Très médiatisée, l’évacuation de la Sorbonne historique en avril dernier a donné l’impression que la situation était sous contrôle.
Mais « en Sorbonne » (ou « dans la Sorbonne-mère »), se tiennent quasi uniquement les colloques et les conférences, ainsi que les séminaires de Master et Doctorat. Peu de filières fréquentent le bâtiment dès le niveau licence. Le blocage n’était pas bon pour l’image touristique du lieu et nuisait à la réputation internationale de la noble institution. Il fut donc promptement levé au bout de quelques heures, manu militari :
En revanche, les sites de Clignancourt et de Malesherbes, où sont délivrés les enseignements de licence pour la plupart des filières sont, quant à eux, depuis des semaines, ballottés entre « AG », « blocages », « occupations » et « fermetures pour raison de sécurité » (à l’initiative de la direction ou de la préfecture, selon les jours), dans l’indifférence générale.
« C’est parce que la sélection naturelle t’a oublié que tu veux imposer la sélection sociale aux autres ? »
Ce qui surprend, justement, c’est le décalage entre cette indifférence et l’importance que les activistes prêtent à leur mouvement. S’informant uniquement par les réseaux sociaux, ils vivent en vase clos. Communiquant essentiellement avec d’autres révoltés, ils se donnent l’illusion du nombre et ne se rendent pas compte que bien des gens ignorent jusqu’à l’existence de leur mouvement.
Ils ont l’insulte facile et il ne s’agit pas de s’en faire des ennemis : un opposant au mouvement qui demandait la levée des blocages en vue des partiels s’est ainsi vu rétorquer sur Facebook : « c’est parce que la sélection naturelle t’a oublié que tu veux imposer la sélection sociale aux autres ? ».
Des « étudiants » de 37 ans
La loi ORE ne constitue plus, depuis longtemps, le motif central de leur mobilisation. La ZAD de Nantes, le statut des cheminots, l’éradication du sexisme et du racisme, la « convergence des luttes » et même la « refondation intégrale du système scolaire » sont devenus les mots d’ordre dominants pour ces excités groupusculaires.
L’UNEF peine à s’imposer et cède du terrain à la CGT, très présente : de véhéments orateurs intervenant aux AG peuvent se prétendre étudiants de L1 (et peut-être le sont-ils), on a peine à croire qu’ils aient obtenu leur bac il y a un an… L’une des personnes les plus actives dans la défense du mouvement sur la page Facebook de la faculté de Lettres est un certain Mehdi B., âgé de 37 ans, élu CGT au Conseil d’Administration de la Sorbonne pour le collège des BIATSS (personnel d’entretien, bibliothécaires, employés de l’administration, etc.). Autant dire que son avenir professionnel ne serait pas mis en jeu par l’annulation des partiels.
Il y a encore une dizaine d’années, les mouvements étudiants tiraient leur dynamique d’une forme de soutien collectif unissant ceux qui « comprenaient les revendications » à ceux qui participaient activement aux actions. La rupture est consommée : les sites de Malesherbes et Clignancourt, comme les autres facultés bloquées en France, sont actuellement tenus par des groupes très minoritaires, radicaux et ultra-idéologisés. Ainsi, le blocage du site de la Sorbonne boulevard Malesherbes vient, au moment où j’écris ces lignes, d’être reconduit jusqu’au samedi 12 mai par… 123 voix pour et 28 contre ! L’AG est souveraine, comme ils disent. Il faut dire que les AG…
Démocratie populaire
Les premières comptaient des centaines d’étudiants. On promettait une démocratie exemplaire et qu’un vote entérinerait toute décision : le blocage, bien sûr, mais aussi l’extension des mots d’ordre de la lutte, le contenu et la diffusion des communiqués, et jusqu’au fait de redonner ou non la parole à untel qui s’est déjà exprimé ! L’AG dure 4 heures et à la fin, on ne vote plus sur rien. Les dates de la prolongation du blocage semblent sorties d’un chapeau et, alors même qu’un gros tiers de l’assemblée vient de voter contre la poursuite du mouvement, l’AG se clôt sur un cri de victoire : « nous sommes 500 dans cet amphi ! 500 opposants à Macron et à sa politique ! » Venir à l’AG, c’est donc déjà cautionner la cause. Les opposants ont compris, ils ne vont plus aux AG.
L’administration ayant proposé un vote électronique (dont le résultat est largement en faveur de la reprise des cours), les partisans du blocage dénoncent…
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