Eric de Chassey, historien de l’art et actuel directeur de la Villa Médicis, n’est pas si «straight» que son patronyme et son curriculum vitae pourraient le laisser penser à des âmes simplistes. La preuve ? Il est commissaire de l’exposition Europunk présentée actuellement à la Cité de la Musique.
Oui, je sais, le Punk au musée est une drôle d’idée et on peut imaginer que Sid Vicious va cracher dans sa tombe… Mais ce n’est pas pire que l’introduction des Ramones ou de Clash au Rock n’roll Hall Of Fame.
Le fait est que le mouvement punk a constitué une révolution musicale et culturelle considérable dont les effets se font encore sentir trente-cinq ans après dans la musique mais aussi la mode, le graphisme, la vidéo et tutti frutti, comme disait un sautillant génie prépunk.
L’exposition a le bon goût de bien situer les Sex Pistols comme pères fondateurs de la vague punk en leur consacrant une salle, tout comme d’avoir choisi l’année 1980 comme date de fin, ce qui évite de trop s’engluer dans la cold wave, la musique industrielle, etc.
Elle a le grand mérite de présenter une large contextualisation historique du mouvement, des plots dignes des monolithes de 2001, L’Odyssée de l’Espace présentant une chronologie culturelle, mais aussi politique et sociale démarrant au début des années 1970.
Les limites de l’exposition sont liées à son parti pris «européen» (laissant largement de côté le punk US) dont on ne comprend pas trop les motivations, Arte ne figurant pas parmi les sponsors.
Eric de Chassey a largement insisté sur la révolution graphique qu’a constitué le mouvement punk, au détriment de la déflagration musicale, laissée largement à entendre mais peu explicitée. Pas d’évocations de la rupture avec les errements «progressifs» (Floyd, Yes, Genesis, «jazz rock» etc) qu’a constitué le retour au rock n’roll en trois accords, la réhabilitation du format court (chansons de deux-trois minutes) et par conséquent du disque 45 tours. Il n’y a rien non plus sur les liens avec le reggae jamaïcain, véritable bande son de la période.
Mais des empilements de téléviseurs vintage permettent au fan comme au néophyte de voir et d’écouter les groupes phares du moment, des Damned ou Buzzcocks à Crass en passant par Siouxie and the Banshees et les Slits. Image tremblante et son pourri sont restitués à merveille, dans les conditions et l’esprit de l’époque.
Parmi les 450 documents présentés, on découvrira les chemises peintes par Vivian Westwood portées par les Pistols à leurs débuts ainsi qu’une remarquable collection de fanzines, le titre du britannique Snffin’ Glue étant déjà tout un programme. Mais la part du lion est laissée aux graphistes dont, cocorico, les plus fameux et talentueux furent les français de Bazooka ainsi qu’aux photographes du collectif Belle Journée en Perspective.
Grâce à Patrick Eudeline, rock-critique et icône de la scène punk, l’exposition de la Cité de la Musique se paie même le luxe d’entrer en littérature… Il en parle en effet dans l’introduction de son nouvel ouvrage «Je reprends la route demain» (éditions Attitudes) : «en cette rentrée 2013, on met le punk au Musée et (…) donc, je le sens, il me va falloir radoter dans les médias sur cet irracontable, une fois encore…». Certes, Patrick, mais les kids pourront aussi y aller et se faire leur opinion… S’ils font vite, car il ne reste que quelques jours.
Europunk, Paris, Cité de la Musique, Jusqu’au 19 janvier.
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