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Méfiez-vous de l’extrême-centre…

Et si les extrêmes n'étaient pas ceux qu'on croit ?


Méfiez-vous de l’extrême-centre…
Emmanuel Macron et Chsritophe Castaner défilent à côté des Champs-Elysées, 2 décembre 2018. SIPA. AP22277548_000015

Et si les extrêmes n’étaient pas ceux qu’on croit ? Et si les extrêmes étaient ceux qui qualifient les autres d’extrêmes ? Et si les extrêmes, c’était le centre ?


– Oh tu sais, on n’a pas le choix, on est obligés de voter pour Macron.

– Ah bon ? Mais pourquoi ?

– Mais parce que sinon il n’y a plus que des partis extrémistes !

Le constat est sans appel. La rhétorique de La République en marche a réussi à laver les cerveaux en radicalisant de façon factice le choix politique : le centre ou les extrêmes. Macron ou le chaos, comme ils disent. Avec un tel discours, plus de débat possible. Plus d’alternative. Les centristes sont au pouvoir, et pour longtemps. Mais au fait, et si les extrémistes, c’était eux, les centristes ?

Gauche-droite, ça n’oppose plus

Historiquement, le centre a fait son fonds de commerce de l’opposition gauche-droite, cristallisée autour de marqueurs comme la lutte du libéralisme contre le conservatisme, du socialisme contre le capitalisme, entre Jacquot le pauvre ouvrier et Jean-Edouard, le riche bourgeois « tradi ». Se voulant au-dessus de la mêlée, le centre serait le consensus, le rassemblement et la mesure, à l’opposé des idéologies, réservées à la gauche ou à la droite, partis qui, n’étant fatalement pas au centre, compteront des extrémistes aux marges de leurs troupes.

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Cependant, la chute de l’URSS et la victoire de la démocratie libérale rendent caduque cette traditionnelle opposition. Les marqueurs de confrontation ne se polarisent plus sur la lutte des classes, mais sur un rapport à la mondialisation et l’accélération du monde, de la science, des flux de population, avec un déclassement politique et économique de la France. Le marqueur, à présent, est le suivant : la réponse à ses défis passe-t-elle par plus d’ouverture de frontières, de multiculturalisme, d’intégration européenne ? La France Etat-nation souverain n’est-elle plus capable d’assurer notre avenir ?

Gauche-droite, ça rassemble

Demandons à Jacquot et Jean-Edouard ce qu’ils en pensent. Jacquot a perdu son emploi. Il n’a rien contre la mondialisation, mais il trouve que les technocrates sans-frontiéristes libre-échangistes de Bruxelles ne le protègent pas beaucoup de la compétition économique internationale ou du dumping social que représentent à ses yeux ses nouveaux voisins migrants. Il veut un Etat qui le protège. Jean-Edouard, lui, pense que la France, historiquement et culturellement, ce n’est pas si mal. Il est attaché à sa culture et ne voit pas pourquoi il devrait l’abandonner pour un communautarisme multiculturel, surtout quand il voit ce qu’il se passe chez ceux dont il faudrait laisser place aux pratiques chez lui. Tous les deux se rejoignent : oui, la France, Etat-nation souverain qui a fait ses preuves dans le tumulte de l’Histoire, peut défendre leurs intérêts. Elle représente même un atout dans le concert européen et mondial.

Face à eux, il y a Manu, le centriste. Urbain et mondialisé, il leur répond que non, oublions le passé, la France doit être remplacée par une « start-up nation » incorporée dans une Europe fédérale gouvernée par des experts. Que le multiculturalisme, c’est super, que les frontières, c’est nul.

En Italie, l’électeur de gauche (mouvement 5 étoiles) et celui de droite (Ligue du Nord) se sont rejoints pour voter Salvini. En France, les citoyens de gauche et de droite ont sorti leurs gilets jaunes de la boite à gants pour défiler ensemble. Aujourd’hui, là où les nouveaux marqueurs politiques rassemblent l’électeur de gauche et celui de droite, le « centrisme », cette nouvelle idéologie, ne se trouve plus au centre, force de consensus, mais bel et bien à une extrémité du clivage politique, avec ses extrémistes.

Manuel de l’ultra-centriste

D’ailleurs, qu’est-ce que l’extrémisme ? C’est une doctrine dont les adeptes refusent toute modération ou toute alternative à la leur. Les actions extrémistes ont pour but un changement radical de la société. Au regard de cette définition, sur de nombreux aspects, le « centrisme » aujourd’hui est extrémiste. Lors de votre prochain diner mondain, si vous croisez un « centriste », amusez-vous à le taquiner en le traitant d’ultra-centriste. Au menu, voici quelques arguments :

Déshumanisation

En guise de mise en bouche, commencez en douceur avec l’argument de la « déshumanisation » des adversaires. La rhétorique centriste repose sur la dénonciation des extrêmes. Ils voient des extrémistes partout. Exemple : les gilets jaunes manifestent ? Attention, c’est le retour de la « peste brune » (Darmanin). Parler ainsi de ses adversaires, c’est extrémiste. Rien de tel que de déshumaniser son adversaire pour refuser tout débat et rejeter ses idées. On se souvient de Sartre, grand promoteur du communisme, idéologie non moins extrémiste : « Tout anti-communiste est un chien. »

