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Souveraineté industrielle: le privé à la rescousse de Valdunes

L’avenir de Valdunes sur de bons rails


Souveraineté industrielle: le privé à la rescousse de Valdunes
Roland Lescure, ministre délégué à l'Industrie, visite l'usine de Valdunes à Trith-Saint-Léger (59), juin 2023 © FRANCOIS GREUEZ/SIPA

Le tribunal de Lille rendra le 20 mars sa décision au sujet de la reprise de Valdunes par Europlasma. Un espoir pour 178 employés des sites de Dunkerque et de Valenciennes, et la possibilité pour le pays de conserver le dernier fabricant de roues de trains français.


Valdunes, fabricant de roues et d’essieux de train, devrait rester français. Après le retrait du repreneur chinois, l’entreprise attend la décision finale du tribunal de commerce de Lille le 20 mars prochain, censée entériner le plan de reprise proposé par Europlasma, avec le soutien de l’État français. Emplois et savoir-faire devraient donc être restés sous pavillon tricolore, grâce à un agenda commun entre finance privée et secteur public.

Rue des Aciéries à Dunkerque, la température va probablement redescendre d’un cran. Mercredi 28 février, le tribunal de commerce de Lille a reporté de trois semaines sa décision finale[i], mais il ne devrait plus y avoir de surprise. Bloqué par des salariés en colère, le site du nord de la France de MG Valdunes devrait être sauvé grâce au projet de reprise conjoint entre l’entreprise privée Europlasma et différentes institutions publiques, dont la SNCF. La fin d’un douloureux feuilleton est en vue pour les trois cent salariés de l’entreprise, avec ce plan de reprise de 35 millions d’euros : Europlasma et l’État mettent 15 millions sur la table chacun, la SNCF 1 million, les 4 millions restants étant apportés par les collectivités locales.

Un enjeu de souveraineté industrielle

Du côté de Bercy, l’optimisme prédomine avec ce plan de sauvetage. « Nous avons aujourd’hui un repreneur – Europlasma – qui est prêt à porter un projet visant le maintien de cette filière ferroviaire à travers la décarbonation de la production, ce qui est particulièrement important pour moi et représentatif de ce que nous voulons porter, avance Roland Lescure[ii], ministre délégué chargé de l’Industrie. Je tiens à saluer et remercier l’ensemble des parties prenantes engagées, notamment les salariés, les organisations syndicales et les élus locaux. »

Sur le site de la forge de Leffrinckoucke, près de Dunkerque, et sur le site d’usinage des pièces à Trith-Saint-Léger, près de Valenciennes, le plan prévoit la préservation de 178 emplois sur les 309 concernés. Les salariés de Valdunes qui ne seront pas conservés seront accompagnés par une cellule spécifique qui leur « leur apportera un soutien tout particulier jusqu’à ce que chacun ait retrouvé une solution, a précisé le ministre délégué, grâce à des bilans de compétence et des formations nécessaires à leur reconversion au sein d’entreprises locales. Une solution soutenue par les syndicats, principalement la CGT, dont le délégué Maxime Savaux a pris part aux ultimes discussions à Bercy[iii] le 26 février. À la sortie de l’audience du tribunal le surlendemain, Savaux a d’ailleurs jugé que l’avis rendu par la cour était « en grande partie favorable » et a salué « un projet assez vertueux, ambitieux ».

L’épilogue de ce long feuilleton est donc proche. Après avoir été placée en redressement judiciaire suite au lâchage de son actionnaire chinois, Valdunes attendait un miracle. Il s’est produit avec l’entrée en lice d’Europlasma. Pour l’État français et pour Bercy, le maintien en France de la dernière filière de fabrication de roues et d’essieux ferroviaires était devenu un enjeu de souveraineté industrielle. Si d’aventure Valdunes fermait ses portes, les partenaires de la SNCF devraient s’approvisionner hors de France, chez les Italiens de Lucchini RS, les Allemands de GHH-Bonatrans ou pire, chez les Chinois de Jiangsu Railteco Equipment Co. D’un point de vue macro, les conséquences seraient significatives pour Alstom qui fabrique les rames de TGV ; à l’échelle locale, à Dunkerque comme à Valenciennes, ce sont des bassins d’emplois métallurgiques déjà sinistrés qui rateraient l’occasion de s’offrir un second souffle.

