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Facebook-Mayflower, même combat


Photo : dfb

Facebook, on le sait déjà, révéle la formidable blessure narcissique dont souffre l’homme occidental depuis qu’un juif viennois, un certain Freud, lui a indiqué qu’il n’était pas maître et souverain de lui-même et qu’il avait un inconscient. Alors, pour retrouver la toute-puissance qu’il croyait avoir enfant, il se surexpose en espérant redevenir le centre d’intérêt du monde entier grâce à des amis virtuels qui s’extasieront sur le moindre petit événement de sa vie[1. On lira à ce propos Enjoy de Solange Bied-Charreton (Stock) dont Isabelle Marchandier a rendu compte dans nos colonnes.].

On savait aussi que ce réseau social est potentiellement le meilleur allié des recruteurs humanistes et autres chasseurs de têtes qui n’ont plus besoin d’entretiens compliqués puisqu’ils peuvent aller se servir à une source où le gibier indique de lui-même s’il est à poil ou à plume. Facebook représente aussi ce qu’aucune police politique ou service de renseignements n’auraient osé imaginer : une population qui représente un état de plusieurs centaines de millions d’habitants qui s’auto-fichent joyeusement et ajoutent un chapitre aussi inédit qu’inattendu au Discours de la servitude volontaire de La Boétie.

On avait aussi oublié que Facebook était la création d’un adolescent étasunien, c’est-à-dire ce qui peut se faire de pire en matière d’explosion hormonale impitoyablement refoulée par les fantômes des pèlerins du Mayflower. C’est d’ailleurs l’alchimie hypocrite d’une pornographie virtuelle abjecte et d’une vie réelle fondée sur la misère sexuelle des dépucelages obligés sur les banquettes arrière des bals de fin d’année qui explique que le serial killer soit d’abord, à l’origine, une spécialité américaine comme vous l’expliquerait très bien Robert Ressler, l’agent du FBI qui fut le pionnier du profilage. Et l’exemple même de ce puritanisme parpaillot délirant et schizophrène vient de frapper de nouveau sur Facebook : il y a désormais interdiction de la représentation de l’allaitement maternel dans les albums photos des utilisateurs. Sonia Flynn, une des responsables de Facebook justifie ainsi l’interdiction : « Nous sommes d’accord, l’allaitement maternel est quelque chose de naturel, et nous sommes fiers que de nombreuses mères choisissent de partager cette expérience sur Facebook. Cependant nos règles sont basées sur les mêmes standards qui s’appliquent pour la télévision et les journaux, et elles sont conçues pour répondre au besoin d’une communauté de 845 millions de membres qui inclut des utilisateurs de 13 ans ». Je me trompe peut-être mais je ne vois pas comment une mère allaitant son enfant peut en quoi que ce soit éveiller la libido de qui que ce soit. Sauf cas pathologique. Et c’est l’aîné de deux sœurs qui vous le dit.

A moins que ce ne soit mon inconscient scandaleusement catholique qui fasse que je me hérisse devant cette dernière hypocrisie facebookienne, presque aussi monstrueuse et pinailleuse que ne le fut le code Hays pour le cinéma à Hollywood. Hays, ce sénateur qui fit régner les censures de toute sortes pendant trente bonnes années, jusqu’au milieu des sixties : il ne voulait pas voir de poitrines dénudées, de relations interraciales, de relations homosexuelles et, oh coïncidence !, proscrivait la représentation de l’accouchement, même suggérée, comme un comble d’obscénité.
Que voulez-vous, j’appartiens à une vieille civilisation. Je suis habitué à voir l’image fragile et émouvante de la vie dans ces Vierges à l’enfant du Titien, de Vinci, de Pisanello que l’on contemple dans les musées ou même, tout simplement, quand je rencontre au hasard de nos églises romanes perdues au cœur du vieux pays ces statues de bois polychromes aux seins nus, naïves et charmantes.

Je n’irai donc toujours pas m’inscrire sur Facebook puisque je ne pourrais pas avoir pour amis les primitifs flamands, les peintres de la Renaissance ou même Marx Ernst et sa célèbre Vierge corrigeant l’enfant Jésus : elle représente une mère fessant son enfant nu, ce qui pourrait me faire tomber assez vite pour masochisme et recel de pornographie infantile.
Et j’ai déjà assez d’ennuis comme ça.



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