Henri Weber, un notable éclairé du PS, qui fut dans sa jeunesse un militant révolutionnaire écrit dans Libération : « L’extrême gauche et l’extrême droite diffèrent radicalement par leur idéologie, leur projet, leurs valeurs. La première partage l’idéologie humaniste des Lumières et de la Révolution française : liberté, égalité, solidarité, droits de l’homme, démocratie… Mais elle pèche par excès : par ultra-démocratisme, ultra-volontarisme, ultra-rationalisme. Elle veut la démocratie directe et non la démocratie parlementaire, l’égalité des conditions, non l’égalité des chances et des droits. Elle croit que la volonté suffit à surmonter les difficultés et ne tient aucun compte des contraintes objectives et des rapports de force qui s’opposent à la réalisation de son idéal émancipateur. Mais au fond, l’extrême gauche relève de la même idéologie que la gauche, c’est d’ailleurs pourquoi l’une et l’autre peuvent s’allier aisément. »
L’extrême gauche révolutionnaire qui imposa des années de plomb à l’Europe de sa (de notre) jeunesse sous la formes des Brigades rouges en Italie, de la Fraction armée rouge en Allemagne ou des Autonomes en France ne diffèrerait donc pas de la gauche par ses valeurs, par son idéal émancipateur ? Elle serait seulement une gauche qui veut réaliser pour de vrai les idéaux de la gauche de gouvernement ?
On croirait entendre Don Diègue s’adressant au Cid « Ma jeunesse revit en cette ardeur si prompte ». Moins cornélien, Henri Weber prêche le calme et le principe de réalité à ces jeunes dans lesquels il voit le vivier de la gauche demain. Il les assure que sur le fond, ils sont en totale connivence.
Entre la jeunesse trotskiste d’Henri Weber et son adhésion au PS, il n’y aurait donc pas eu de rupture ? Il n’aurait donc jamais viré sa cuti , en passant de la révolution contre la démocratie libérale à la défense et à la gestion loyale de cette même démocratie?
Il a bien raison de rappeler que les révolutionnaires d’extrême gauche sont souvent devenus des défenseurs de la démocratie libérale qu’ils avaient dénoncée avec véhémence. Mais il a bien tort d’oublier que la même chose est arrivée à des militants d’extrême droite de son époque, de notre époque.
Il commet surtout la faute de se faire piéger par le mot extrémisme, qui est un mot trompeur.
En réalité, les valeurs de la droite révolutionnaire ne sont pas les valeurs de la droite civilisée simplement poussées à l’extrême.
De même, les valeurs de la gauche révolutionnaire ne sont pas celles de la gauche civilisée simplement poussées à l’extrême.
Ces révolutionnaires de gauche ont beau se croire les héritiers des Lumières et les adeptes de la liberté, leur idéologie en est l’ennemie mortelle.
La preuve n’est plus à faire que les révolutions de gauche comme de droite contre les sociétés libérales ont entraîné la mise à mort des droits de l’homme, de la liberté de pensée, de la liberté d’entreprendre, de l’État de droit, bref, de ce que nous avons de plus précieux.
Je peux comprendre l’indulgence grand-paternelle pour la personne de ceux qui reproduisent nos folies avec un demi-siècle de retard.
Mais je refuse toute complaisance envers leurs idées, car il n’y a pas de continuité idéologique possible entre les défenseurs de la démocratie libérale et ses ennemis
Après tout, chers responsables socialistes, pourquoi ne feriez-vous pas –enfin !- votre congrès de Bad-Godesberg?
Simplement à cause de votre nostalgie, camarades ?
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !