Fabius: la Cop 21, c’est son dada


Fabius: la Cop 21, c’est son dada

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À son arrivée au quai d’Orsay, Laurent Fabius avait obtenu de François Hollande de rebaptiser l’intitulé de son ministère et d’ajouter le « développement international » aux « affaires étrangères ». De fait, le rattachement du « secrétariat d’État au commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des français de l’étranger » aux dépens de la citadelle de Bercy a donné à son poste une dimension inédite.

Après deux ans de tentatives plus ou moins efficaces pour dynamiser les exportations françaises, le développement international du quai d’Orsay a pris un nouveau visage : l’écologie. La lutte contre le réchauffement climatique devient le dernier dada de Laurent Fabius, lequel n’avait auparavant jamais brillé par sa fibre environnementale. À Bercy, à Beauvau, comme au ministère de l’Ecologie, ces empiétements successifs font grincer des dents. Et pas seulement pour des questions de périmètre ministériel ou de préséance.

Au printemps 2014, le ministre des Affaires étrangères définit lors du dîner annuel de La Revue des Deux mondes les objectifs majeurs de sa politique étrangère en 2015 : «  La France assurera la présidence de la conférence et beaucoup de décisions que nous allons prendre ou susciter cette année ou l’année prochaine seront dictées par cet objectif: permettre à la planète de survivre. Je ne fais pas de pathos, c’est en ces termes que le problème se pose. »

Matérialisation de ce discours, la Cop 21 représente un défi sécuritaire et financier aux résultats incertains. Placé sous l’égide de l’ONU, le site du Bourget sera « livré » à la souveraineté de l’ONU pendant la durée des négociations tandis que la sécurité et la logistique restent bien entendu à la charge du pays hôte. La quasi-totalité des délégations des 193 pays représentés à l’ONU, les milliers d’associations qui se greffent à l’événement ou qui tenteront de monter un sommet alternatif n’aideront pas à faire aboutir les négociations. Dans Le Monde du 1er juin, la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal tape comme à son habitude dans la fourmilière: « Les négociations de l’ONU sont totalement inadaptées à l’urgence climatique. En privé, tout le monde le dit, tout le monde en est parfaitement conscient, mais la lourdeur du processus est telle qu’il se poursuit comme si de rien n’était. (…) les négociateurs, qui sont là depuis 15, voire 20 ans, vont continuer leur folklore. Vous retrouvez des centaines de personnes devant leur ordinateur, en train de discuter un point du texte entre crochets ou de jouer aux mots croisés ! »

En marge de l’événement, le collectif interministériel avait prévu tout un programme associatif, festif et culturel dans la capitale. Une grande campagne de communication a été lancée pour culpab…, pardon, sensibiliser l’opinion : « plus tard il sera trop tard », « nous ne pourrons pas dire à nos enfants que nous ne savions pas ».

Une telle générosité se révèle d’autant plus exemplaire que la France était la seule candidate pour accueillir ce nouveau sommet de la Terre. Mais l’été dernier les yeux ont commencé à s’ouvrir et les diplomates ont tiré la sonnette d’alarme. Avant même de chiffrer le coût de la lutte contre le réchauffement climatique, le quai d’Orsay cherchait un budget pour financer les réunions de travail préparatoires à Bonn. Une paille quand on songe aux milliards promis chaque année pour sauver la planète. Les pays en développement qui profitent du sommet environnemental pour solliciter l’aide des pays riches vont-ils encore pouvoir encaisser les dividendes du réchauffement climatique? Rien n’est moins sûr. Mais pour Laurent Fabius c’est clair : la barre des 100 milliards de dollars promis en 2009 à Copenhague doit pouvoir être atteinte.

Trop chères, trop stériles, les grandes conférences onusiennes ont prouvé leur inefficacité depuis des années. Le principe des conférences onusiennes « un pays, une voix » donne un pouvoir équivalent à Vanuatu et à la France. Rio, Kyoto, Copenhague, Durban, Marrakech, Varsovie, Lima, la liste est longue des 21 conférences climat et de leurs communiqués historiques. Les engagements à l’horizon 2050 et 2100 avec des objectifs « chiffrés et contraignants » dont la responsabilité reposent sur la bonne volonté des successeurs des contractants.

« Il faut évidemment que les dispositions sur lesquelles nous allons nous mettre d’accord se traduisent dans les faits » prévient le chef de la diplomatie française, se sentant obligé d’ajouter « ce n’est pas une discussion politique en l’air ». Mais dans le Financial Times, John Kerry a très vite douché les espoirs de Laurent Fabius : pour le secrétaire d’Etat américain, jamais Washington ne se soumettra à des objectifs « de réduction juridiquement contraignants ». La souveraineté américaine ne se plie pas à une quelconque justice ou tribunal international même écologique.

Les massacres du 13 novembre ont un temps remis en question la tenue de cette conférence climat à Paris. « La France est en guerre« , l’état d’urgence est décrété. Les concerts sont annulées, les réunions publiques interdites car susceptibles de troubler l’ordre public. Les forces de l’ordre sont entièrement absorbées par la lutte antiterroriste. Mais annuler la Cop 21 serait rien moins qu' »abdiquer face au terrorisme. » Cette conférence va donc mobiliser une bonne moitié des forces mobiles pourtant engagées dans la lutte contre l’islamisme radical. Si l’exécutif a décidé de maintenir coûte que coûte l’organisation de cette conférence, il faut peut être chercher l’explication au-delà des simples motivations environnementales François Hollande est réputé pour son habileté politique et sa fine connaissance des scrutins. Le choix de placer les régionales au beau milieu de la Cop 21, à la mi-décembre, n’est pas anodin. La droite avait d’ailleurs exigé une autre date, estimant que la campagne en serait troublée. Devant la nouvelle défaite socialiste qui s’annonce, la conférence mondiale sur le réchauffement climatique tombe en effet à pic. Elle devrait permettre au président d’esquiver le bilan de sa décentralisation et de prendre de la hauteur en s’emparant d’un sujet consensuel et « sympa ». Puisque maintenir la Cop, c’est faire la nique à Daech, Hollande reste le chef de guerre qui protège la France tout en tentant de sauver la planète. Hollande, Fabius et Royal comptent bien surfer sur la vague écolo mondiale pour enjamber la déroute électorale. Rester camper sur le piédestal de l’union sacrée, dépolitiser les élections régionales et amoindrir les conséquences d’une raclée annoncée, voilà le programme.

*Photo: Sipa. Numéro de reportage : 00732807_000009.



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est responsable des questions internationales à la fondation du Pont neuf.

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