Europlasma, le « sauveur » de Valdunes

Si l’État français a décidé de mettre la main à la poche pour soutenir ce projet de reprise, c’est qu’il a pleinement confiance dans le savoir-faire industriel de son partenaire privé, l’entreprise Europlasma. Peu connue du grand public, cette dernière fait pourtant partie des fleurons de l’industrie française. Spécialiste mondial de la décarbonation et du traitement des déchets dangereux grâce aux torches à plasma, cette PME basée à Morcenx-la-Nouvelle dans le Sud-Ouest a mis en place depuis 2019 une stratégie de réindustrialisation tous azimuts. Depuis, elle a par exemple repris les Forges de Tarbes en 2020, alors au bord de la faillite, ou encore Luxfer (fabricant de bouteilles à oxygène) et Satma Industries (fabricant de condensateurs électrolytiques) en 2022. L’entreprise a ainsi rempli son carnet de commande grâce à des commandes du ministère des Armées – pour la fabrication d’obus de 155mm destinés à l’Ukraine – et grâce à des procédés innovants en matière de captation et de décomposition du CO2.

Avec l’expérience des Forges de Tarbes et grâce à ses partenaires financiers, Europlasma s’est donc imposée pour la reprise des sites de MG Valdunes, en mettant 15 millions d’euros sur la table. Une somme qui dépasse de loin les budgets avancés lors de ses précédentes acquisitions réalisées ces cinq dernières années. Pour ce faire, l’équipe dirigeante d’Europlasma s’est appuyée sur un mode de financement alternatif inédit, hors des circuits bancaires traditionnels, en ayant recours aux OCABSA (Obligations Convertibles en Actions avec Bons de Souscription d’Actions) que lui propose son partenaire financier, Alpha Blue Ocean (ABO).

La réussite d’un plan de financement alternatif

En France, la reprise d’entreprises en difficulté est souvent un parcours du combattant, la réglementation bancaire (CRBF) imposant aux institutions bancaires une mobilisation de fonds propres égale à 100% des montants prêtés. Chose qu’elles ne se permettent évidemment pas. Pour les repreneurs porteurs d’un projet de relance industrielle, il faut donc trouver des solutions alternatives. ABO est donc entré en scène, comme il l’avait déjà fait au moment des reprises de Luxfer ou des Forges de Tarbes, apportant des réponses rapides aux besoins mis sur la table : « Pour notre site des Forges de Tarbes, nous avions un projet d’investissement très lourd et très solide, se souvient Jérôme Garnache [iv], le PDG d’Europlasma. Les OCABSA ont permis d’investir rapidement afin d’honorer des contrats qui étaient déjà signés. Nous avons fait 15 millions sur un deal et il y en avait d’autres à venir. Nous devions donc faire des investissements, et les faire dans un laps de temps très court. » L’opération a été couronnée de succès. C’est donc tout naturellement qu’Europlasma a fait à nouveau appel à Alpha Blue Ocean pour monter le plan de reprise de Valdunes, dans le Nord. Une opération qui tient d’autant plus à cœur des financeurs, que Pierre Vannineuse, cofondateur d’ABO, est un enfant du pays [v].

Cette réussite privée, l’État français aura tout intérêt à la faire fructifier, en termes de réindustrialisation, mais aussi en termes d’image. La reprise de Valdunes offrira l’occasion aux pouvoirs publics – si elle est confirmée par le tribunal – de démontrer leur capacité à transformer les promesses en actes. Et ce en s’appuyant sur l’écosystème de la finance privée « made in France » sans qui de nombreux projets seraient inenvisageables. Rendez-vous donc le 20 mars prochain pour connaître l’épilogue du dossier Valdunes.


[i] https://www.lexpress.fr/societe/valdunes-la-reprise-par-europlasma-mise-en-delibere-au-20-mars-DLOCKBNTXJDI7FYE6CUCKJP4SA/

[ii] https://presse.economie.gouv.fr/une-reunion-qui-acte-la-finalisation-du-financement-autour-du-projet-de-reprise-de-mg-valdunes-porte-par-europlasma/

[iii] https://hanslucas.com/cmartin/photo/73817

[iv] https://www.journaldeleconomie.fr/Jerome-Garnache-La-difficulte-du-financement-en-OCABSA-c-est-d-expliquer-le-mecanisme-aux-actionnaires_a12661.html

[v] https://www.linkedin.com/posts/xavierbertrand_le-destin-de-valdunes-et-de-ses-salari%C3%A9s-activity-7153191333959016449-WJUk/




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