Pour refuser les étiquettes stigmatisantes, rien de mieux… que de s’attribuer des étiquettes et de les revendiquer. C’est le principe de ces expos coloniales 2.0 où l’on ne porte plus de pagne, mais plutôt les cheveux bleus.
Autrefois, pour s’offrir un petit shoot d’altérité, on allait visiter des zoos humains. Il s’en montait à l’occasion des Expositions universelles. De nos jours, ce serait impensable. C’est pour cette raison qu’a été lancée l’opération « La bibliothèque humaine », beaucoup plus en harmonie avec l’esprit woke de notre époque. Selon ses promoteurs, « c’est l’espace et le moment où notre curiosité, nos craintes, nos préjugés sur les personnes différentes de nous, rencontreront la réalité : un Livre en chair et en os à qui nous poserons nos questions, en douceur et avec respect, mais sans tabou ni pudeur. » En plus clair, il s’agit d’organiser des rencontres entre des membres du public et des « livres humains », autrement dit des individus appartenant à des minorités qui ont une histoire à raconter.
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L’idée nous vient sans surprise de Copenhague, mais essaime en Hexagone. L’objectif n’est rien moins que de changer le monde : « La Bibliothèque Humaine est la réponse au dilemme qui fait que nous passons à côté des personnes qui nous côtoient. Le temps d’une conversation, les “Lecteurs” ont la possibilité de faire face aux stéréotypes, aux doutes, aux idées préconçues… » En pratique, dans une médiathèque par exemple, on rencontre en face-à-face pour quelques minutes une personne – un livre humain disponible… en rayon – qui s’est définie par une étiquette : « Musulmane mais pas terroriste », « Ex-alcoolique », « Le vilain petit canard », « Ex-SDF », « Sexualité sans tabou », « Étrangère ici et là-bas », « Noire et fière de l’être », « Ex-toxicomane », « Moi petite-fille de nazi »… Comme souvent, dans l’édition, et l’humanité, c’est très segmenté… On remarque l’absence de titres dans le genre « Mâle blanc d’un certain âge et fier de l’être ».