom du Bien…
C’est un changement insidieux, qu’on ne voit pas opérer et qu’on peine à décrire. Il ne se manifeste pas par des événements susceptibles de nourrir des « unes » et des « éditions spéciales », mais par une foultitude de petits faits. Le plus inquiétant est que les Français ne le mentionnent jamais parmi leurs sujets d’inquiétude. Nos libertés les plus fondamentales sont menacées, à commencer par celle de penser et de publier nos pensées – l’une n’allant pas sans l’autre et les deux étant la condition de toutes les autres. Et soit nous ne le voyons pas, soit nous le voyons et nous nous en fichons, plus soucieux de vivre riches, ou en tout cas de parvenir à un niveau estimé « normal » de consommation, que de vivre libres. La perte de notre autonomie intellectuelle nous importe moins que celle de notre pouvoir d’achat, devenu le critère de la vie bonne à tous les échelons de la société. En somme, nous n’écrivons plus le nom « Liberté » que sur nos cahiers d’écolier. Et il n’y aura bientôt plus de cahiers d’écolier.

Photo : Alain Pitton/NurPhoto/AFP
On dira qu’un petit tour dans une dictature nous remettrait les idées en place. Que, dans un pays où des manifestants ont pu bloquer des centres-villes 20 samedis d’affilée, le problème est plutôt qu’on peut dire et faire n’importe quoi. Bref, que ce n’est pas l’ordre, mais la pagaille qui nous menace. Sauf que la pagaille peut aussi être un prélude aux rappels à l’ordre. Certes, Emmanuel Macron ne va pas commencer à 40 ans une carrière de dictateur, mais pour Frédéric Rouvillois, lorsqu’il s’agit de restreindre la liberté de manifester, fût-ce au nom de ce bien commun qu’est l’ordre, la main du président ne tremble pas assez.
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Toutefois, c’est la liberté d’expression, prise en étau entre un nombre croissant de restrictions législatives et le politiquement correct, qui est aujourd’hui la plus en péril. Les attaques sont menées à plusieurs niveaux : par de multiples associations qui