Déni

Ensuite, ajoutez un zest de « déni ». En effet, quoi de plus extrémiste que quelqu’un qui est dans le déni de la réalité ? On a Macron par exemple avec son fameux « la culture française n’existe pas », ou la délicieuse réduction de la présence française en Algérie à un « crime contre l’humanité ». Un autre exemple de déni ? Gérard Collomb, qui avait ouvert les yeux lors de son départ du ministère de l’Intérieur en nous avertissant sur le risque de séparatisme communautaire : « Aujourd’hui on vit côte à côte… Je crains que demain on vive face à face. » Appel non entendu. Pour relever ce défi, Macron nomme Castaner, le plus communautariste de ses ministres, en total déni de réalité. Pour rappel, le génial Castaner, c’est celui qui a relativisé le motif religieux des attentats islamistes, « au nom de l’islam, certains ont des comportements assassins, mais, évidemment, ça n’a rien à voir avec ce qu’est la religion de l’islam, qui est une religion de bonheur, d’amour, comme la religion catholique » : pas de pot, rien à voir avec la religion, ces attentats auraient tout aussi bien pu être l’œuvre de catholiques ou de bouddhistes radicaux. Et de renchérir plus tard, à propos du voile islamique, « il y a quelques années, quand en France, y compris nos mamans portaient un voile, portaient le voile catholique, on ne se posait pas la question. » Circulez, il n’y a rien à voir. Au royaume des autruches, il y a des centristes rois…

Violence

Là, il est temps d’attaquer le plat de résistance, avec un truc un peu plus piquant. Et si on osait l’argument de la violence ? Car quoi de plus violent qu’un extrémiste ? On passera vite fait sur les barbouzes, façon Benalla, dont notre président a eu du mal à se détacher des services, pour aborder une violence plus sournoise, la violence médiatique face aux opposants, muselant les voix alternatives. Exit de la puissante centro-sphère médiatique tous les dissidents : Zemmour, Onfray, Taddeï en ont déjà fait les frais… Quelques petites lois « anti fake-news » permettront bien de trouver des motifs d’accusation contre les derniers récalcitrants et de leur clouer le bec !

Méfiance

Tant qu’on est dans les fake news, on pourra ajouter une petite pincée de populisme. En effet, autoritarisme et extrémisme ont toujours fait bon ménage. Or, aujourd’hui, que nous dit le centrisme ? Qu’il faut se méfier de la volonté du peuple, forcément populiste, manipulée par les fake-news. Si on laisse la démocratie s’exprimer, le peuple voter, il votera mal : voir comment Macron a reproché à demi-mots aux Italiens d’avoir mal voté pour Salvini. Quant au sujet des migrants, alors que la majorité des Européens se déclare favorable à un contrôle, voire à l’arrêt de l’afflux, les centristes refusent tout référendum sur la question, répétant que l’on ne peut rien faire et qu’il faut toujours plus d’intégration européenne pour gérer la situation, plus de pouvoir des technocrates de Bruxelles qui, on le sait ont été élus démocratiquement et n’ont pas brillé dans le domaine… Bref, aujourd’hui, le centrisme se méfie de la démocratie, pour lui préférer des institutions européennes gouvernées par des lobbies.

Division

On pourra ensuite servir une bonne louche de « division ». La division ? Oui. La ritournelle des ultra-centristes, c’est qu’ils rassemblent, alors que les autres, les extrémistes, divisent, en « stigmatisant » tel ou tel pan de la société. Mais quelle entourloupe ! Déjà, systématiquement qualifier d’extrémistes ses opposants, ce n’est pas très rassembleur. Mais au-delà, en tant que nouvelle force politique, le centrisme, pour s’attacher un électorat, a besoin de diviser, de casser l’existant, de provoquer un changement radical. Quoi de mieux dans cette optique que de fragmenter la société française que nous avons connue jusqu’à présent, unie autour de la nation, en une multitude de communautarismes pour s’attacher leurs votes ? Avez-vous vu comme Macron, dès qu’il le peut, au lieu de parler aux Français, s’adresse systématiquement à des communautés ou s’affiche entouré de minorités ? Cette fragmentation de la société française, les centristes essaient aussi de l’appliquer au niveau Européen, en favorisant les régionalismes pour casser les Etats, en maintenant les vannes de l’immigration ouverte pour diluer les cultures européennes, en ostracisant les dirigeants européens qui ont le malheur de souhaiter une Europe construite autour de nations souveraines et d’une identité européenne non gloubi-boulga-mondialisée.

Phobophile

Enfin, en digestif, on s’offrira une petite douceur sémantique. En effet, quoi de plus extrémiste qu’un « phobe » ? Pour la centro-sphère, tout extrémiste est taxé du suffixe « phobe » : islamophobe, europhobe, xénophobe, etc. Mais les ultra-centristes ne sont-ils pas un peu phobes eux-mêmes ? N’est-ce pas être europhobe que de réduire l’Europe à une organisation technocratique de moins en moins démocratique reniant son originalité culturelle unique au monde, riche d’une multitude de nations regroupées sur un si petit territoire ? En niant que d’autres modèles de construction européenne que celui proposé aujourd’hui par Bruxelles sont possibles ? N’est-ce pas être francophobe que de vouloir en permanence réécrire l’histoire de France en la réduisant à ses aspects les moins glorieux et à la repentance perpétuelle ? N’est pas être francophobe que de vouloir diluer un Etat-nation souverain qui a proposé au monde le modèle universel des Lumières, dans son opposé, un vague relativisme multiculturaliste et une technostructure qui essaie de se faire croire européenne ?

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On le voit, si par bien des aspects, l’opposition classique gauche-droite est devenue factice, elle est entretenue par un centrisme qui a un besoin vital de faire croire que ce vieux schéma perdure, pour mieux crier au spectre des extrêmes afin de se faire passer comme la seule force politique crédible, mais aussi masquer que l’ultra-centre, en tant qu’idéologie, est devenu lui-même extrémiste.



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