Une tribune libre de Jean-Frédéric Poisson, président de VIA la voie du peuple et candidat à la présidentielle 2022
Primum non nocere : d’abord, ne pas nuire. Dans le monde de la médecine, ce principe de prudence est fondamental. Il est hélas victime dans nos sociétés modernes d’une affection grave – mais sans doute pas incurable : le mépris. Entre la gestion dangereuse de la crise sanitaire, la pression en faveur d’une vaccination généralisée sans préoccupation des effets secondaires, et la nouvelle proposition de loi à l’initiative de parlementaires radicaux et LREM, examinée actuellement à l’Assemblée nationale, et visant à légaliser l’euthanasie, on ne voit plus ce qui lie la médecine moderne à cette précaution hippocratique.
Est-ce objectivement le meilleur moment pour faire adopter cette loi que celui de la saturation massive de notre système de santé ? Les inlassables et déterminés promoteurs de l’euthanasie font preuve d’un certain opportunisme, même si l’ordre du jour des séances ne dépend pas totalement d’eux. Maintenir l’examen parlementaire d’un pareil texte au moment même où les Français craignent qu’un tri soit effectué dans les hôpitaux pour l’entrée des patients en réanimation paraît déplacé. Et pourtant, la première étape sur la voie de la légalisation de l’euthanasie a bel et bien été franchie le 31 mars dernier à l’Assemblée nationale avec l’adoption en Commission des Affaires Sociales de cette proposition de loi « Droit à une fin de vie libre et choisie », ce qui ouvre la voie à la discussion en séance publique ce jeudi 8 avril 2021.
En 2016, la loi Claeys-Leonetti avait déjà légalisé la « sédation profonde et continue » jusqu’au décès. Cinq ans plus tard, il faudrait encore aller plus loin
Deux arguments principaux se dégagent des discussions. D’abord l’argument immanquable du progressisme : puisque c’est autorisé ailleurs, il faudrait absolument que ce le soit également en France pour rattraper notre retard. Sans cela, nous serions non seulement un pays d’arriérés mais aussi d’hypocrites, laissant à nos voisins belges et suisses la responsabilité de permettre cette « ultime liberté ».
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Car tel est le second argument : l’accès à l’euthanasie laisserait à l’individu libre, la possibilité de rester maître de son destin jusqu’à la fin. Les promoteurs de l’euthanasie – et de la fausse bioéthique en générale – ne se posent pas la question de savoir si les barrières légales qui régissent encore la fin de vie ne présentent pas des vertus protectrices malgré leur aspect contraignant. Qui peut garantir que les personnes concernées, par principe déjà soumises à une grande détresse existentielle, ne subiront pas la pression de leur proches ou des établissements de santé, eux-mêmes soumis à des exigences de rentabilité ?
Depuis 2016, la loi Claeys-Leonetti avait déjà légalisé la « sédation profonde et continue » jusqu’au décès, pour les personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme. Cinq ans plus tard, il faudrait encore aller plus loin au motif que cette procédure serait trop passive. Il faudrait permettre un droit « actif » à l’euthanasie avec, pour seule condition, la reconnaissance du caractère « grave et incurable » de l’affection subie. Le propre du progressisme étant de vouloir aller toujours plus loin, il faut s’interroger sur la suite, l’étape suivante, et celle d’après… Jusqu’où ? Dans quel but ? Là n’est pas la question semble-t-il. Et pourtant.
Cette proposition de loi appelle un double motif d’opposition. Opposition sur le fond comme évoqué précédemment, mais aussi opposition sur la forme. La situation sociale et politique de la France ne permet pas que cette question soit assortie du débat public qu’elle mérite. Les Français sont plongés dans un état d’anxiété patente depuis un an. Sans certitude d’en sortir prochainement, préoccupés de mille sujets, et privés des liens sociaux propices à l’information et à la délibération démocratique, ils ne sont actuellement pas armés pour prendre sereinement la mesure de ce sujet. La décence voudrait que ce débat soit, au minimum, reporté.
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