Les aphorismes du vaurien
Mes amis sont toujours surpris quand je cite le mot de Freud : « À quoi bon vivre quand on peut être enterré pour cinquante dollars ? » Il avait été frappé par cette publicité pour une entreprise de pompes funèbres à New-York. Il l’avait faite sienne.
Il est préférable d’éviter de devenir un spécialiste de quoi que ce soit. Pourquoi ? Proust répond : dès lors qu’on est considéré comme tel – de l’hérédité à la politique extérieure bulgare – on est amené à en parler toute sa vie, si l’on n’y met pas bon ordre. Ce que l’on gagne en prestige, on le perd en subtilité intellectuelle. J’ai failli tomber dans le piège avec la psychanalyse. Jusqu’à ce que je comprenne qu’il est préférable de ne se piquer de rien. Il en est de même dans la vie sentimentale: la fidélité, si légère à ses débuts, devient vite un poids qu’on supporte plus ou moins bien, mais dont on donnerait cher pour se débarrasser.
Diogène, avant d’accepter un disciple, lui demandait de traîner un hareng en laisse sur l’Acropole : si le philosophe n’est pas prêt à supporter la réprobation générale, il n’est pas prêt non plus à penser librement, à remettre en cause les idées reçues, seul au besoin.
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Freud disait volontiers de ses patients que c’était de la racaille et qu’il leur tordrait bien le cou à tous. « Sachez, en effet, écrivait-il, que dans la vie je suis terriblement intolérant envers les fous : je n’y découvre que ce qu’ils ont de nuisible. » Le mieux, ajoutait-il, est de les mettre sur un vieux rafiot et de les expédier à l’autre bout du monde. Ils ne méritent pas le temps que nous leur consacrons.
Le nihilisme thérapeutique viennois avait quand même du bon…
La bonté absolue n’est pas moins dangereuse que le mal absolu. Ni aimer, ni haïr : voila la moitié de la sagesse. « Ne rien dire et ne rien croire », voilà l’autre moitié.
Il m’arrive de me demander si je ne suis pas pour le meilleur comme pour le pire une machine à calcul au service d’une machine à plaisir. Seule consolation : je ne suis pas le seul.
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