Fabien Roussel, le candidat du Parti Communiste, a eu une pensée pour les paysans qui s’échinent à perpétuer la tradition culinaire française, et élèvent veaux, vaches, cochons et couvées au lieu de faire pousser du quinoa. Quel crime abominable !
Fabien Roussel a donc trahi l’idéal de gauche, qui comme Sandrine Rousseau, l’égérie des jobards, l’a fait remarquer, se situe du côté du couscous. En une petite phrase, à en croire les phares de la pensée woke, il est passé à l’extrême-droite. D’ailleurs il est salué par Natacha Polony (et par son colistier, Perico Legasse, dans le dernier numéro de Marianne), preuve s’il en fallait qu’il est passé à l’ennemi…
Qu’a dit le secrétaire général du PCF : « Un bon vin, une bonne viande, un bon fromage : c’est la gastronomie française. Le meilleur moyen de la défendre, c’est de permettre aux Français d’y avoir accès. » Une « trilogie du goût » que Libé, par la voix autorisée de Daniel Schneidermann, juge « franchouillarde et excluante ». Péché mortel. Fabien Roussel est « un drôle de coco », dit l’Obs. Georges Marchais is back !
On mesure l’effroi des islamo-gauchisto-végano-transsexuels, qui résident tous dans des centre-ville boboïsés, et ne connaissent de la campagne qu’un vague paysage peint en vert des deux côtés de l’autoroute. La viande, c’est très mal, le vin n’est pas hallal et de surcroît il offense la loi Evin, le « bon fromage » n’est même pas pasteurisé et contient des germes inquiétants.
Les germes de l’extrême-droite apparemment.
Dans les années 1950, Roland Barthes avait analysé ce que le vin et la viande avaient non seulement de très français, mais de « mythologique » : les buveurs de sang (un bon steak est saignant, voire bleu) et les amateurs de picrate communient — c’est le cas de le dire — avec les forces archaïques qui ont bâti la France rurale et fourni à manger aux générations successives dont nous sommes issus. Derrière Fabien Roussel se profilent les chasseurs de la préhistoire et les invités des noces de Cana, où le Christ inaugura la longue série de ses miracles en transformant de l’eau en saint-julien 1985. Le candidat communiste renoue avec le Midi rouge des années 1900, quand Clemenceau envoyait la troupe mater les ardeurs révolutionnaires des vignerons languedociens.
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C’est peut-être juste une stratégie, mais elle n’est pas stupide. Évidemment, elle chante juste aux oreilles de tous ceux qui défendent les terroirs contre l’industrialisation, et l’entrecôte persillée contre les horreurs molles de McDo. Et elle horrifie les autres.
Ajoutez à ça que Fabien Roussel défend avec raison la filière nucléaire, qu’il ne déteste pas les chasseurs et qu’il communique avec Sonia Mabrouk, horresco referens, et vous constituez le portrait-type de ce qu’un écolo-gauchiste doit haïr. Depuis qu’elle est noyautée par les gauchistes, la gauche renoue avec les exclusions des années 1970, quand tout ce qui n’était pas dans la ligne d’un groupuscule ou d’un autre était automatiquement rejeté de l’autre côté. C’est ainsi que l’on en arrive à peser pour moins de 20% des voix, camarades.
Nous qui nous efforçons, bien sûr, d’avoir une attitude politiquement correcte, nous nous interrogeons. Le steak n’est pas haram, ni le cassoulet ou la choucroute. Ni la daube ou le bourguignon. Le gros rouge qui tache non plus. Les fromages qui puent, pas davantage. Les chasseurs sont à vouer aux gémonies, tant pis si les sangliers dévastent les cultures. L’énergie nucléaire est sale, couvrons la France d’éoliennes…
Quant à vos certitudes sur le fait que vous êtes un homme ou une femme, j’espère que vous savez qu’elles sont surannées. Et J.K. Rowlings est une sacrée salope, qui croit qu’une femme est dotée d’un utérus et a des règles. En Angleterre, un établissement scolaire qui avait choisi de donner son nom à l’un de ses bâtiments s’est empressé de le débaptiser. C’est la contradiction interne des groupuscules : à force d’exclure, il ne reste plus personne.
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Ce qui me chagrine le plus, c’est de constater que les médias de gauche passent sous silence la deuxième phrase de Roussel : le meilleur moyen de défendre la gastronomie française, « c’est de permettre aux Français d’y avoir accès ». La gauche s’est tellement encroûtée dans la boboïtude qu’elle ignore désormais que cinq millions de Français sont au chômage, et que la moitié de la France vit avec moins de 2000€ par mois. Vu le prix des loyers, que reste-t-il pour s’offrir « un bon vin, une bonne viande, un bon fromage » ? À 50€ le kilo de filet de bœuf (et autant pour une dorade de ligne), 30€ pour un petit margaux, et 8,50€ pour un camembert de Marie-Anne Cantin, combien coûte un repas pour quatre personnes ?
Il ne s’agit plus de permettre à chacun de se nourrir. Il faut permettre à chacun de renouer avec l’excellence alimentaire. Je voterai pour le candidat qui mettra sur la table de quoi satisfaire les papilles de tous ceux qui depuis des années sont contraints de bouffer de la merde, comme disait le regretté Jean-Pierre Coffe. L’excellence sur la table de la cuisine — et pas seulement chez Taillevent ou au Grand Véfour.
Pagnol (dans Topaze) remarquait qu’un changement de régime alimentaire change un homme, et lui donne de l’ambition. Nous avons été enkystés depuis des lustres dans une alimentation de subsistance, et une résignation à tous les diktats. Il faut redonner aux Français le goût de la table et le goût des beaux vêtements « made in France ». Le goût de la liberté.
Je ne vais peut-être pas voter pour Fabien Roussel tout de suite. Mais je voterai pour qui me promettra la lune — parce que seule la lune me fait vraiment rêver.
Ah — et une école qui amène chacun au plus haut de ses capacités. Et pas seulement les élèves du lycée Henri-IV et du Vème arrondissement réunis.
Cet article a été modifié le 24 janvier NDLR
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