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La terre contre le terroir

Les élus Verts défendent une écologie déracinée, bien loin de la protection du terroir


La terre contre le terroir
Bérénice Levet © Hannah Assouline

Pour les nouveaux élus locaux verts, la terre n’est que de la matière sans histoire ni imaginaire. Pour ceux qui sont attachés à la singularité française, c’est le terroir: la terre travaillée par les ancêtres qui porte leur empreinte.


Le retour en force, et en grâce, du local, des circuits courts, des « petits commerçants », des « petits artisans », de la souveraineté, de ces mots, et de ces choses, hier encore conspués et abandonnés aux populistes, témoignent d’une aspiration à retrouver une terre, un sol, des réalités concrètes, incarnées, charnelles. « Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage […] et puis est retourné, plein d’usage et raison, vivre entre ses parents le reste de son âge », chantait le poète. Ces vers de Du Bellay peignent et éclairent le mouvement qui nous porte. Comme Ulysse, après des décennies de fuite en avant et d’abstraction, il semble bien que nous aspirions à rentrer. Comme Ulysse, nous redécouvrons les vertus du lieu, de la sédentarité et des choses familières. Sans doute le voyage, métaphore du nomadisme et du mouvement perpétuel, de l’individu en marche et de la mondialisation, a-t-il été beau, pour certains du moins, ceux qui en ont les moyens, matériels et moraux. Ceux que l’on appelle les gagnants de la mondialisation. Toutefois, même parmi ces derniers, l’adhésion n’est plus si entière. Eux aussi, à l’image du héros de Troie, commencent à s’en retourner pleins d’usage et raison, mais d’une raison toute négative, instruits de ce que cette vie n’en est pas une, qu’elle entraîne la destruction la planète sans doute, mais d’abord ne nourrit pas son homme. Si économiquement, la mondialisation fait des gagnants, existentiellement, elle ne fait que des perdants. Les anywhere, ces cadres de l’économie numérique, ces traders et autres individus hautement diplômés qui se flattaient hier d’être de partout et de nulle part, se convertissent à des métiers manuels, cultivant leur lopin de terre ou leur vigne, conduisant leur troupeau de chèvres et fabriquant leur fromage.

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La France périphérique et l’élite mondialisée d’hier semblent ainsi faire cause commune. Et l’on pourrait penser, l’on voudrait penser que le parti écologiste donne une traduction politique à cette aspiration, à ce désir de retrouvailles avec la nation. Grégory Doucet, le nouveau maire EELV de Lyon, n’a-t-il pas déclaré, congédiant la polarité droite/gauche, que « le clivage qui fait sens en politique, c’est celui entre les terrestres et les non-terrestres » ? Sauf que… la terre de Doucet, ce n’est jamais que de la terre, de la matière, sans histoire, sans passé, sans imaginaire, ou bien la Terre, avec une majuscule, réalité aussi abstraite que la planète, alors que la terre de la France périphérique et celle de tous ceux qui sont attachés à la singularité française, c’est la


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Octobre 2020 – Causeur #83

Article extrait du Magazine Causeur




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est docteur en philosophie. Derniers essais: Libérons-nous du féminisme! (2018), Le Crépuscule des idoles progressistes (2017)

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