Fahrenheit 49.3

« Intoxiquée à la bienveillance, l’espèce humaine finira par être incapable d’affronter l’adversité ».


Fahrenheit 49.3
Paris, 28 mars 2023 © Arina Lebedeva/TASS/Sipa

L’agitation que connait la France n’est pas seulement la énième bataille des retraites, mais l’aboutissement d’un long délitement. Alors que le divorce semble consommé entre les Français et le pouvoir, le récit dominant dans les médias, c’est que tout est de la faute de Macron. En réalité, nous sommes tous responsables de l’état calamiteux du pays, les gouvernants qui ont vendu des illusions, et les gouvernés qui les ont achetées avec enthousiasme.


« Crise » est trop vague (même quand on y ajoute « de régime »), « agitation », trop faible, « révolution », inadapté (ou prématuré). En vérité, on ne sait à quel mot se vouer. Personne n’a trouvé la martingale sémantique qui raconterait le chaudron français. Peut-être parce que, comme l’a dit, je ne sais plus qui, l’histoire nous présente en même temps toutes les factures de quarante ans de choix collectifs calamiteux.

Doit-on parler pudiquement des « événements », comme en mai 1968 ou aux débuts de la guerre d’Algérie, de la « situation », comme des proches du président cités dans un quotidien ? Une chose est sûre, la France est une cocotte-minute, chacun semblant avoir un compte personnel à régler avec le pouvoir. Depuis deux mois, la contestation bat le pavé, des trains sont annulés, des classes fermées, des facs bloquées, y compris Assas et Paris-Dauphine qui a connu la première grève de son histoire. Les rues de la capitale (et d’autres cités), jonchées de montagnes de détritus, ont pris un air encore plus désolé que d’habitude. Les touristes ont fui nos villes transformées en territoires hostiles.

Le nouveau numéro de “Causeur” est en vente aujourd’hui dans la boutique en ligne, et demain chez votre marchand de journaux. En une de notre numéro 111, Emmanuel Macron, Eric Ciotti, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, emportés par la foule © Causeur

On a aussi découvert que les Français étaient très à cheval sur le rôle du Parlement. Soixante millions de constitutionnalistes pointilleux se sont étranglés de rage après l’annonce du recours au 49.3, érigé en symbole de la surdité du pouvoir et du débat confisqué – confiscation très théorique quand, depuis des semaines, nous ne parlons que de ça. Un rassemblement sauvage s’est invité place de la Concorde, à un jet de pavé de l’Assemblée nationale. Certains y ont vu un quasi-remake de février 1934, d’autres, une représentation de la décapitation du roi. À Paris et dans d’autres villes, des jeunes gens très à cran sur leurs vieux jours ont joué au chat et à la souris avec les


Article réservé aux abonnés
Pour lire la suite de cet article et accéder à l'intégralité de nos contenus
Formule numérique dès 3,80€
Déjà abonné(e)  ? Identifiez-vous

Avril 2023 – Causeur #111

Article extrait du Magazine Causeur




Article précédent Tous pour rien
Article suivant Ainsi parlait Célestine. Ou Greta, Manès, Maya…
Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération